Vu la procédure suivante :
La société Compagnie des Fromages et Richesmonts a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de suspendre l'exécution de la décision du 13 janvier 2022 par laquelle l'inspectrice de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) des Hauts-de-Seine lui a enjoint de mettre, dans un délai de quatre mois, en conformité avec les prescriptions du règlement européen n° 1151/2012 du 21 novembre 2022, les étiquetages des boîtes de fromage qu'elle commercialise sous la dénomination " Cœur de Lion ", " Le Rustique " et " Le Père Normand " qui ne bénéficient pas de l'AOP " Camembert de Normandie ". Par une ordonnance n° 2203860 du 7 avril 2022, le juge des référés de ce tribunal, statuant sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision attaquée.
Par un pourvoi, enregistré le 21 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992 ;
- le règlement (CE) n°1107/96 de la Commission du 12 juin 1996 ;
- le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ;
- le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 1209/2013 de la Commission européenne du 25 novembre 2013 ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 83-778 du 31 août 1983 ;
- le décret n° 86-1361 du 29 décembre 1986 ;
- le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 ;
- le décret n° 2008-984 du 18 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Compagnie des Fromages et Richesmonts et au cabinet François Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Compagnie des Fromages et Richesmonts (CFR) a pour objet la production, la fabrication, la conception, l'achat et la vente, la distribution, la commercialisation, l'exportation et l'importation de produits fromagers. Elle exploite plusieurs sites dont trois sites situés en Normandie à Ducey, à Vire et à Pacé où sont produits les camemberts " Cœur de Lion ", " Le Rustique " et " Le Père Normand ", lesquels ne bénéficient pas de l'appellation d'origine protégée (AOP) " Camembert de Normandie ". La société a fait l'objet de contrôles des directions départementales chargées de la protection des populations (DDPP) des départements dans lesquels sont situés ses différentes implantations, d'une part, le 29 juillet 2021 au siège de la société, dans les Hauts-de-Seine et, d'autre part, le 10 juin 2021 sur le site de Ducey, dans la Manche, le 11 juin 2021 sur le site de Vire, dans le Calvados, et le 26 mai 2021 sur le site de Pacé, dans l'Eure. A la suite de ces opérations de contrôle, elle a été rendue destinataire d'un courrier de pré-injonction en date du 18 novembre 2021. Par décision du 13 janvier 2022, l'inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la DDPP des Hauts-de-Seine lui a enjoint de mettre en conformité avec les prescriptions de l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012, dans un délai de quatre mois, l'étiquetage des fromages précités. La société a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la suspension de l'exécution de cette décision. Par une ordonnance du 7 avril 2022, le juge des référés de ce tribunal, statuant sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision contestée. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
Sur l'intervention de l'INAO :
3. L'Institut national de l'origine et de la qualité justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'ordonnance attaquée. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur le pourvoi :
En ce qui concerne les moyens relatifs à l'appréciation de la condition d'urgence :
4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
5. D'une part, l'avis aux opérateurs économiques du 9 juillet 2020 de la DGCCRF les invitant à se mettre en conformité avec les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n°1151/2012 du 21 novembre 2012 n'a pas édicté une interdiction générale et absolue dispensant d'un examen au cas par cas des emballages concernés. Par suite, contrairement à ce que soutient le ministre, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant que cet avis du 9 juillet 2020 ne permettait pas à la société de prévoir l'application qui en serait faite pour chacun de ses emballages par les services de la DDPP des Hauts-de-Seine. D'autre part, le juge des référés n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit en se fondant, pour retenir l'existence d'un préjudice économique difficilement réversible, sur la circonstance que les effets de l'injonction étaient susceptibles d'affecter durablement la structure du marché, compte tenu du risque avéré de perte définitive d'un avantage concurrentiel sur les marchés européens et hors Union européenne.
En ce qui concerne les moyens relatifs à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, l'appellation d'origine est une dénomination qui définit un produit " comme étant a) originaire d'un lieu déterminé, d'une région, ou, dans des cas exceptionnels, d'un pays ; b) dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains ; et c) dont toutes les étapes de production ont lieu dans l'aire géographique délimitée ". Aux termes de l'article 13 du même règlement : " 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : / a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que " genre ", " type ", " méthode ", " façon ", " imitation ", ou d'une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; / c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ; / d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. / Lorsqu'une appellation d'origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d'un produit considéré comme générique, l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b). / 2. Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques. / 3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l'utilisation illégale visée au paragraphe 1 d'appellations d'origine protégées ou d'indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire (...) ". Aux termes du 6) de l'article 3 du même règlement, les mentions génériques sont définies comme les dénominations de produits qui, bien que se rapportant au lieu, à la région ou au pays de production ou de commercialisation initiale, sont devenues la dénomination commune d'un produit dans l'Union. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 643-2 du code rural et de la pêche maritime : " L'utilisation d'indication d'origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d'affaiblir la notoriété d'une dénomination reconnue comme appellation d'origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l'utilisation abusive d'une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d'origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties ".
