La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2023 | FRANCE | N°488444

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 01 décembre 2023, 488444


Vu la procédure suivante :



La commune d'Olivet, à l'appui de sa demande tendant, d'une part à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2020 par lequel la préfète du Loiret a prononcé sa carence pour la période triennale 2017-2019 en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation et fixé en conséquence à 150 % le taux de majoration du prélèvement fiscal prévu par l'article L. 302-7 du même code, et de l'arrêté du 3 février 2021 fixant le montant du prélèvement fiscal et de sa majoration, d'autre part à l'annula

tion pour excès de pouvoir de la décision du 22 décembre 2020 par laquelle la préf...

Vu la procédure suivante :

La commune d'Olivet, à l'appui de sa demande tendant, d'une part à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2020 par lequel la préfète du Loiret a prononcé sa carence pour la période triennale 2017-2019 en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation et fixé en conséquence à 150 % le taux de majoration du prélèvement fiscal prévu par l'article L. 302-7 du même code, et de l'arrêté du 3 février 2021 fixant le montant du prélèvement fiscal et de sa majoration, d'autre part à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 22 décembre 2020 par laquelle la préfète du Loiret a fixé à 396 le nombre de logements sociaux à réaliser sur le territoire de la commune pour la période triennale 2020-2022 en application de l'article L. 302-8 du même code, a produit un mémoire, enregistré le 30 mai 2023 au greffe du tribunal administratif d'Orléans, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 2100696 du 19 septembre 2023, enregistrée le 25 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Orléans, avant qu'il soit statué sur la demande de la commune d'Olivet a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation.

Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise, la commune d'Olivet soutient que les dispositions de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, applicables au litige et qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent les principes de libre administration des collectivités territoriales, de nécessité et de personnalité des peines.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la commune d'Olivet ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du I de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants dans l'unité urbaine de Paris et 3 500 habitants sur le reste du territoire qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales ". Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 302-8 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté : " Pour atteindre le taux mentionné, selon le cas, aux I ou II de l'article L. 302-5, le représentant de l'Etat dans le département notifie à la commune un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale. Cet objectif ne peut être inférieur au nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre, au plus tard à la fin de l'année 2025, le taux mentionné, selon le cas, aux I ou II de l'article L. 302-5 ". Aux termes du premier alinéa du VII du même article, dans sa rédaction issue en dernier lieu de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Pour les communes mentionnées au premier alinéa du I du présent article, l'objectif de réalisation pour la cinquième période triennale du nombre de logements sociaux ne peut être inférieur à 25 % des logements sociaux à réaliser pour atteindre en 2025 le taux mentionné, selon le cas, aux I ou II de l'article L. 302-5. Cet objectif de réalisation est porté à 33 % pour la sixième période triennale, à 50 % pour la septième période triennale et à 100 % pour la huitième période triennale. Ces chiffres sont réévalués à l'issue de chaque période triennale ".

3. Le tribunal administratif d'Orléans a renvoyé au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune d'Olivet en tant seulement qu'elle porte sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation à la Constitution, à l'exclusion de l'article L. 302-9-1 du même code, dont il a jugé que les dispositions n'étaient pas applicables au litige.

4. Eu égard à l'argumentation soulevée, la commune d'Olivet doit être regardée comme contestant la constitutionnalité des seules dispositions du premier alinéa du I et de celles du premier alinéa du VII de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, en vertu desquelles les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux par périodes triennales doivent permettre d'atteindre le taux de logements sociaux fixé par l'article L. 302-5 au plus tard à la fin de l'année 2025. La commune soutient que ces dispositions méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales ainsi que les principes de nécessité et de personnalité des peines.

5. En premier lieu, par ses décisions n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, n° 2001-452 DC du 6 décembre 2001, n° 2012-660 DC du 17 janvier 2013 et n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que le dispositif prévu par la loi visant à accroître la part de logements locatifs sociaux dans certaines communes, en particulier en ce qu'il comporte la fixation d'un objectif quantitatif décliné en objectifs triennaux associé à une échéance fixée au 31 décembre 2025 ainsi qu'un mécanisme de substitution du préfet et de sanction en cas de carence de la commune, est conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a notamment retenu que ces dispositions législatives, qui ont pour but de mettre en œuvre l'objectif de mixité sociale et d'accroissement de la production de logements locatifs sociaux, répondent à une fin d'intérêt général et ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi pour en déduire que le législateur, en imposant de telles contraintes aux communes en termes de construction de logements sociaux, n'avait pas porté à leur libre administration une atteinte d'une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

6. Si les dispositions contestées par la commune d'Olivet diffèrent de celles déjà déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel en ce qu'elles prévoient que c'est le représentant de l'Etat dans le département, et non plus le conseil municipal, qui fixe l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux imparti à la commune par période triennale, cette adaptation, au demeurant non critiquée en tant que telle par la commune d'Olivet, ne conduit pas à porter une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales qui serait contraire à la Constitution, dès lors que la loi a fixé les critères au vu desquels il appartient au préfet de se prononcer, tant en ce qui concerne la détermination des communes concernées et l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux qu'en ce qui concerne la fixation des seuils minimaux des déclinaisons triennales de cet objectif, de l'échéance et des règles applicables en cas de carence d'une commune. Dans ces conditions, le grief tiré de l'atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ne peut être regardé comme présentant un caractère sérieux.

7. En second lieu, les sanctions et mesures de substitution susceptibles d'être prises par le représentant de l'Etat dans le département en cas de carence d'une commune dans l'atteinte de ses objectifs de réalisation de logements sociaux ne résultent pas des dispositions de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation. Dès lors, il ne peut être utilement soutenu que celles-ci porteraient atteinte aux principes de nécessité et de personnalité des peines.

8. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune d'Olivet, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune d'Olivet.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Olivet et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressé au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au tribunal administratif d'Orléans.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 1er décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488444
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 01 déc. 2023, n° 488444
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488444.20231201
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award