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12/12/2023 | FRANCE | N°470038

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12 décembre 2023, 470038


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1901859 du 10 juillet 2020, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.



Par un arrê

t n° 20LY02680 du 27 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1901859 du 10 juillet 2020, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 20LY02680 du 27 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 27 décembre 2022 et les 27 mars et 24 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que

M. B... A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2009 et d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012 à l'issue desquels l'administration fiscale a notamment estimé que les dividendes servis au cours des années 2009 à 2011 par la société française Fidem à sa société-mère luxembourgeoise Holdem devaient, en application de la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, être regardés comme distribués au contribuable, associé à 50 % de cette seconde société. Par un jugement du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, à la suite de cette rectification, ainsi que des pénalités correspondantes. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'administration d'écarter, au motif qu'ils procèderaient d'un abus de droit, des actes qui, bien qu'uniquement inspirés par le motif d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale supportée par le contribuable, sont, en réalité, dépourvus d'incidence sur cette charge. En revanche, n'est pas de nature à faire obstacle à ce que soient écartés comme procédant d'un abus de droit des actes passés ou réalisés dans le seul but d'atténuer la charge fiscale supportée par le contribuable, la circonstance que l'intéressé aurait pu réduire cette charge de manière identique en faisant le choix de passer ou de réaliser d'autres actes que ceux argués d'abus de droit.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Fidem, qui détenait des participations dans plusieurs sociétés et possédait plusieurs biens immobiliers, était détenue, depuis le décès de leur père en 2006, par MM. Aymeric et B... A..., à parts égales. Le 12 décembre 2008, les intéressés ont créé la société de droit luxembourgeois Holdem dont ils détenaient chacun la moitié du capital de 31 000 euros. Le 31 mars 2009, ils ont apporté à la société Holdem l'intégralité des parts qu'ils détenaient dans la société Fidem, pour une valeur totale de 7 097 200 euros. La société Fidem a distribué au cours des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, respectivement 3 501 749 euros, 414 371 euros et 224 080 euros de dividendes à sa société-mère luxembourgeoise, laquelle a en outre bénéficié, au cours de l'exercice clos en 2011, de la réduction du capital de la société française à hauteur de 1 940 969 euros. Le capital de la société luxembourgeoise a été ensuite réduit en 2012 et en 2015 de 10 % et de 80 %. A l'issue de ces opérations, MM. A... ont chacun pu appréhender la somme de 3 207 690 euros.

4. Il ressort également des énonciations de l'arrêt attaqué que l'administration fiscale a estimé que la société luxembourgeoise Holdem était dépourvue de substance économique réelle et que son interposition entre ses associés et la société française Fidem présentait le caractère d'un montage artificiel réalisé dans le but exclusif de permettre à

MM. A... de s'approprier en franchise d'impôt le produit de la cession des actifs de la société Fidem via la société Holdem. Ecartant l'interposition de cette société comme ne lui étant pas opposable en application des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a regardé les dividendes versés par la société française Fidem, au titre de ces années, comme ayant été directement appréhendés par MM. A..., à hauteur de leurs droits dans le capital de la société luxembourgeoise, et comme devant être soumis à l'impôt sur le revenu entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

5. En premier lieu, M. A... se prévalait devant la cour, pour contester la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit, de ce qu'il aurait eu la possibilité, au moyen d'un rachat par la société Fidem de ses propres titres suivi de leur annulation, d'appréhender en franchise d'impôt la trésorerie de cette société compte tenu du montant élevé des droits de mutation à titre gratuits acquittés lors de l'entrée de ces titres dans son patrimoine, venant majorer leur prix de revient. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'en jugeant que la circonstance que M. A... aurait pu, en opérant d'autres choix fiscaux que ceux qu'il a faits, appréhender la trésorerie de la société Fidem en franchise d'impôt était sans incidence sur l'existence d'un montage artificiel et sur le droit de l'administration de l'écarter comme ne lui étant pas opposable, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En second lieu, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits, qu'elle n'a par ailleurs pas dénaturés, en jugeant, par une décision suffisamment motivée, que l'opération litigieuse, qu'elle a appréciée dans sa globalité, qui permettait, au moyen de l'interposition artificielle de la société luxembourgeoise Holdem, une appropriation en franchise d'impôt des actifs de la société française Fidem, était constitutive d'un abus de droit. Par suite, elle n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'interposition de la société luxembourgeoise ne lui était pas opposable et que les distributions réalisées par la société française Fidem devaient être regardées, à hauteur de la participation de M. A... au capital de la première de ces sociétés, comme des sommes directement appréhendées par celui-ci, taxables entre ses mains dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers en application des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge,

M. Vincent Daumas, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et

M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470038
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2023, n° 470038
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470038.20231212
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