Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 22 décembre 2021 et les 22 mars et 13 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la durée excessive de la procédure de jugement de son affaire devant la juridiction administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros à la SCP Gury-Maître, son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anissia Morel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de M. B... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2023, présentée par M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect. Ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu, notamment de l'exercice des voies de recours, particulière à chaque instance et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement. Lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive. Lorsque des dispositions applicables à la matière faisant l'objet d'un litige organisent une procédure préalable obligatoire à la saisine du juge, la durée globale de jugement doit s'apprécier, en principe, en incluant cette phase préalable.
2. Il résulte de l'instruction que M. B... a saisi la commune de Carpentras d'une demande tendant à la communication de divers documents. N'ayant obtenu que certains d'entre eux, il a saisi le 22 janvier 2018 la Commission d'accès aux documents administratifs qui, le 16 avril 2018, a émis un avis favorable à la communication des documents manquants, en l'espèce, les pièces comptables relatives aux honoraires versés par la commune aux avocats la représentant dans les litiges l'opposant au requérant et le compte-rendu des délibérations du conseil municipal relatives à l'installation d'un médecin généraliste en centre-ville. Par une requête enregistrée le 19 avril 2018, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Carpentras a refusé de lui communiquer ces documents administratifs et d'enjoindre à la commune de les lui communiquer. Par un jugement du 26 février 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision et a enjoint à la commune de communiquer à M. B... les documents comptables en cause et de publier sur son site internet les comptes-rendus litigieux, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. M. B... a saisi ce même tribunal le 27 mars 2020 d'une demande tendant à l'exécution de ce jugement. Par un jugement du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Nîmes a constaté l'exécution partielle de son jugement, les documents comptables ayant été transmis le 5 mai 2020 à M. B..., et a prononcé une astreinte de 50 euros par jour de retard à l'encontre de la commune de Carpentras à défaut de justification, par celle-ci, de l'exécution complète du jugement du 26 février 2020. Le 24 mars 2021, M. B... a demandé au tribunal administratif de liquider cette astreinte. Par un jugement du 4 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a ordonné la liquidation de l'astreinte. M. B... demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la durée excessive de jugement de cette affaire par la juridiction administrative.
3. Il résulte de l'instruction que la procédure engagée par M. B... pour obtenir la communication des documents en cause, mentionnée au point précédent, a duré, s'agissant de la demande de communication des documents comptables, environ deux ans et trois mois, et s'agissant de la demande de publication des comptes-rendus litigieux, environ quatre ans, M. B... n'incluant pas dans sa demande indemnitaire l'éventuelle inexécution du jugement du 26 février 2020 postérieurement au jugement du 4 février 2022, dont environ deux ans pour le jugement de sa demande au fond et d'environ un an pour celui de chacune de ses demandes d'exécution. A supposer que la durée de jugement de la demande relative aux délibérations en cause, prise globalement, et ce, malgré la nature du contentieux en cause, le faible enjeu, au demeurant, non étayé, qu'il représente pour le requérant et le fait que le comportement de la commune, qui a tardé à exécuter le premier jugement du tribunal administratif, a contribué significativement à l'allongement de la procédure, ait excédé la durée raisonnable de jugement, il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le délai de jugement du litige de M. B..., engagé pour obtenir la communication de ces délibérations, lui ait causé un préjudice moral. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la méconnaissance de son droit à un délai raisonnable de jugement.
4. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.