Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 novembre 2022 et les 15 février et 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération n° 2022-20 du 24 juin 2022 par laquelle le conseil d'administration de l'université Paris Cité a émis un avis défavorable à la liste des candidats proposée par le conseil académique siégeant en formation restreinte pour le poste ouvert en littérature française du XXème et du XXIème siècles sous le n° 261, d'autre part, la décision du 16 septembre 2022 par laquelle la présidente de cette université a rejeté son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au conseil d'administration de l'université Paris Cité de délibérer à nouveau sur la liste proposée par le conseil académique dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'université Paris Cité la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anissia Morel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Goldman B..., avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que l'université Paris Cité a ouvert au recrutement, sous le n° 261, un poste de professeur des universités en littérature française du XXème et du XXIème siècles. Par une délibération du 10 mai 2022, le comité de sélection de cette université a établi une liste de cinq candidats sur laquelle M. A..., professeur des universités en fonctions à l'université de Grenoble Alpes, candidat par voie de mutation, figurait en première position. Par une délibération du 19 mai 2022, le conseil académique de l'université siégeant en formation restreinte a émis un avis favorable à ces candidatures et les a transmises dans cet ordre au conseil d'administration de l'université assorties de réserves suscitées par l'information dont disposait son président sur les " questions d'éthique soulevées au sujet du classement voté par le comité de sélection 261, qui ont donné lieu à l'ouverture d'une enquête des référents à l'intégrité scientifique de l'université ". Par une délibération du 17 juin 2022, le conseil d'administration de l'université siégeant en formation restreinte a émis un avis défavorable sur la liste proposée par le conseil académique et décidé de ne pas la transmettre au président de l'université, au motif que le principe d'impartialité avait été méconnu au cours de la procédure de recrutement. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 1er juin 2022 du conseil d'administration et de la décision du 16 septembre 2022 par laquelle la présidente de cette université a rejeté son recours gracieux.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'université Paris Cité :
2. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". Toutefois, l'article R. 414-5 du même code prévoit que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le requérant utilise un des téléservices mentionnés à cet article et s'agissant de celui visé à l'article R. 414-1 de ce code, lorsqu'il est recouru à la génération automatique de l'inventaire.
3. Il ressort des pièces du dossier que la requête de M. A... a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat en utilisant l'application mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative et en recourant à la génération automatique de l'inventaire détaillé des pièces qui l'accompagnait. L'université Paris Cité n'est donc pas fondée à soutenir que la requête de M. A... serait irrecevable faute de comporter un inventaire détaillé des pièces jointes à l'appui de la requête.
Sur la légalité des décisions attaquées :
4. Aux termes de l'article L. 712-3 du code de l'éducation : " Sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national d'agrégation de l'enseignement supérieur, aucune affectation d'un candidat à un emploi d'enseignant chercheur ne peut être prononcée si le conseil d'administration, en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés, émet un avis défavorable motivé ". Aux termes de l'article L. 712-6-1 du même code : " (...) IV. En formation restreinte aux enseignants-chercheurs, [le conseil académique] est l'organe compétent, mentionné à l'article L. 952-6 du présent code, pour l'examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs. (...) ". Aux termes de l'article 51 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences : " Les mutations des professeurs des universités sont prononcées par arrêté du président ou du directeur de l'établissement d'accueil après application de la procédure prévue aux articles 9, 9-1, 9-2 et 9-3 ". Enfin, aux termes de l'article 9-2 du même décret : " Le comité de sélection examine les dossiers des candidats postulant à la nomination dans l'emploi de maître de conférences ou de professeur des universités soit par mutation, soit par détachement. (...). Après avoir procédé aux auditions, le comité de sélection délibère sur les candidatures et, par un avis motivé unique portant sur l'ensemble des candidats, arrête la liste, classée par ordre de préférence, de ceux qu'il retient (...). Au vu de l'avis motivé émis par le comité de sélection, le conseil académique ou l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, propose le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. Il ne peut proposer que les candidats retenus par le comité de sélection. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement. (...) Sauf dans le cas où le conseil d'administration émet un avis défavorable motivé, le président ou directeur de l'établissement communique au ministre chargé de l'enseignement supérieur le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence. En aucun cas, il ne peut modifier l'ordre de la liste de classement ".
5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que le conseil d'administration, saisi de la proposition du conseil académique, ne peut émettre un avis défavorable, hors le cas où il estime, sans remettre en cause l'appréciation des mérites scientifiques des candidats par le comité de sélection, que leurs candidatures ne sont pas en adéquation avec le profil du poste ouvert au recrutement ou avec la stratégie de l'établissement, que si la procédure de recrutement par voie de mutation à un emploi de professeur des universités est entachée d'irrégularité. A ce titre, il lui appartient, notamment, de veiller au respect du principe d'impartialité.
6. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que, pour émettre un avis défavorable à la liste de candidats retenue par le conseil académique, le conseil d'administration de l'université Paris Cité s'est borné à rappeler les conditions dans lesquelles le principe d'impartialité s'applique aux comités de sélection, sans indiquer, même sommairement, les raisons pour lesquelles il estimait que les liens résultant des relations professionnelles entre M. A... et des membres du comité de sélection dans la discipline en cause pouvaient être de nature à faire obstacle à ce que ces membres participent régulièrement au comité de sélection pour se prononcer sur les mérites de sa candidature. M. A... est, par suite, fondée à soutenir que cette délibération, insuffisamment motivée, est entachée d'illégalité.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, M. A... est fondé à demander l'annulation de la délibération du 24 juin 2022 du conseil d'administration de l'université Paris Cité ainsi que, par voie de conséquence, de la décision de la présidente de l'université rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
9. L'annulation de la délibération attaquée implique seulement que, si le recrutement est maintenu, le conseil d'administration délibère à nouveau sur la liste proposée par le conseil académique. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à l'université Paris Cité de réunir son conseil d'administration à cette fin dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Paris Cité la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La délibération du 27 juin 2022 du conseil d'administration de l'université de Paris Cité et la décision de la présidente de l'université rejetant le recours gracieux de M. A... sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à l'université Paris Cité, si le recrutement est maintenu, de réunir son conseil d'administration afin qu'il délibère à nouveau sur la liste proposée par le conseil académique aux fins de recrutement par voie de mutation d'un professeur des universités pour le poste ouvert en littérature française du XXème et du XXIème siècle sous le n° 261, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'université de Paris Cité versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'université Paris Cité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'université Paris Cité.
Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.