7. La dénomination " camembert de Normandie " constitue, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, une appellation d'origine protégée au sens du titre II du règlement (UE) n° 1151/2012. Elle bénéficie, par suite, de la protection résultant des dispositions citées au point 6. Si tout fromage répondant aux prescriptions du décret du 27 avril 2007 concernant le produit dénommé " camembert " peut, conformément au dernier alinéa du paragraphe 1 de l'article 13 de ce même règlement, utiliser la dénomination " camembert ", dont il est constant qu'elle présente un caractère générique, il résulte de ces dispositions qu'il ne peut le faire que dans des conditions qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la protection attachée à la dénomination " camembert de Normandie ". En particulier, il ne saurait être fait mention, en association avec le terme générique " camembert ", de l'origine " Normandie ", laquelle ne constitue pas un terme générique, d'une manière telle que cette association de termes, en reprenant l'essentiel de la dénomination protégée, conduise le consommateur à avoir directement à l'esprit, à la lecture de cette mention, le fromage bénéficiant de l'appellation d'origine.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que le procès-verbal annexé au courrier d'injonction mentionné au point 2 identifie comme non conformités aux dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n°1151/2012 du 21 novembre 2012, en premier lieu, la présence sur les étiquettes des deux fromages de la marque " Cœur de Lion " et des six fromages de la marque " Le Rustique ", d'un logo comportant la mention " Au bon lait Normand " ou " lait collecté en fermes normandes ", en deuxième lieu, la mention " le secret d'un bon Cœur de Lion... Le bon air de Normandie, terre de notre fromagerie de Ducey " sur les étiquettes du fromage de la marque " Cœur de Lion " 250 g désigné sous le n°1 de la liste établie par ce procès-verbal et la mention " Le camembert Le Rustique est élaboré exclusivement avec du lait collecté en Normandie " sur les étiquettes des fromages de la marque " Le Rustique " désignés sous les n° 5, 6, 7, 8 et 9 par ce procès-verbal, en troisième lieu, la mention " Lait origine France (Normandie) " sur les étiquettes des deux fromages de la marque " Cœur de Lion " et du fromage de la marque " Le Rustique " désigné sous le n° 8 par ce procès-verbal, et en quatrième lieu, l'usage de la mention " Le Père Normand " pour le fromage du même nom.
9. Le juge des référés a estimé que, eu égard aux termes utilisés et à leur signification, le moyen tiré de ce que l'utilisation des logos et mentions ci-dessus énumérés relatifs à l'origine du lait employé n'est pas contraire aux dispositions de l'article 13 du règlement n°1151/2012 était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 13 janvier 2022, de même que le moyen tiré de ce que celle-ci méconnaît les dispositions du dernier alinéa du 1 de ce même article 13 selon lesquelles, lorsqu'une AOP contient en elle-même le nom d'un produit considéré comme générique, l'utilisation de ce nom générique n'est pas considérée comme contraire au premier alinéa, points a) ou b) du même article.
10. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la mention " Lait origine France (Normandie) ", sur l'étiquette des deux fromages " Cœur de Lion " et du fromage " Le Rustique " désigné sous le numéro 8 dans la liste établie par le procès-verbal figure au dos de l'emballage, en petits caractères, sans être mis en exergue, et n'associe la Normandie qu'à l'origine du lait entrant dans la composition du fromage et non au terme camembert. Le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a, dès lors, pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant, s'agissant de ces mentions, que les moyens précités étaient de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 13 janvier 2022.
11. En revanche, s'agissant des autres mentions regardées comme non conformes aux dispositions de l'article 13 du règlement n°1151/2012 par la décision contestée, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par leur agencement et leurs modalités concrètes d'apposition, les logos figurant sur les faces avant et arrière des emballages, comme les mentions relatives à l'élaboration du camembert figurant sur la face arrière ainsi que, dans un cas, sur les flancs de l'emballage, mises en exergue et associant directement la référence à la Normandie au terme camembert lui-même, notamment à sa fabrication, sont de nature à conduire le consommateur à avoir directement à l'esprit le fromage bénéficiant de l'appellation d'origine. Par suite, en regardant les moyens précités comme étant de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 13 janvier 2022, le juge des référés a, s'agissant de ces mentions, dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
12. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 14 du règlement (UE) précité : " Sans préjudice de l'article 6, paragraphe 4, une marque dont l'utilisation enfreint l'article 13, paragraphe 1, et qui a été déposée, enregistrée, ou acquise par l'usage dans les cas où cela est prévu par la législation concernée, de bonne foi sur le territoire de l'Union, avant la date du dépôt auprès de la Commission de la demande de protection relative à l'appellation d'origine ou à l'indication géographique, peut continuer à être utilisée et renouvelée pour ce produit nonobstant l'enregistrement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique, pour autant qu'aucun motif de nullité ou de déchéance, au titre du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ou de la directive 2008/95/CE, ne pèse sur la marque. En pareil cas, l'utilisation tant de l'appellation d'origine protégée ou de l'indication géographique protégée que des marques concernées est autorisée ".
13. C'est sans dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis que le juge des référés a relevé que la mention " Le Père Normand " est un élément constitutif demeuré inchangé, malgré des évolutions marginales de certains éléments graphiques, d'une marque verbale déposée antérieurement à la demande de reconnaissance de l'AOP " Camembert de Normandie ", dès lors qu'il ressort de ces pièces que cette marque a été enregistrée en 1955 et que la demande d'enregistrement de l'AOP a été effectuée le 21 janvier 1994. Dès lors qu'il n'était pas soutenu devant lui que cette marque serait frappée d'un motif de nullité ou de déchéance, c'est sans erreur de droit que le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que le moyen tiré de ce que la décision du 13 janvier 2022 méconnaît la protection des marques antérieures, prévue à l'article 14 du règlement n°1151/2012, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, en tant qu'elle enjoint de supprimer l'utilisation de la dénomination " Le Père Normand ".
14. En revanche, il n'était pas soutenu devant le juge des référés que les autres mentions litigieuses, et notamment la mention " le secret d'un bon Cœur de Lion... Le bon air de Normandie, terre de notre fromagerie de Ducey ", correspondraient à un élément constitutif des marques concernées. Dans ces conditions, la circonstance que les emballages des fromages " Cœur de Lion " et " le Rustique " comportaient des mentions faisant référence à leur origine normande de façon constante depuis l'enregistrement des marques sous lesquelles ils étaient commercialisés, avant la reconnaissance de l'AOP " Camembert de Normandie ", ne saurait avoir créé, au profit de leurs producteurs, de droit à porter atteinte à la protection de cette AOP. En estimant que, compte tenu d'un tel usage antérieur à la reconnaissance de cette AOP, le moyen tiré de ce que l'utilisation de ces mentions n'est pas contraire aux dispositions de l'article 13 du règlement n°1151/2012 était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le juge des référés a manifestement méconnu ces dispositions.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il conteste sauf en tant qu'elle porte, d'une part, sur la mention " Lait origine France (Normandie) " figurant sur les fromages " Cœur de Lion ", désignés par les numéros 1 et 4 du tableau récapitulatif figurant au procès-verbal joint à la décision contestée et sur celle du fromage " Le Rustique ", désigné par le numéro 8 du même document, et d'autre part, sur l'usage de la dénomination " Le Père Normand ".
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, sur la demande de suspension présentée par la société Compagnie des Fromages et Richesmonts en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
17. Les moyens soulevés par la requérante tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, de la méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 en ce que les mentions en litige concernant l'origine normande du lait ne constituent pas une utilisation commerciale de l'AOP " Camembert de Normandie " mais revêtent un caractère informatif, de la conformité de l'utilisation de ces mentions à l'article 13 du même règlement en raison de leur antériorité et de ce qu'elles n'utilisent pas le nom complet de l'AOP, de la méconnaissance du régime dérogatoire fixé au deuxième alinéa du paragraphe 1 de cet article 13 et de la rupture d'égalité entre fabricants de camembert ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
18. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que le surplus de la demande de suspension présentée par la société Compagnie des Fromages et Richesmonts devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejeté.
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante, pour l'essentiel, dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'Institut national de l'origine et de la qualité est admise.
Article 2 : L'ordonnance du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 avril 2022 est annulée en tant qu'elle a prononcé la suspension de la décision du 13 janvier 2022 sauf en ce qu'elle porte sur les mentions de l'origine du lait figurant dans le descriptif de la composition des produits " Cœur de Lion ", désignés par les numéros 1 et 4 du tableau récapitulatif figurant au procès-verbal joint à la décision contestée, et du fromage " Le Rustique ", désigné par le numéro 8 du même document, et d'autre part, sur l'usage de la dénomination " Le Père Normand ".
Article 3 : Les conclusions de la société Compagnie des Fromages et Richesmonts tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 13 janvier 2022 en tant qu'elle porte sur d'autres éléments que les mentions de l'origine du lait figurant dans le descriptif de la composition des produits " Cœur de Lion ", désignés par les numéros 1 et 4 du tableau récapitulatif figurant au procès-verbal joint à la décision contestée, et du fromage " Le Rustique ", désigné par le numéro 8 du même document, et d'autre part, sur l'usage de la dénomination " Le Père Normand " ainsi que ses conclusions sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la société Compagnie des Fromages et Richesmonts et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Nicole da Costa, conseillers d'Etat et Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 4 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Juliana Nahra
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin