Vu les procédures suivantes :
I. Sous le numéro 469238, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 28 novembre 2022 ainsi que les 28 février et 2 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Assurance mutuelle d'Illkirch-Graffenstaden (AMIG) demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision, notifiée par lettre du 23 septembre 2022, par laquelle l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a refusé d'approuver le plan de financement à court terme qu'elle lui avait transmis, décidé de " poursuivre " la mesure d'interdiction temporaire de toute nouvelle souscription de contrats et prononcé une mesure conservatoire de restriction temporaire de la libre disposition de ses actifs ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de se prononcer sur le plan de financement à court terme qu'elle a proposé ;
3°) de mettre à la charge de l'ACPR la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le numéro 469762, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 16 décembre 2022 et les 28 février et 2 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société AMIG demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision, notifiée par lettre du 19 octobre 2022, par laquelle l'ACPR a confirmé la mesure de restriction temporaire de libre disposition de ses actifs et lui a enjoint de déposer une demande de transfert de tout ou partie de son portefeuille de contrats d'assurance dans un délai de quatre mois ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de se prononcer sur le plan de financement à court terme qu'elle a proposé ;
3°) de mettre à la charge de l'ACPR la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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III. Sous le numéro 471357, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 février, 27 avril et 2 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société AMIG demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision, notifiée par lettre du 15 décembre 2022, par laquelle l'ACPR a décidé de porter à la connaissance du public que l'interdiction de souscription par la société AMIG de tout contrat d'assurance à compter du 13 juillet 2022 " se poursuit " et que les contrats en cours ne pourraient pas être renouvelés au 1er janvier 2023, sauf à ce que la société justifie d'ici le 31 décembre 2022 qu'elle a rétabli sa situation et qu'elle respecte les exigences réglementaires ;
2°) de mettre à la charge de l'ACPR la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code monétaire et financier ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société Assurance mutuelle d'Illkirch-Graffenstaden et à la SCP Rocheteau,
Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers qu'à l'issue d'un contrôle de la situation de la société Assurance mutuelle d'Illkirch-Graffenstaden (AMIG), exerçant, depuis 1919, une activité d'assurance de locaux à usage d'habitation ou professionnels dans le cadre de garanties annuelles ainsi que, depuis 2020, de risques de nature décennale, le collège de supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a, lors de sa séance du 8 juillet 2022, estimé que la situation de solvabilité de la société était compromise et décidé, afin de protéger les intérêts des assurés et des bénéficiaires, de prendre sans délai et à titre provisoire une mesure conservatoire d'interdiction temporaire de toute nouvelle souscription à compter du
13 juillet 2022 et tant que la société n'était pas en mesure de justifier du respect des exigences réglementaires en matière de solvabilité. Après avoir pris connaissance des observations de la société AMIG et avoir entendu son représentant lors de la séance du 26 juillet 2022, le collège de supervision de l'Autorité a décidé, le même jour, de confirmer cette mesure conservatoire d'interdiction temporaire et a exigé que la société lui soumette un plan de financement à court terme. Par une décision notifiée par courrier du 23 septembre 2022, l'Autorité a rejeté le plan de financement à court terme présenté par la société, maintenu la mesure conservatoire d'interdiction temporaire et a adopté, au vu de l'urgence, à titre provisoire et sans procédure contradictoire préalable, une mesure conservatoire de restriction temporaire de la libre disposition, par la société, de ses actifs. Après avoir reçu les observations écrites de la société AMIG et avoir entendu son représentant lors de la séance du collège de supervision du 10 octobre 2022, l'Autorité a, par une décision notifiée par courrier du 19 octobre 2022 de son vice-président, confirmé la mesure de restriction temporaire de la libre disposition des actifs de la société jusqu'au 31 décembre 2022 et lui a enjoint de déposer une demande de transfert de tout ou partie de son portefeuille de contrats d'assurance dans un délai de quatre mois. Par une décision notifiée par courrier du 15 décembre 2022, l'Autorité a décidé de porter à la connaissance du public que l'interdiction de souscription par la société AMIG de tout contrat d'assurance à compter du 13 juillet 2022 " se poursuit " et que les contrats en cours ne pourront pas être renouvelés au 1er janvier 2023, sauf à ce que la société justifie avant 31 décembre 2022 qu'elle a rétabli sa situation et qu'elle respecte les exigences réglementaires.
2. La société AMIG demande l'annulation des décisions notifiées, respectivement, par lettres des 23 septembre, 19 octobre et 15 décembre 2022. Ces requêtes présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.
3. Aux termes du I de l'article L. 612-34 du code monétaire et financier, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution " peut désigner un administrateur provisoire auprès d'une personne qu'elle contrôle, auquel sont transférés tous les pouvoirs d'administration, de direction et de représentation de la personne morale. L'administrateur provisoire dispose des biens meubles et immeubles de celles-ci dans l'intérêt d'une bonne administration. / (...) / Cette désignation est faite soit à la demande des dirigeants lorsqu'ils estiment ne plus être en mesure d'exercer normalement leurs fonctions, soit à l'initiative de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution lorsque la gestion de la personne contrôlée ne peut plus être assurée dans des conditions normales ou en cas de suspension de l'un ou de plusieurs de ses dirigeants. / (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'administrateur provisoire désigné par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est seul investi des pouvoirs d'administration, de direction et de représentation de la personne auprès de laquelle il est placé. Après cette désignation par l'Autorité, l'administrateur provisoire agit au nom et pour le compte de la personne morale qu'il est chargé d'administrer et qui le rémunère. Il n'exerce ses attributions ni pour le compte, ni sous l'autorité de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution qui, à son égard, ne dispose, en application des dispositions du code monétaire et financier, que des pouvoirs qui sont les siens vis-à-vis de l'ensemble des personnes entrant dans le champ de sa mission de contrôle. Il s'ensuit qu'après la notification de sa désignation à la société auprès de laquelle il est placé, seul l'administrateur provisoire est habilité à représenter les intérêts de cette dernière devant la juridiction administrative, et notamment à se pourvoir en justice comme à poursuivre ou interrompre l'action préalablement engagée par les dirigeants de la société. Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que, si elles s'y croient fondées, les personnes investies avant la désignation de l'administrateur provisoire des pouvoirs d'administration, de direction et de représentation, agissant en leur nom personnel, demandent, avant ou après cette désignation, l'annulation de décisions prises par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Elles n'ont pas davantage pour effet de priver la personne qui en fait l'objet de la possibilité de former, par l'intermédiaire des dirigeants ou organes qui y sont statutairement habilités, un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision désignant un administrateur provisoire auprès d'elle.
4. Il ressort des pièces des dossiers que ni la requête enregistrée sous le numéro 471357 postérieurement à la notification de la désignation d'un administrateur provisoire auprès de la société AMIG, par décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution du 11 janvier 2023, ni les mémoires complémentaires enregistrés sous les numéros 469238 et 469762, conformément à l'intention annoncée par les deux requêtes sommaires présentées préalablement à la désignation de l'administrateur provisoire, n'ont été présentés par ce dernier, lequel n'a pas régularisé ces mémoires à la suite des demandes adressées en ce sens à la société AMIG par le greffe de la 9ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat et a même, ainsi qu'il ressort de ses courriels des 28 février et 12 octobre 2023 produits par la société AMIG, expressément refusé de les régulariser. Par suite, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est fondée à soutenir que la requête n° 471357 est irrecevable, d'une part, et que la société AMIG doit être réputée s'être désistée de ses requêtes nos 469238 et 469762, conformément aux dispositions de l'article R. 611-22 du code de justice administrative, d'autre part.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société AMIG la somme que l'Autorité demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement des requêtes nos 469238 et 469762.
Article 2 : La requête n° 471357 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Assurance mutuelle d'Illkirch-Graffenstaden et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,
Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge,
M. Vincent Daumas, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et
M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 12 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Lionel Ferreira
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :