La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2023 | FRANCE | N°470624

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12 décembre 2023, 470624


Vu la procédure suivante :



La société Eqiom Bétons a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation qui lui ont été réclamés au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2002748 du 1er juin 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21PA04303 du 7 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a prononcé la décharge d

es rappels d'impôts en litige en totalité au titre de l'année 2014 et à concurrence d'une réd...

Vu la procédure suivante :

La société Eqiom Bétons a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation qui lui ont été réclamés au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2002748 du 1er juin 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA04303 du 7 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a prononcé la décharge des rappels d'impôts en litige en totalité au titre de l'année 2014 et à concurrence d'une réduction de base de 17 601 902 euros au titre de l'année 2015 et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel formée par la société Eqiom Bétons contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier et 16 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de la société Eqiom Betons.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Eqiom Bétons ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Eqiom Bétons a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation au titre des années 2014 et 2015. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt du 7 décembre 2022 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel formé par la société Eqiom Bétons contre le jugement du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Montreuil, a prononcé la décharge des rappels d'impôts en litige en totalité au titre de l'année 2014 et à concurrence d'une réduction de base de 17 601 902 euros au titre de l'année 2015.

2. Aux termes du 1 du II de l'article 1586 ter du code général des impôts : " La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies ". Aux termes du 4 du I de l'article 1586 sexies du même code : " La valeur ajoutée est égale à la différence entre :

/ a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) / (...) / b) Et, d'autre part : / (...) / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location (...) ". Pour l'application de ces dispositions, doivent être regardés comme des loyers afférents à des biens corporels l'ensemble des sommes versées en contrepartie d'une prestation dont l'objet principal est la mise à disposition de tels biens, y compris celles constituant la contrepartie d'une prestation accessoire à cette mise à disposition. En revanche, les sommes versées en contrepartie d'autres prestations, distinctes, fournies en complément de la mise à disposition de biens corporels et des prestations accessoires, n'ont pas le caractère de loyers. En cas de facturation globale, il appartient au preneur d'établir, par tous moyens, la fraction du prix qui correspond à ces prestations distinctes.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour assurer la livraison de béton, la société Eqiom Bétons concluait avec des loueurs, au titre des années en litige, des contrats-cadres dont l'objet était la location de véhicules avec personnel de conduite, notamment pour une durée supérieure ou égale à six mois. Des contrats d'application étaient ensuite conclus, précisant notamment que le service rendu consistait à mettre un camion avec chauffeur à disposition du preneur afin de lui permettre de délivrer des quantités de béton sur les chantiers de ses clients.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'en jugeant que les dépenses de loyers, non déductibles de la valeur ajoutée servant au calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, s'entendaient strictement, à l'exclusion de l'ensemble des prestations et frais annexes à cette location mais compris dans le coût global facturé par le prestataire, et en en déduisant que pouvaient être déduits de la valeur ajoutée la part des coûts des contrats ne correspondant pas à " la stricte location des camions ", sans rechercher si les frais annexes à déduire correspondaient effectivement à des prestations distinctes fournies en complément de la mise à disposition des véhicules et non à des prestations accessoires à celle-ci, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt du 7 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans le mesure de la cassation décidée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Eqiom Bétons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ainsi qu'à la société Eqiom Bétons.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge,

M. Vincent Daumas, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et

M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470624
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2023, n° 470624
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470624.20231212
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award