Vu la procédure suivante :
Mme D... B... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, sous le n° 1906645, d'annuler la décision du 20 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a, sur leur recours administratif préalable, confirmé le rejet de leur demande tendant au bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 1er août 2015, d'enjoindre au département du Tarn de leur verser rétroactivement le revenu de solidarité active pour la période du 1er août 2015 au mois d'août 2019, soit la somme de 45 378,97 euros, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de condamner le département du Tarn à leur verser une indemnité de 6 900 euros en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi, d'autre part, sous le n° 2003983, d'annuler les décisions des 18 et 20 juin 2019 par lesquelles la caisse d'allocations familiales du Tarn a effectué des retenues de 4 112,24 et 2 061,23 euros sur un rappel de revenu de solidarité active et de prime d'activité, d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales et au département du Tarn de leur restituer ces sommes et de condamner le département du Tarn à leur verser une indemnité de 16 173,47 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi. Par un jugement nos 1906645, 2003983 du 4 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 20 septembre 2019 du président du conseil départemental du Tarn, enjoint au département du Tarn de réexaminer les droits de M. C... et de Mme B... au revenu de solidarité active pour la période du 1er février 2016 au 31 mai 2018, condamné le département du Tarn à verser à M. C... et Mme B... une somme de 2 500 euros en réparation de leur préjudice moral et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 octobre 2022 et 12 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la caisse d'allocations familiales et du département du Tarn la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Delamarre, Jéhannin, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département du Tarn ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de Mme B... et de M. C..., la caisse d'allocations familiales du Tarn a suspendu leur droit au revenu de solidarité active à compter du 1er août 2015 et leur a indiqué qu'ils étaient redevables de plusieurs indus de prestations sociales. Mme B... et M. C... ont demandé la réouverture de leurs droits au revenu de solidarité active. Par deux décisions du 18 juin 2019, la caisse d'allocations familiales du Tarn a, d'une part, accordé à Mme B... des droits au revenu de solidarité active à compter de juin 2018 et, d'autre part, fixé le montant de la prime d'activité à laquelle Mme B... avait droit depuis le 1er juin 2018, en en retenant toutefois la totalité pour la récupération partielle des indus d'aide personnalisée au logement et d'allocation de rentrée scolaire. Enfin, par une décision du 20 juin 2019, elle a fixé le montant du revenu de solidarité active auquel Mme B... avait droit depuis le 1er juin 2018 mais en a retenu une partie pour la récupération des mêmes indus. Par une décision du 20 septembre 2019, le président du conseil départemental du Tarn a confirmé, d'une part, le rejet de la demande de Mme B... et de M. C... tendant au bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 1er août 2015 et, d'autre part, les retenues opérées sur les sommes versées au titre de droits au revenu de solidarité active dus pour la période ayant couru de juin 2018 à juin 2019 et rejeté la demande de réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis. Par un jugement du 4 mai 2022, contre lequel Mme B... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 20 septembre 2019 du président du conseil départemental du Tarn, enjoint au département du Tarn de réexaminer les droits de Mme B... et de M. C... au revenu de solidarité active pour la période du 1er février 2016 au 31 mai 2018, condamné le département du Tarn à verser à Mme B... et M. C... une somme de 2 500 euros en réparation de leur préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes, dont en particulier les conclusions indemnitaires et celles tendant à l'annulation des décisions des 18 et 20 juin 2019 en tant qu'elles opèrent des retenues sur les sommes versées au titre de droits au revenu de solidarité active et de prime d'activité dus pour la période de juin 2018 à juin 2019. Eu égard aux moyens qu'elle invoque, Mme B... doit être regardée comme demandant l'annulation de ce jugement en tant seulement qu'il rejette le surplus des conclusions de ses demandes.
Sur le jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la demande de Mme B... se rapportant aux décisions des 18 et 20 juin 2019 de la caisse d'allocations familiales du Tarn :
2. Aux termes de l'article L. 351-11 du code de la construction et de l'habitation, alors applicable, l'organisme payeur de l'aide personnalisée au logement, en l'absence de contestation sur l'exactitude d'un trop-perçu, " récupère cet indu par retenue sur les échéances d'aide personnalisée au logement à venir ". Aux termes de l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale dans sa version alors en vigueur : " Tout paiement indu de prestations familiales est récupéré, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, par retenues sur les prestations à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution ". A défaut, l'organisme payeur peut, en vertu des mêmes dispositions, procéder à la récupération d'indus de ces deux prestations " par retenues sur les échéances à venir dues " au titre de certaines autres prestations, dont la prime d'activité mentionnée à l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale et le revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles.
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 dont elles sont issues, que l'organisme payeur peut procéder à la récupération d'indus de certaines prestations sociales, notamment de l'aide personnalisée au logement et de prestations familiales, par retenue sur des échéances à venir de prime d'activité et de revenu de solidarité active, alors même que ces échéances se rapporteraient à des droits ouverts au titre d'une période antérieure à la décision de récupération des indus.
4. Par suite, en jugeant que les droits à la prime d'activité et au revenu de solidarité active accordés à Mme B... par les décisions des 18 et 20 juin 2019 au titre de la période antérieure de juin 2018 à juin 2019 constituaient des " échéances à venir " au sens des dispositions citées au point 2, permettant à l'organisme payeur d'opérer, par ces mêmes décisions, la récupération d'indus d'aide personnalisée au logement et d'allocation de rentrée scolaire par retenue sur ces prestations, le tribunal, qui n'avait pas à s'assurer que ces retenues étaient opérées conformément aux conditions définies par l'article D. 553-1 du code de la sécurité sociale dès lors qu'il ne s'était pas estimé saisi d'une contestation assortie sur ce point de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la demande de Mme B... se rapportant à la décision du 20 septembre 2019 du président du conseil départemental du Tarn :
5. En relevant, pour rejeter les conclusions dirigées contre la décision du 20 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental du Tarn a, notamment, confirmé le rejet de la demande de Mme B... et de M. C... tendant au bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 1er août 2015 que, par une décision devenue définitive du 17 mars 2016, le président du conseil départemental du Tarn avait confirmé, sur leur recours préalable, différents indus de revenus de solidarité active pour la période de décembre 2012 à juillet 2015 et avait confirmé l'absence de droits au revenu de solidarité active des requérants à compter de décembre 2012, le tribunal administratif ne s'est pas mépris sur la portée des écritures dont il était saisi et a porté sur les faits de l'espèce et les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, sans les dénaturer.
Sur le jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions indemnitaires de la demande de Mme B... :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires relatives au préjudice subi du fait de l'illégalité des décisions des 18 et 20 juin 2019 de la caisse d'allocations familiales du Tarn :
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le tribunal n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que les retenues pratiquées par le département du Tarn ne présentaient pas de caractère fautif.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires relatives au préjudice subi du fait du délai de traitement de la demande de versement du revenu de solidarité active présentée par Mme B... le 1er février 2016 :
7. En relevant que les droits au revenu de solidarité active de Mme B... seraient réexaminés et que ses droits à cette allocation avaient d'ores et déjà été ouverts à compter du 1er juin 2018 et en déduisant de cette circonstance qu'il ne pouvait être fait droit à ses conclusions tendant à la réparation du préjudice financier qu'elle estimait avoir subi en raison du retard avec lequel sa demande d'ouverture des droits au revenu de solidarité active a été examinée, le tribunal administratif, à qui il n'appartenait pas de déterminer le montant des pertes comptables subies par M. C... et Mme B..., s'est livré à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit. S'il était indifférent à cet égard que l'intéressée n'ait pas contesté avant le 11 juin 2019 la décision implicite de rejet de sa demande de revenu de solidarité active du 1er février 2016, le tribunal n'a relevé cette circonstance qu'à titre surabondant, de sorte que la requérante ne peut utilement s'en prévaloir pour demander, pour ce motif, l'annulation du jugement en tant qu'il s'est prononcé sur ses conclusions indemnitaires.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que le département du Tarn demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Tarn au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B... et au département du Tarn.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Vérot, Mme Anne Lazar Sury, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 15 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber