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01/12/2023 | FRANCE | N°467331

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 01 décembre 2023, 467331


Vu les procédures suivantes :



1) Sous le n° 467331, par une requête, enregistrée le 7 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Meuse Nature Environnement, l'association Abolition des armes nucléaires-Maison de Vigilance, l'association Arrêt du Nucléaire 34 (ADN 34), l'association pour la sensibilisation de l'opinion sur les dangers de l'enfouissement des déchets radioactifs (ASODEDRA), l'association "l'Assoce Tomate", l'association "Groupe ATTAC Vosges" (action pour taxation des transactions pour l'aide aux citoyens), l

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Vu les procédures suivantes :

1) Sous le n° 467331, par une requête, enregistrée le 7 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Meuse Nature Environnement, l'association Abolition des armes nucléaires-Maison de Vigilance, l'association Arrêt du Nucléaire 34 (ADN 34), l'association pour la sensibilisation de l'opinion sur les dangers de l'enfouissement des déchets radioactifs (ASODEDRA), l'association "l'Assoce Tomate", l'association "Groupe ATTAC Vosges" (action pour taxation des transactions pour l'aide aux citoyens), l'association ATTAC (action pour la taxation des transactions pour l'aide aux citoyens), l'association Collectif meusien contre l'enfouissement des déchets radioactifs (BURESTOP 55), l'association Bure zone libre (BZL), l'association Collectif d'action contre l'enfouissement des déchets radioactifs (CACENDR), l'association Collectif contre l'enfouissement des déchets radioactifs / Haute-Marne (CEDRA 52), le syndicat Confédération paysanne de Meurthe-et-Moselle, le syndicat Confédération paysanne de la Haute-Marne, le syndicat Confédération paysanne de la Meuse, le syndicat Confédération paysanne départementale des Vosges, le syndicat Confédération paysanne régionale du Grand Est, le syndicat Confédération paysanne, l'association des élus de Lorraine et Champagne-Ardenne opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs et favorables à un développement durable (EODRA), l'association France Nature Environnement, l'association Champagne Ardenne Nature Environnement (CANE), l'association Nature Haute Marne (NHM), l'association Global Chance, l'association Greenpeace France, l'association Les Semeuses, l'association Réseau "Sortir du nucléaire", l'association Sortir du Nucléaire 72 (SDN 72), l'association des habitants vigilants du canton de Gondrecourt-le-Château (HVG), l'association STOP Nucléaire en Drôme-Ardèche (SN 2607), l'association Stop Transports-Halte au nucléaire (STHN), l'association Tchernoblaye, l'association Vosges Alternatives au nucléaire (VAN), l'association Vosges Nature Environnement (VNE), M. U... L..., M. X... AG..., Mme AI... B..., M. AS... AM..., Mme AK... AM... BD..., M. C... W..., Mme AH... W... BB..., M. AE... W..., Mme F... W... BC..., M. AQ... M..., Mme I... M... AR..., Mme AW..., M. P... O..., M. P... H..., Mme Z... H... AX..., Mme Y... AC... H..., M. G... AC..., Mme AJ... AU..., M. D... AD..., Mme AA... AV..., Mme N... Q... AY..., M. J... Q..., M. AN... R..., M. E... S..., Mme AZ... T... AL..., M. V... T..., Mme BA... T... AB..., M. AO... K... et M. A... AF... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-992 du 7 juillet 2022 inscrivant le centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (Cigéo) parmi les opérations d'intérêt national mentionnées à l'article R. 102-3 du code de l'urbanisme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 000 euros à verser à chaque association requérante et de 500 euros à verser à chaque requérant personne physique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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2) Sous le n° 467370, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre 2022, 12 mai et 6 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Meuse Nature Environnement, l'association Abolition des armes nucléaires-Maison de Vigilance, l'association Arrêt du Nucléaire 34 (ADN 34), l'association pour la sensibilisation de l'opinion sur les dangers de l'enfouissement des déchets radioactifs (ASODEDRA), l'association "l'Assoce Tomate", l'association "Groupe ATTAC Vosges" (action pour taxation des transactions pour l'aide aux citoyens), l'association ATTAC (action pour la taxation des transactions pour l'aide aux citoyens), l'association Collectif meusien contre l'enfouissement des déchets radioactifs (BURESTOP 55), l'association Bure zone libre (BZL), l'association Collectif d'action contre l'enfouissement des déchets radioactifs (CACENDR), l'association Collectif contre l'enfouissement des déchets radioactifs / Haute-Marne (CEDRA 52), le syndicat Confédération paysanne de Meurthe-et-Moselle, le syndicat Confédération paysanne de la Haute-Marne, le syndicat Confédération paysanne de la Meuse, le syndicat Confédération paysanne départementale des Vosges, le syndicat Confédération paysanne régionale du Grand Est, le syndicat Confédération paysanne, l'association des élus de Lorraine et Champagne Ardenne opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs et favorables à un développement durable (EODRA), l'association France Nature Environnement, l'association Champagne Ardenne Nature Environnement (CANE), l'association Nature Haute Marne (NHM), l'association Global Chance, l'association Greenpeace France, l'association Les Semeuses, l'association Réseau "Sortir du nucléaire", l'association Sortir du Nucléaire 72 (SDN 72), l'association des habitants vigilants du canton de Gondrecourt-le-Château (HVG), l'association STOP Nucléaire en Drôme-Ardèche (SN 2607), l'association Stop Transports-Halte au nucléaire (STHN), l'association Tchernoblaye, l'association Vosges Alternatives au nucléaire (VAN), l'association Vosges Nature Environnement (VNE), M. U... L..., M. X... AG..., Mme AI... B..., M. AS... AM..., Mme AK... AM... BD..., M. C... W..., Mme AH... W... BB..., M. AE... W..., Mme F... W... BC..., M. AQ... M..., Mme I... M... AR..., Mme AW..., M. P... O..., M. P... H..., Mme Z... H... AX..., Mme Y... AC... H..., M. G... AC..., Mme AJ... AU..., M. D... AD..., Mme AA... AV..., Mme N... Q... AY..., M. J... Q..., M. AN... R..., M. E... S..., Mme AZ... T... AL..., M. V... T..., Mme BA... T... AB..., M. AO... K... et M. A... AF... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-993 du 7 juillet 2022 déclarant d'utilité publique le centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue Cigéo et mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois, du plan local d'urbanisme intercommunal de la Haute-Saulx et du plan local d'urbanisme de Gondrecourt-le-Château (Meuse).

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo le 25 février 1991 ;

- la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible aisé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs signée à Vienne le 29 septembre 1997 ;

- la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

- l'accord international sur la Meuse, signé le 3 décembre 2002 ;

- la directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009, modifiée par la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 ;

- la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 ;

- la loi n° 2016-1015 du 25 juillet 2016 ;

- la décision n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Meuse Nature Environnement et autres ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de l'association Meuse Nature Environnement et autres, et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ;

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, l'association Meuse Nature Environnement et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-992 du 7 juillet 2022 inscrivant le centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (Cigéo) parmi les opérations d'intérêt national mentionnées à l'article R. 102-3 du code de l'urbanisme et du décret n° 2022-993 du même jour déclarant d'utilité publique le centre Cigéo et portant mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois, du plan local d'urbanisme intercommunal de la Haute-Saulx et du plan local d'urbanisme de Gondrecourt-le-Château (Meuse).

2. Aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'environnement : " La gestion durable des matières et des déchets radioactifs de toute nature, résultant notamment de l'exploitation ou du démantèlement d'installations utilisant des sources ou des matières radioactives, est assurée dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l'environnement. / La recherche et la mise en œuvre des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs sont entreprises afin de prévenir ou de limiter les charges qui seront supportées par les générations futures (...) ". Aux termes de l'article L. 542-10-1 du même code : " Un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est une installation nucléaire de base. / La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l'exploitation des tranches successives d'un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion. / La réversibilité est mise en œuvre par la progressivité de la construction, l'adaptabilité de la conception et la flexibilité d'exploitation d'un stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs permettant d'intégrer le progrès technologique et de s'adapter aux évolutions possibles de l'inventaire des déchets consécutives notamment à une évolution de la politique énergétique. Elle inclut la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés selon des modalités et pendant une durée cohérentes avec la stratégie d'exploitation et de fermeture du stockage. / Le caractère réversible d'un stockage en couche géologique profonde doit être assuré dans le respect de la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1. Des revues de la mise en œuvre du principe de réversibilité dans un stockage en couche géologique profonde sont organisées au moins tous les cinq ans, en cohérence avec les réexamens périodiques prévus à l'article L. 593-18. / Afin de garantir la participation des citoyens tout au long de la vie d'une installation de stockage en couche géologique profonde, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs élabore et met à jour, tous les cinq ans, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes et le public, un plan directeur de l'exploitation de celle-ci. / L'exploitation du centre débute par une phase industrielle pilote permettant de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l'installation, notamment par un programme d'essais in situ. Tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase. La phase industrielle pilote comprend des essais de récupération de colis de déchets. / (...) / - le dépôt de la demande d'autorisation de création du centre est précédé d'un débat public au sens de l'article L. 121-1 sur la base d'un dossier réalisé par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs créée à l'article L. 542-12. Le délai de cinq ans mentionné à l'article L. 121-12 est porté à dix ans. Le présent alinéa ne s'applique pas aux nouvelles autorisations mentionnées à l'article L. 593-14 relatives au centre ; / - la demande d'autorisation de création du centre donne lieu à un rapport de la commission nationale mentionnée à l'article L. 542-3, à un avis de l'Autorité de sûreté nucléaire et au recueil de l'avis des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par décret ; / - la demande est transmise, accompagnée du compte rendu du débat public, du rapport de la commission nationale mentionnée à l'article L. 542-3 et de l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui l'évalue et rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ; / - lors de l'examen de la demande d'autorisation de création, la sûreté du centre est appréciée au regard des différentes étapes de sa gestion, y compris sa fermeture définitive. Seule une loi peut autoriser celle-ci. L'autorisation fixe la durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée. Cette durée ne peut être inférieure à cent ans. L'autorisation de création du centre est délivrée par décret en Conseil d'Etat, pris selon les modalités définies à l'article L. 593-8, sous réserve que le projet respecte les conditions fixées au présent article ; / - l'autorisation de mise en service mentionnée à l'article L. 593-11 est limitée à la phase industrielle pilote. / Les résultats de la phase industrielle pilote font l'objet d'un rapport de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, d'un avis de la commission mentionnée à l'article L. 542-3, d'un avis de l'Autorité de sûreté nucléaire et du recueil de l'avis des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par décret. / Le rapport de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, accompagné de l'avis de la commission nationale mentionnée au même article L. 542-3 et de l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire est transmis à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui l'évalue et rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ; / - le Gouvernement présente un projet de loi adaptant les conditions d'exercice de la réversibilité du stockage et prenant en compte, le cas échéant, les recommandations de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; / - l'Autorité de sûreté nucléaire délivre l'autorisation de mise en service complète de l'installation. Cette autorisation ne peut être délivrée à un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs ne garantissant pas la réversibilité de ce centre dans les conditions prévues par la loi ". L'article L. 542-12 du même code confie à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, établissement public industriel et commercial, la charge des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs, et notamment, au 5° de cet article, celle de " concevoir, d'implanter, de réaliser et d'assurer la gestion de centres d'entreposage ou des centres de stockage de déchets radioactifs compte tenu des perspectives à long terme de production et de gestion de ces déchets ainsi que d'effectuer à ces fins toutes les études nécessaires ".

3. La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs a instauré un programme de recherches d'une durée de quinze ans portant sur la gestion des déchets radioactifs les plus dangereux et a conduit à la construction, débutée en 2000, d'un laboratoire de recherche souterrain exploité par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Le résultat des recherches conduites dans la cadre de cette loi a fait l'objet d'un premier débat public national en 2005, organisé par la Commission nationale du débat public, à la suite duquel la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs a entériné la solution du stockage géologique profond de ces déchets et décidé que le futur site de stockage serait réversible pendant une durée de cent ans. Cette loi a également décidé la poursuite des recherches sur d'autres solutions de gestion. Puis à la suite d'un deuxième débat public organisé en 2013, la loi du 25 juillet 2016, dont est issue la version en vigueur de l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement, citée au point 2, a défini les modalités de création et de fonctionnement d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets de haute et moyenne activité à vie longue. Le choix du site d'implantation du centre Cigéo a été arrêté en considération notamment de la morphologie du terrain, permettant le confinement des matières radioactives, à une profondeur de 500 mètres sous la surface, dans une couche de plus de cent mètres d'épaisseur d'une roche argileuse quasi-imperméable et stable.

Sur la légalité du décret n° 2022-992 du 7 juillet 2022 inscrivant le centre de stockage Cigéo parmi les opérations d'intérêt national :

4. Aux termes de l'article L. 102-12 du code de l'urbanisme : " Une opération d'aménagement qui répond à des enjeux d'une importance telle qu'elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale et à laquelle l'Etat décide par conséquent de consacrer des moyens particuliers peut être qualifiée d'opération d'intérêt national par un décret en Conseil d'Etat qui l'inscrit sur la liste des opérations auxquelles cette qualité est reconnue. / L'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'opérations d'aménagement ou la métropole de Lyon ainsi que les communes, les départements et les régions dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l'opération, sont consultés sur le projet d'opération d'intérêt national. L'avis intervient dans un délai de trois mois à compter de la saisine. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu avant l'expiration de ce délai ". L'article L. 102-13 du même code prévoit notamment que les constructions et installations nécessaires à l'opération peuvent être autorisées en dehors des parties urbanisées de la commune, par dérogation à l'article L. 111-3.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 1er septembre 2021, le préfet de la Meuse, désigné en qualité de préfet coordonnateur de la mission d'accompagnement territorial du projet Cigéo, a saisi le conseil régional du Grand-Est, les conseils départementaux de la Meuse et de la Haute-Marne, ainsi que les communes et établissements publics de coopération intercommunale dont le territoire est inclus dans le périmètre de l'opération d'intérêt national d'une demande d'avis sur le projet de décret inscrivant le centre Cigéo sur la liste de ces opérations, en joignant à cette demande, outre le projet de décret lui-même, les cartes définissant le périmètre de l'opération ainsi qu'un guide expliquant en quoi consiste une opération d'intérêt national, ses effets juridiques sur les opérations d'urbanisme ainsi que les raisons conduisant à prévoir une telle opération pour le projet Cigéo. Des réunions publiques ont ensuite été organisées afin de présenter l'opération aux collectivités territoriales concernées et, postérieurement à la réunion qui s'est tenue le 10 novembre 2021, un document intitulé " Eléments de réponse aux questionnements des collectivités locales " leur a été transmis. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la consultation des collectivités territoriales prévue par l'article L. 102-12 du code de l'urbanisme aurait été irrégulière faute de comporter les informations nécessaires pour les éclairer sur le projet d'opération d'intérêt national soumis à leur avis.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 103-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement relevant du présent code n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquelles elles doivent être soumises à participation du public, les dispositions des articles L. 123-19-1 à L. 123-19-6 du code de l'environnement leur sont applicables ". Aux termes de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent les décisions mentionnées à l'alinéa précédent soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif (...) ".

7. Eu égard à son objet et à ses effets, le décret attaqué, qui n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser les travaux et opérations susceptibles d'être réalisés dans le périmètre qu'il mentionne des obligations auxquelles ils peuvent être soumis, notamment au titre du code de l'environnement, n'est, par lui-même, pas susceptible d'avoir une incidence directe et significative sur l'environnement telle qu'il aurait dû être soumis à la participation du public en application des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : / a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain et rural maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; / e) Les besoins en matière de mobilité ; / (...) 4° La sécurité et la salubrité publiques ; / 5° La prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ; / 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques (...) ".

9. Si les règles fixées par les documents d'urbanisme locaux doivent être compatibles avec les objectifs énumérés par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, les dispositions de cet article ne peuvent, en revanche, eu égard à leur objet, être invoquées à l'encontre d'un décret inscrivant un projet sur la liste des opérations d'intérêt national sur le fondement de l'article L. 102-12 du même code. Par suite, les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme par le décret inscrivant le centre de stockage Cigéo sur la liste des opérations d'intérêt national.

Sur la légalité du décret n° 2022-993 du 7 juillet 2022 déclarant d'utilité publique le centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue Cigéo et portant mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois (Meuse), du plan local d'urbanisme intercommunal de la Haute-Saulx (Meuse) et du plan local d'urbanisme de Gondrecourt-le-Château (Meuse) :

En ce qui concerne la déclaration d'utilité publique :

Au titre de la légalité externe :

S'agissant de la compétence de l'auteur du décret :

10. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'utilité publique est déclarée par l'autorité compétente de l'Etat. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories de travaux ou d'opérations qui ne peuvent, en raison de leur nature et de leur importance, être déclarés d'utilité publique que par décret en Conseil d'Etat ". Le 5° de l'article R. 121-1 du même code prévoit que sont déclarés d'utilité publique par décret en Conseil d'Etat : " 5° Les travaux de création de centrales électriques (...) et d'installations liées à la production et au développement de l'énergie nucléaire ".

11. Il résulte de l'article L. 524-10-1 du code de l'environnement, cité au point 2, qu'un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est une installation nucléaire de base et fait dès lors partie des installations liées à la production et au développement de l'énergie nucléaire dont les travaux de création doivent être déclarés d'utilité publique par décret en Conseil d'Etat, conformément aux dispositions précitées du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué n'aurait pas compétemment déclaré d'utilité publique l'opération en cause.

S'agissant de la légalité de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-3 du code de l'environnement : " L'enquête publique est ouverte et organisée par l'autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l'enquête est requise. / (...) lorsque l'enquête est préalable à une déclaration d'utilité publique, la décision d'ouverture est prise par l'autorité de l'Etat compétente pour déclarer l'utilité publique ". L'article R. 123-3 du même code précise que " I. Lorsque la décision en vue de laquelle l'enquête est requise relève d'une autorité nationale de l'Etat, sauf disposition particulière, l'ouverture et l'organisation de l'enquête sont assurées par le préfet territorialement compétent. / (...) III. Lorsque le projet porte sur le territoire de plusieurs communes, départements ou régions, l'enquête peut être ouverte et organisée par une décision conjointe des autorités compétentes pour ouvrir et organiser l'enquête ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une déclaration d'utilité publique est prise par décret en Conseil d'Etat, la décision d'ouverture de l'enquête publique relève de la compétence du préfet territorialement compétent ou, lorsque le projet porte sur le territoire de communes appartenant à plusieurs départements, de la compétence conjointe des préfets de ces départements.

13. Il ressort des pièces du dossier que les différentes installations du centre de stockage Cigéo doivent être implantées sur le territoire des communes de Bure, Mandres-en-Barrois, Bonet, Gondrecourt-le-Château, Horville-en-Ornois, Ribeaucourt, Houdelaincourt et Saint-Joire, situées dans le département de la Meuse, et de Guillaumé, Saudron, Cirfontaines-en-Ornois, situées dans le département de la Haute-Marne. Les préfets de la Meuse et de la Haute-Marne étaient, dès lors, compétents pour prendre l'arrêté du 9 août 2021 ouvrant l'enquête publique préalable à déclaration d'utilité publique.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 143-44 du code de l'urbanisme : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique (...) ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du schéma qui en est la conséquence (...) ". Aux termes de l'article L. 143-46 du même code : " Le projet de mise en compatibilité est soumis à une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement : / 1° Par l'autorité administrative compétente de l'Etat : / a) lorsqu'une déclaration d'utilité publique est requise : / (...) / Lorsque le projet de mise en compatibilité ne concerne que certaines communes, l'enquête publique peut n'être organisée que sur le territoire de ces communes ".

15. L'article 1er de l'arrêté du 9 août 2021 des préfets de la Meuse et de la Haute-Marne indique que l'enquête publique porte sur l'utilité publique du centre de stockage Cigéo " emportant la mise en compatibilité des documents d'urbanisme du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois, du plan local d'urbanisme intercommunal de la Haute-Saulx et du plan local d'urbanisme de Gondrecourt-le-Château avec le centre de stockage Cigéo ". Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que cet arrêté ne préciserait pas que l'enquête publique porte à la fois sur la déclaration d'utilité publique du projet et sur la mise en compatibilité de plusieurs documents d'urbanisme, en méconnaissance de l'article L. 143-44 du code de l'urbanisme.

S'agissant des modalités d'organisation de l'enquête publique :

16. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 123-13 du code de l'environnement : " I. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête conduit l'enquête publique de manière à permettre au public de disposer d'une information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision. Il ou elle permet au public de faire parvenir ses observations et propositions pendant la durée de l'enquête par courrier électronique de façon systématique ainsi que par toute autre modalité précisée dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête. Les observations et propositions transmises par voie électronique sont accessibles sur un site internet désigné par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 123-10 du même code : " Les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter un exemplaire du dossier et présenter ses observations sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. Ils comprennent au minimum les jours et heures habituels d'ouverture au public de chacun des lieux où est déposé le dossier ; ils peuvent en outre comprendre des heures en soirée ainsi que plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés ".

17. Il ressort des pièces du dossier que le dossier était consultable au siège de l'enquête publique fixé à la mairie de la commune de Montiers-sur-Saulx, dans les locaux des préfectures de la Meuse et de la Haute-Marne et des sous-préfectures de Commercy et Saint-Dizier et dans les onze mairies des communes d'implantation du projet. Des permanences de la commission d'enquête ont été tenues dans six des communes d'implantation, auxquelles ont été ajoutées des permanences téléphoniques sur rendez-vous. Le dossier était également consultable par voie électronique et un poste informatique avait été mis à la disposition du public à la préfecture de la Meuse. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les modalités du déroulement de l'enquête publique n'auraient pas permis au public de prendre connaissance du projet et de présenter des observations. La participation du public à l'enquête s'est d'ailleurs traduite par une moyenne de 290 visiteurs par jour tout au long de la durée de l'enquête en dépit de la circonstance que des manifestations ou des troubles ont pu se produire lorsque la commission d'enquête était présente dans une commune.

18. En deuxième lieu, seules les communes sur le territoire desquelles doivent être implantées les installations du centre de stockage Cigéo sont concernées par le projet faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique attaquée. Il en résulte que la mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois ne concerne que ces communes et non l'ensemble de celles couvertes par le schéma. Par suite, l'enquête publique a pu n'être organisée que sur le territoire de ces seules communes.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Dans les cas où les atteintes à l'environnement ou au patrimoine culturel que risque de provoquer un projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements le justifient, la déclaration d'utilité publique comporte, le cas échéant, les mesures prévues au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ". Aux termes des stipulations de l'article 6 de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, qui doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne : " 2. Lorsqu'un processus décisionnel touchant l'environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus (...) / 3. Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public conformément au paragraphe 2 ci-dessus et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement. / 4. Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ". L'article 6 de la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, qui prévoit la participation du public à un stade précoce de procédures décisionnelles en matière d'environnement, a été transposé en droit interne par l'ordonnance du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes, laquelle a notamment modifié le dernier alinéa du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement pour prévoir que " Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité " et le III de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement, qui prévoit que, lorsque les incidences d'un projet sur l'environnement n'ont pu être complètement identifiées ni appréciées avant l'octroi de la première autorisation d'un projet, le maître d'ouvrage actualise l'étude d'impact en procédant à une évaluation de ses incidences, dans le périmètre de l'opération dans laquelle l'autorisation a été sollicitée et en appréciant leurs conséquences à l'échelle globale du projet.

20. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du résumé non technique de l'étude d'impact, que le projet global Cigéo comprend, d'une part, le centre de stockage Cigéo sous maîtrise d'ouvrage de l'ANDRA, qui lui-même comporte les installations correspondant à une zone descenderie, une zone puits, une zone d'implantation des ouvrages souterrains, une liaison intersites et une installations terminale embranchée, d'autre part, les opérations relevant d'autres maîtres d'ouvrage et nécessaires à la réalisation et à l'exploitation du centre de stockage qui portent sur l'alimentation électrique du centre, l'adduction d'eau, la mise à niveau de la ligne ferroviaire 027000, la déviation de la route départementale 60/960 et l'expédition et le transport des colis de déchets radioactifs. Le dossier soumis à l'enquête publique comporte une description des installations du projet global Cigéo, une analyse des solutions de substitution et la justification des principales raisons techniques et environnementales des choix effectués pour ces projets et opérations. Il comporte également l'analyse de l'état de l'environnement et des facteurs susceptibles d'être affectés par l'ensemble des opérations de ce projet global, en tenant compte de l'état actuel de l'avancement de chacune de ces opérations, ainsi que l'évaluation de leurs incidences et des mesures d'évitement, de réduction et de compensation de ces incidences. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces éléments, qui pourront être complétés lorsque les modalités de réalisation des différents aménagements nécessaires au fonctionnement du centre de stockage auront été définitivement arrêtées, ne seraient pas suffisants pour permettre d'apprécier l'utilité publique du projet de construction du centre de stockage.

21. Par suite, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive n° 2011/92/UE, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'information donnée au public, dans le cadre de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique du centre de stockage Cigéo, aurait été fractionnée et que le dossier aurait été exagérément complexe et ne lui aurait pas permis de prendre connaissance à la fois du projet d'implantation du centre de stockage et des opérations concourant à sa réalisation, en méconnaissance des stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de la convention d'Aarhus, des dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-1-1 du code de l'environnement, ni, en tout état de cause, de l'article 6 de la directive n° 2011/92/UE.

S'agissant du contenu du dossier d'enquête publique :

22. En premier lieu, les requérants soutiennent que le dossier de l'enquête publique ne comporterait pas les pièces démontrant la faisabilité du projet de stockage de déchets radioactifs et, en particulier, la capacité des producteurs de déchets à conditionner et acheminer les colis de déchets vers le centre de stockage, et la possibilité de récupérer effectivement les colis de déchets radioactifs une fois qu'ils auront été entreposés dans les alvéoles destinées à les accueillir. Toutefois, l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) du 1er décembre 2020 sur lequel ils s'appuient, d'une part, demandait que l'actualisation par les producteurs de déchets radioactifs de l'analyse de compatibilité entre les spécifications préliminaires d'acceptation des colis et les données des colis primaires soit réalisée au plus tard six mois après le dépôt de la demande d'autorisation de création du centre de stockage, d'autre part, indiquait que la stratégie de maintenance et de gestion du vieillissement du génie civil des ouvrages souterrains de Cigéo devrait être ajustée en fonction des résultats de la surveillance. Compte tenu du caractère progressif de la conception du centre de stockage, résultant des dispositions mêmes de l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, faute de comporter ces éléments, le dossier soumis à l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique serait irrégulièrement composé.

23. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du paragraphe 4 de l'article 2 de la convention d'Espoo du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière : " La Partie d'origine veille, conformément aux dispositions de la présente convention, à ce que toute activité proposée inscrite sur la liste figurant à l'appendice I, qui est susceptible d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important soit notifiée aux Parties touchées " et aux termes du paragraphe 1 de son article 3 : " Si une activité proposée inscrite sur la liste figurant à l'Appendice I est susceptible d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important, la Partie d'origine, en vue de procéder à des consultations suffisantes et efficaces comme le prévoit l'article 5, en donne notification à toute Partie pouvant, selon elle, être touchée dès que possible et au plus tard lorsqu'elle informe son propre public de cette activité ". Ces stipulations, comme le paragraphe 1 de l'article 7 de la directive n° 2011/92/UE qui met à la charge de l'Etat membre sur le territoire duquel il est envisagé de réaliser un projet susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement d'un autre Etat membre une obligation d'information de cet autre Etat membre, ont été transposées en droit interne à l'article L. 127-7 du code de l'environnement aux termes duquel : " Lorsqu'un projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement d'un autre Etat, membre de la Communauté européenne ou partie à la convention du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière signée à Espoo, les renseignements permettant l'information et la participation du public sont transmis aux autorités de cet Etat, à la demande de celles-ci ou à l'initiative des autorités françaises. Les autorités de l'Etat intéressé sont invitées à participer à l'enquête publique prévue à l'article L. 123-1 ou à la procédure de participation du public par voie électronique prévue à l'article L. 123-19 ".

24. D'autre part, l'article 2 de l'accord international sur la Meuse, signé le 3 décembre 2002 par la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, la Région de Bruxelles-Capitale, la Région Flamande et la Région Wallonne, stipule que les parties contractantes s'efforcent de réaliser une gestion de l'eau durable et intégrée pour le district hydrographique international de la Meuse et " coopèrent afin de : (...) d) coordonner les mesures de prévention et de lutte contre les pollutions accidentelles des eaux et assurer la transmission des informations nécessaires ". Le paragraphe 2 de son article 3 stipule que les parties contractantes " d) informent dans les meilleurs délais les Parties qui peuvent être affectées en cas de pollutions accidentelles dont les conséquences sont susceptibles de menacer de façon significative la qualité de l'eau ".

25. Il ressort des pièces du dossier que le projet a fait l'objet de nombreuses études scientifiques qui se sont attachées à définir les conditions requises pour que le stockage en profondeur des déchets radioactifs à vie longue les plus dangereux n'engendre pas des pollutions. Il en ressort, ainsi que l'indiquait la réponse apportée par l'ANDRA aux interrogations sur ce point de l'autorité environnementale, qu'aucune incidence potentielle du centre de stockage de déchets radioactifs n'a été identifiée en dehors du territoire national. L'établissement public a également indiqué que la nécessité d'une consultation spécifique des Etats frontaliers sera réévaluée lors de l'instruction du dossier de demande d'autorisation de création du centre de stockage, en application de l'article R. 593-22 du code de l'environnement. Si les requérants soutiennent en outre que le projet Cigéo est susceptible d'interagir avec les eaux de la Meuse, en relevant que les installations seront situées à 500 mètres de profondeur, au sein de la couche d'argilite du callovo-oxfordien, laquelle est directement en contact avec une nappe qui a pour siège les calcaires de l'oxfordien, il ne ressort pas des éléments versés au dossier que le projet pourrait avoir des incidences notables sur l'environnement des parties à l'accord international sur la Meuse, dont l'invocation doit, par suite et en tout état de cause, être écartée. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la méthode de mise en œuvre de l'article 7 de la directive 2011/92/UE pour un projet tel que Cigéo qui nécessite plusieurs actes ou autorisations, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier d'enquête publique faute de comporter une évaluation des incidences transfrontalières du projet global Cigéo doit être écarté.

26. En troisième lieu, en vertu de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le dossier d'une déclaration d'utilité publique soumis à enquête publique comprend : " 5° L'appréciation sommaire des dépenses ".

27. Il ressort du dossier soumis à l'enquête publique qu'il comporte l'indication, d'une part, de dépenses d'un montant de 5,058 milliards d'euros pour la réalisation des investissements nécessaires à la mise en service du centre de stockage Cigéo, d'autre part, de dépenses d'un montant de 5,69 milliards d'euros destinées à couvrir le coût des investissements nécessaires à son extension progressive. Il renvoie par ailleurs à l'arrêté du 15 janvier 2016 du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer qui a fixé à 25 milliards d'euros, aux conditions économiques du 31 décembre 2011, le coût afférent à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue, et dont l'article 2 a prévu que ce coût est " mis à jour régulièrement et a minima aux étapes clés du développement du projet (autorisation de création, mise en service, fin de la "phase industrielle pilote", réexamens de sûreté), conformément à l'avis de l'Autorité de sûreté nucléaire ".

28. D'une part, dès lors que la déclaration d'utilité publique résultant du décret attaqué ne porte que sur les travaux de création du centre de stockage Cigéo, et non sur le projet dans sa globalité incluant les autres opérations nécessaires à son exploitation, seules les dépenses nécessaires à la réalisation de ces travaux devaient faire l'objet de l'appréciation sommaire exigée par le 5° de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

29. De même, l'appréciation sommaire des dépenses, qui doit inclure les dépenses nécessaires à la construction de l'installation en cause, n'avait pas à inclure les dépenses relatives à l'exploitation de cette installation. Par suite, la circonstance que l'appréciation sommaire des dépenses figurant dans le dossier soumis à l'enquête publique ne porterait que sur le coût de la gestion des déchets radioactifs faisant partie de l'inventaire de référence pour l'accueil desquels le centre de stockage est conçu en vertu de l'article D. 542-91 du code de l'environnement et n'inclurait pas le coût des déchets de l'inventaire de réserve, lequel prend en compte les incertitudes liées notamment à la mise en place de nouvelles filières de gestion de déchets ou à des évolutions de la politique énergétique, n'est pas de nature à la rendre incomplète.

30. D'autre part, si les requérants soutiennent que les dépenses seraient sous-évaluées en raison de l'omission de celles liées à la jouvence, correspondant au renouvellement à l'identique des ouvrages ou équipements en fin de vie, et au démantèlement de l'installation, il ressort des pièces du dossier qu'une première jouvence est prévue entre 2044 et 2061 et une seconde entre 2079 et 2099 notamment pour le bâtiment descenderie et le bâtiment d'exploitation de phase 1 (EP1). Ainsi, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement qu'au-delà de la phase industrielle pilote, prévue pour s'achever en 2040, la poursuite de l'exploitation du centre de stockage devra être autorisée par la loi et qu'une autre loi devra autoriser la fermeture définitive du centre de stockage et fixer les conditions de son démantèlement, l'appréciation sommaire des dépenses telle qu'elle figure dans le dossier de la déclaration d'utilité publique ne peut être regardée comme étant manifestement sous-évaluée.

31. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance dans le dossier d'enquête publique de l'appréciation sommaire des dépenses doit être écarté.

S'agissant du contenu de l'étude d'impact :

32. D'une part, aux termes du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " III.- L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact ", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage. / L'évaluation environnementale permet de décrire et d'apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d'un projet sur les facteurs suivants : / 1° La population et la santé humaine ; / 2° La biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre de la directive 92/43/ CEE du 21 mai 1992 et de la directive 2009/147/ CE du 30 novembre 2009 ; / 3° Les terres, le sol, l'eau, l'air et le climat ; / 4° Les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage ; / 5° L'interaction entre les facteurs mentionnés aux 1° à 4°. / Les incidences sur les facteurs énoncés englobent les incidences susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet aux risques d'accidents majeurs et aux catastrophes pertinents pour le projet concerné ". L'article R. 122-5 de ce code définit le contenu de l'étude d'impact, qui est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Cet article dispose que, pour les installations nucléaires de base, la description du projet peut être complétée dans le dossier de demande d'autorisation, en application des articles R. 181-13 et suivants et de l'article R. 593-16. En vertu du 12° de ce dernier article, lorsque certains des éléments requis pour l'étude d'impact figurent dans l'étude de maîtrise des risques pour les installations nucléaires de base, il en est fait état dans l'étude d'impact. D'autre part, l'article R. 593-16 du même code prévoit que la demande de création d'une installation nucléaire de base est accompagnée d'un dossier comprenant : " (...) 6° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1, dont le contenu est défini à l'article R. 593-17 ; / 7° La version préliminaire du rapport de sûreté dont le contenu est défini à l'article R. 593-18 ; / 8° L'étude de maîtrise des risques dont le contenu est défini par l'article R. 593-19 ; / (...) ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

33. Il résulte de dispositions citées ci-dessus, et notamment de l'article R. 593-16 du code de l'environnement, que le rapport de sûreté et l'étude de maîtrise des risques ne sont exigibles qu'au stade de la demande de création de cette installation et qu'au stade de la déclaration d'utilité publique d'une installation nucléaire de base l'étude d'impact n'a pas à développer de manière exhaustive et complète l'ensemble des informations relatives à la sécurité ou la sûreté nucléaire.

34. Il ressort en l'occurrence des pièces du dossier qu'afin d'informer le public des incidences notables du projet sur l'environnement résultant de sa vulnérabilité à des risques d'accidents ou de catastrophes majeures, l'étude d'impact fait référence au dossier d'options de sûreté que l'ANDRA avait remis à l'Autorité de sûreté nucléaire en 2016. En outre, en réponse aux recommandations de l'autorité environnementale relatives à l'actualisation de ce document, l'ANDRA a produit un mémoire en réponse détaillé auquel est jointe, en annexe, une synthèse des options de sûreté et " un programme des études de conception, de recherche et développement et de sûreté en vue du dossier d'autorisation de création et de son instruction ". L'étude d'impact comporte également l'évaluation des incidences sur l'environnement et la santé humaine des activités d'expédition et de transport des colis de déchets jusqu'au centre de stockage, dans la mesure où ces opérations doivent recevoir une approbation préalable de l'ANDRA. En revanche, l'étude d'impact n'avait pas à porter sur les activités de traitement et de conditionnement de ces déchets qui sont réalisées sur le site de leurs producteurs. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait incomplète au regard des exigences du 6° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement.

Quant à l'analyse, dans l'étude d'impact, de l'intérêt géothermique du site de Bure et des risques du projet pour la sûreté :

35. Il ressort du guide de sûreté de l'Autorité de sûreté nucléaire du 12 février 2008 relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en couche géologique profonde, qui comporte des références techniques proposées par l'Autorité dépourvues de caractère obligatoire, et en particulier de son annexe 2, que l'ANDRA doit s'assurer que le site retenu pour le stockage ne présente aucun intérêt particulier du point de vue de la géothermie et du stockage de chaleur pour éviter toute intrusion humaine involontaire dans le centre de stockage lorsque la mémoire de l'existence de ce centre sera perdue. Si ce guide a indiqué que la perte de mémoire de l'existence du stockage peut être raisonnablement fixée au-delà de cinq cents ans, valeur alors retenue comme date minimale d'occurrence d'une intrusion humaine, il a exclu la nécessité d'étudier l'impact d'un forage en vue de la recherche de géothermie et de stockage de chaleur en préconisant que les sites retenus ne présentent pas d'intérêt particulier en la matière.

36. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une analyse de l'état actuel de la géothermie dans le sous-sol de l'aire d'étude a été réalisée et figure dans le volume III de l'étude d'impact. En outre, le dossier d'options de sûreté réalisé par l'ANDRA, dont la synthèse figure au dossier d'enquête publique, a pris en compte les différents scénarios d'intrusion humaine involontaire dans la zone d'implantation des ouvrages souterrains dans le cas où la mémoire de l'existence du centre de stockage serait perdue et a relevé l'absence de ressources souterraines extractibles et géothermales exceptionnelles susceptibles de susciter des travaux de prospection. Cette analyse a été confirmée par le rapport de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans un rapport établi en 2014 intitulé " potentiel du site géothermique Meuse/Haute-Marne ", postérieur à l'étude du cabinet Géowatt réalisée en 2013 dont se prévalent les requérants. Puis dans son avis n° 2018-AV-0300 du 11 janvier 2018, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a considéré que le dossier d'options de sûreté du projet Cigéo permettait de confirmer la pertinence de la zone retenue pour l'implantation du stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde. Si dans son avis du 13 janvier 2021, l'autorité environnementale a recommandé au maître d'ouvrage de reprendre les études du potentiel géothermique du sous-sol et d'organiser leur pilotage par un groupe d'experts indépendants, il ressort de cet avis que l'autorité s'est fondée uniquement sur le rapport du cabinet Géowatt et non sur celui de l'IRSN mentionné ci-dessus. Par suite, la circonstance que l'ANDRA se soit bornée à prendre acte de cette recommandation ne permet pas de caractériser une insuffisance manifeste du dossier sur ce point.

Quant à l'analyse, dans l'étude d'impact, de la maîtrise des risques, de la sûreté et de la sécurité :

37. D'une part, les dispositions des articles 2, 7 et 10 de la directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible et des déchets radioactifs, dont se prévalent les requérants, a été transposée dans le droit interne par l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de cette directive.

38. D'autre part, les stipulations des article 13 et 15 de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs signée à Vienne le 29 septembre 1997, qui prévoient que chaque partie contractante doit prendre les mesures appropriées pour qu'il soit procédé à une évaluation des impacts que les projets d'installations de gestion de déchets radioactifs sont susceptibles d'avoir, du point de vue de la sûreté, sur les individus, la société et l'environnement, qui ont pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et requièrent l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers, sont dépourvues d'effet direct.

