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06/12/2023 | FRANCE | N°462446

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 06 décembre 2023, 462446


Vu la procédure suivante :



La société W.E.B. Energie du Vent a demandé à la cour administrative d'appel de Nancy, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née du silence gardé par la direction régionale de la circulation aérienne militaire Nord du ministère des armées sur sa demande d'avis conforme pour la création d'un parc éolien sur le territoire des communes de Praslin, Villiers-sous-Praslin, Arrelles et Villemorien (Aube) et, d'autre part, d'enjoindre à cette direction de lui délivrer un avis conforme dans un délai d'

un mois à compter de la décision à intervenir. Par une ordonnance n° 21NC0326...

Vu la procédure suivante :

La société W.E.B. Energie du Vent a demandé à la cour administrative d'appel de Nancy, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née du silence gardé par la direction régionale de la circulation aérienne militaire Nord du ministère des armées sur sa demande d'avis conforme pour la création d'un parc éolien sur le territoire des communes de Praslin, Villiers-sous-Praslin, Arrelles et Villemorien (Aube) et, d'autre part, d'enjoindre à cette direction de lui délivrer un avis conforme dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir. Par une ordonnance n° 21NC03264 du 19 janvier 2022, la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars 2022, 20 juin 2022 et 26 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société W.E.B. Energie du Vent demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nancy ;

3°) à titre subsidiaire, réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur, du ministre des départements et territoires d'outre-mer et du ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2 980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 20 juillet 2016 du ministre de la défense fixant les règles et services de la circulation aérienne militaire ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société W.E.B. Energie du Vent ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société W.E.B. Energie du Vent a défini une zone d'implantation potentielle d'un projet éolien sur le territoire des communes de Praslin, Villiers-sous-Praslin, Arrelles et Villemorien (Aube) et, dans la perspective de constituer un dossier de demande d'autorisation environnementale, a cherché à obtenir l'avis du ministre des armées sur ce projet. Par un courrier du 18 mars 2021 et un courriel du 12 avril 2021, le ministre a indiqué à cette société que l'implantation de son projet n'était pas possible dans le secteur envisagé. La société W.E.B. Energie du Vent se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la direction régionale de la circulation aérienne militaire Nord sur sa nouvelle demande du 12 mai 2021 tendant à l'obtention d'un nouvel avis sur un projet modifié.

2. Aux termes de l'article L. 181-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision administrative attaquée : " Avant le dépôt de la demande d'autorisation environnementale, le porteur d'un projet soumis à une telle autorisation : / 1° Peut solliciter des informations lui permettant de préparer son projet et le dossier de sa demande d'autorisation auprès de l'autorité administrative compétente. Les réponses apportées par celle-ci sont fonction de l'état du projet et ne préjugent ni du contenu du dossier qui sera finalement nécessaire à l'instruction de la demande d'autorisation ni de la décision qui sera prise à l'issue de celle-ci (...) ". Selon l'article L. 181-8 du même code : " Le pétitionnaire fournit un dossier dont les éléments, lorsqu'ils sont communs à toutes les demandes d'autorisation environnementale, sont fixés par le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article L. 181-32 (...). / Un décret précise les autres pièces et informations spécifiques à joindre au dossier selon les législations auxquelles le projet est soumis, ainsi que les modalités de son instruction (...) ". Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / (...) 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence (...). / Ces avis sont rendus dans le délai de deux mois. / Le présent article n'est pas applicable lorsque le pétitionnaire a joint ces avis à son dossier de demande ". Enfin, en vertu de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable (...). / La décision de rejet est motivée ".

3. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 181-32 et R. 181-34 du code de l'environnement citées au point 2 que la délivrance de l'autorisation environnementale portant sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent est subordonnée à un accord du ministre de la défense. Lorsque cet accord est sollicité par le préfet après que ce dernier a été saisi d'une demande d'autorisation environnementale, le refus d'un tel accord, qui s'impose au préfet, ne constitue pas une décision susceptible de recours. En revanche, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par le préfet pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision. Lorsque la phase de concertation relative à cet accord a lieu avant le dépôt du dossier de demande d'autorisation directement entre le pétitionnaire et le ministre de la défense, un refus d'accord recueilli par le demandeur rend impossible la constitution d'un dossier susceptible d'aboutir à une décision favorable, mettant ainsi un terme à la procédure, sauf pour l'intéressé à présenter néanmoins au préfet une demande d'autorisation nécessairement vouée au rejet, dans le seul but de faire naître une décision susceptible d'un recours à l'occasion duquel le refus d'accord pourrait être contesté. Dans ces conditions, le refus d'accord du ministre de la défense doit être regardé comme faisant grief et comme étant, par suite, susceptible d'être déféré au juge.

4. En l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour rejeter comme manifestement irrecevable la requête de la société W.E.B. Energie du Vent, la cour a relevé que l'avis du ministère des armées auquel est subordonnée la délivrance de l'autorisation environnementale sollicitée ne constitue pas une décision susceptible de recours sans rechercher si le refus d'accord opposé par le ministre mettait ou non un terme à la procédure de délivrance de cette autorisation. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen soulevé par la société W.E.B. Energie du Vent, que cette dernière est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société W.E.B. Energie du Vent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacles à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le ministre des armées sur ce fondement.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nancy du 19 janvier 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société W.E.B. Energie du Vent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre des armées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société W.E.B. Energie du Vent et au ministre des armées.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 6 décembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Laëtitia Malleret

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 462446
Date de la décision : 06/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2023, n° 462446
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laëtitia Malleret
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462446.20231206
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