39. Enfin, à l'appui de leur moyen tiré de ce que l'étude d'impact méconnaîtrait les dispositions du 6° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, les requérants font valoir que la synthèse des rapports relatifs aux options de sûreté en exploitation et après fermeture du site repose sur des travaux effectués en 2013 et 2014 et ne tiennent pas compte des lacunes relevées par l'IRSN dans son rapport de 2017 mentionné ci-dessus et par l'ASN dans son avis du 11 janvier 2018.

40. En premier lieu, il ressort de la synthèse des options de sûreté que le volume des déchets radioactifs de l'inventaire de référence destiné à être stocké dans le centre de stockage Cigéo est de l'ordre de 83 000 m3 et correspond à environ 225 colis de déchets. Si les requérants soutiennent que cet inventaire est incomplet faute de prendre en compte les 68 500 m3 de combustibles usés supplémentaires et les 104 000 m² de déchets qui font partie de l'inventaire de réserve estimés par l'IRSN en 2017, il résulte des dispositions de l'article R. 542-91 du code de l'environnement que le centre de stockage est conçu pour accueillir les seuls déchets figurant dans l'inventaire de référence. Or, les combustibles usés ne sont pas considérés, notamment par l'ASN, comme des déchets en raison de leur possible retraitement et n'ont donc pas vocation à être inclus dans l'inventaire de référence.

41. En deuxième lieu, si, ainsi que le font valoir les requérants, la longueur des alvéoles de stockage des déchets de haute activité, de 80 à 100 mètres, mentionnée dans le dossier d'options de sûreté réalisé en 2014, diffère de celle de 150 mètres figurant dans le dossier d'enquête publique, il ressort des pièces du dossier que cette augmentation a été décidée afin d'accroître la sûreté de ces installations et notamment de limiter les risques de transfert de radionucléides vers la galerie d'accès de l'alvéole et donc le risque de migration de ces radionucléides en dehors de leur lieu d'enfouissement. Cette modification n'a dès lors pas pour effet de remettre en cause la validité des options de sûreté figurant dans le dossier d'enquête publique.

42. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les combustibles usés ne font pas partie de l'inventaire de référence. Il est cependant prévu que les études relatives à l'éventuel stockage de ces combustibles qui ne pourraient pas être retraités seront présentées dans le dossier de demande d'autorisation de création du centre de stockage et que la mise en œuvre des évolutions de la conception du centre nécessaires à son adaptabilité devront faire l'objet de procédures d'autorisation spécifiques ultérieures. Par suite, la circonstance que l'étude d'impact renvoie à des études complémentaires sur ces points n'implique pas qu'elle serait en elle-même insuffisante. En particulier, l'absence d'actualisation des options de sûreté en ce qui concerne le stockage des combustibles usés ne conduit pas à remettre en cause les éléments montrant que la conception du centre de stockage souterrain peut suffisamment prévenir le risque de criticité lié à une réaction de fission en chaîne de certains déchets stockés.

43. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier n'est pas dépourvu de tout élément sur la mise en place d'une ventilation efficace des galeries souterraines en cas d'accident lié à une explosion de gaz de radiolyse, ni la prise en compte des retours d'expériences d'accidents s'étant produits dans des centres de stockage de déchets radioactifs aux Etats-Unis et en Allemagne, puisque, bien que ces accidents n'étaient pas liés aux gaz de radiolyse, des éléments de réponse ont été apportés au procès-verbal de synthèse des observations de la commission d'enquête sur ces retours d'expérience et la manière dont ils ont conforté les dispositifs prévus dans l'installation pour détecter suffisamment tôt une anomalie et en limiter les conséquences.

44. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis n° 2020-AV-0369 du 1er décembre 2020 de l'ASN qu'au regard des conclusions de la revue externe sur la gestion des déchets bitumés et des études sur les évolutions de conception des alvéoles pour les déchets de moyenne activité à vie longue de Cigéo, qui ont mis en lumière des éléments techniques nouveaux depuis la publication de son précédent avis du 11 janvier 2018, il était nécessaire que les producteurs mettent en œuvre un programme ambitieux de caractérisation des colis de déchets bitumés, indispensable pour développer la démonstration que tout ou partie d'un tel colis pourrait être stocké avec un haut niveau de sûreté sans traitement préalable dans le centre de stockage Cigéo. Dans le mémoire en réponse au rapport de la commission d'enquête publique qu'elle a rédigé, l'ANDRA a indiqué avoir conduit des études et défini des solutions de conception de l'alvéole de stockage de colis de déchets bitumés pour, d'une part, rendre hautement improbable le risque d'emballement des fûts d'enrobés bitumés, d'autre part, éviter le risque de propagation d'un tel emballement s'il se produisait dans les installations souterraines du centre de stockage. Il est enfin prévu que les colis de déchets bitumés, qui ne seront en tout état de cause pas réceptionnés dans les premières années de fonctionnement du centre de stockage, n'y seront admis que si leur sûreté est pleinement garantie. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le risque d'incendie des colis de déchets bitumés n'aurait pas été pris en compte dans le dossier d'enquête publique.

45. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ANDRA a apporté des éléments d'information sur la sécurisation des installations dans le dossier d'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique, même si l'établissement indique avoir ensuite poursuivi ses études relatives à la conception de ces installations et ses évaluations de la sûreté de celles-ci au cours de l'exploitation du centre de stockage et après sa fermeture, en vue de préparer le dossier de demande d'autorisation de création.

46. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait insuffisante en ce qui concerne la description des incidences négatives notables attendues du projet sur l'environnement résultant de la vulnérabilité du projet à des risques d'accidents ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné, telle qu'elle est exigée par le 6° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, et pas davantage qu'elle méconnaîtrait les stipulations des articles 13 et 15 de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs du 29 septembre 1997, alors au demeurant que ni ces stipulations, ni aucune disposition du code de l'environnement n'impose au maître d'ouvrage de réaliser une étude de maîtrise des risques et un rapport de sûreté d'une installation nucléaire de base au stade de la déclaration d'utilité publique.

47. La directive 2011/70/Euratom du Conseil ayant été transposée en droit interne aux articles L. 542-1 et suivant du code de l'environnement et le recours ne soutenant pas que les dispositions de ces articles méconnaîtraient la directive ou l'auraient incomplètement transposée, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles consistant à savoir, d'une part, si une déclaration d'utilité publique, dans la mesure où elle permet d'entreprendre une activité de gestion de combustible usé ou de déchets radioactifs, constitue une autorisation au sens de la directive, d'autre part, si la déclaration d'utilité publique doit déjà contenir en totalité les informations relatives à la sécurité du lieu choisi, les modalités d'exploitation de l'installation, le risque d'accident et d'interaction accidentelle avec d'autre installations dangereuses situées à proximité, enfin, si les informations relatives à la sécurité doivent être communiquées à la population en application de l'article 10 de la directive préalablement à l'enquête publique relative à la déclaration d'utilité publique ou avant les futures autorisations permettant l'exploitation du centre de stockage des déchets.

Quant à l'analyse, dans l'étude d'impact, de l'hydrogéologie des eaux souterraines et des eaux d'exhaure :

48. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ANDRA a apporté des éléments d'information sur l'état de la couche argileuse destinée à l'accueil des installations souterraines du centre de stockage dans son mémoire en réponse au rapport de la commission d'enquête, à la suite desquels la commission d'enquête a noté que les études et les recherches menées pendant des années par l'ANDRA dans le laboratoire souterrain apportaient les réponses aux questions posées par les contributeurs et donnaient des garanties sur la stabilité, l'homogénéité et la perméabilité de la couche géologique dans laquelle il est prévu de stocker les colis de déchets radioactifs. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le dossier ne contiendrait pas une analyse démontrant la sûreté du projet sur ce point.

49. En deuxième lieu, il résulte des études menées par l'ANDRA avant et après la remise du dossier d'options de sûreté que les conduits karstiques existant dans la couche géologique de l'oxfordien ne modifient pas, sur le long terme, le régime d'écoulement des eaux au sein de la couche géologique du callovo-oxfordien qui accueillera les ouvrages souterrains du centre de stockage. Par suite, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact sous-évaluerait ce risque peut être écarté.

50. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que des données quantitatives et qualitatives relatives aux eaux d'exhaure ont été prises en compte dans le dimensionnement du dispositif de collecte et de gestion des eaux de fond. Des précisions ont été apportées dans le volume IV de l'étude d'impact, notamment sur les types et les quantités de résidus et d'émissions attendus dans les eaux. Y figure également une estimation de la quantité maximale des eaux de fond produites par les travaux de creusement et lors du fonctionnement du centre de stockage. Enfin, le risque d'inondation interne des installations a été traité dans le dossier d'options de sûreté. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que faute de données qualitatives et quantitatives sur les débits des eaux d'exhaure, le public serait dans l'impossibilité d'apprécier les volumes, la dangerosité pour la santé et la toxicité potentielle du projet pour le milieu naturel et les eaux.

Quant à l'analyse, dans l'étude d'impact, des caractéristiques radiologiques de l'environnement et des effets du projet sur la biodiversité :

51. En premier lieu, l'étude d'impact comporte l'analyse de l'état radiologique actuel de l'environnement dans lequel l'enfouissement des déchets radioactifs est prévu. Si les requérants soutiennent que cette analyse est lacunaire et erronée sur certains points, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces omissions ou inexactitudes seraient d'une importance telle qu'elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète du public sur ce point.

52. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'aucune des zones d'implantation des différentes installations du projet de centre de stockage Cigéo ne concerne des zones humides. Si les requérants s'appuient sur l'avis rendu par l'Office français de la biodiversité, il est constant que ce dernier ne porte que sur les ouvrages et aménagements connexes au centre de stockage relevant d'autres maîtres d'ouvrage susceptibles d'affecter des zones humides, mais qui ne sont pas concernés par la déclaration d'utilité publique attaquée. D'autre part, l'étude d'impact présente les différentes options envisagées pour la valorisation des verses. Enfin, l'étude d'impact indique qu'une estimation large des emprises de la liaison intersites a été retenue afin d'en évaluer les incidences environnementales. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le public n'aurait pas été suffisamment informé sur la situation actuelle du site d'implantation du centre de stockage et sur les décisions restant à prendre et nécessitant le cas échéant l'actualisation de l'étude d'impact.

53. En troisième lieu, les requérants soutiennent que plusieurs des mesures destinées à éviter, réduire et compenser les effets négatifs notables du projet de centre de stockage sur l'environnement et la santé humaine prévues par l'ANDRA méconnaissent la définition qu'en donne le guide d'aide à la définition des mesures ERC rédigé en janvier 2018 par le Commissariat général du développement durable, en ce que des mesures d'évitement n'en seraient pas réellement, des mesures de réduction serait peu précises et devraient être requalifiées en mesures de compensation, et des mesures de compensation seraient des mesures d'accompagnement. Toutefois, à supposer que certaines des mesures présentées dans l'étude d'impact seraient inexactement classées comme mesures d'évitement, de réduction et de compensation, il ne ressort pas des pièces du dossier que de telles erreurs aient pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou aient été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Quant à l'analyse, dans l'étude d'impact, des incidences du projet sur les générations futures :

54. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact comporte une appréciation des incidences à long terme du projet de centre de stockage sur l'environnement et la santé humaine, notamment celles des opérations de fermeture et celles envisagées après la fermeture définitive et met l'accent sur le mécanisme de protection passive inhérent au projet Cigéo. Le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur les incidences du projet sur les générations futures ne peut ainsi, et en tout état de cause, qu'être écarté.

55. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de l'article 3 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 qui a été transposé en droit interne, notamment par l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dès lors qu'il ne soutiennent pas que ces dispositions méconnaîtraient l'article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui prévoit qu'un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de la qualité de l'environnement doivent être intégrés dans les politiques de l'Union et assurés conformément au principe de développement durable, dans le sens qu'il impose à l'étude d'impact à laquelle il doit être procédé une évaluation des incidences directes et indirectes des effets d'un projet sur les générations futures.

Quant à l'analyse, dans l'étude d'impact, des incidences de l'exploitation du bâtiment d'exploitation de phase 2 dit EP2 :

56. Il ressort des pièces du dossier qu'en plus d'un premier bâtiment d'exploitation de phase 1, dit EP1, prévu pour le déchargement, le contrôle et la préparation pour le stockage des colis de déchets de moyenne activité à vie longue et des colis de haute activité à vie longue dégageant peu de chaleur, le projet de centre de stockage prévoit un second bâtiment d'exploitation en phase 2, dit EP2, pour le déchargement, le contrôle et la préparation pour le stockage des colis de déchets de haute activité (HA) dit thermiques qu'il n'est envisagé de prendre en charge qu'à l'horizon 2070/2080. Il est indiqué dans le volume VI de l'étude d'impact que ce bâtiment, dont la construction n'est envisagée qu'après plusieurs décennies de fonctionnement, recevra une majorité de colis de déchets HA vitrifiés qui n'émettent pas d'éléments radioactifs gazeux et quelques colis de déchets de moyenne activité à vie longue qui ne sont pas encore produits et que les rejets atmosphériques annuels durant cette période seront très faibles et du même ordre de grandeur que ceux réalisés durant le fonctionnement du bâtiment nucléaire EP1. Par suite, dès lors que la construction de ce bâtiment n'est envisagée qu'après plusieurs décennies de fonctionnement du centre de stockage, les requérants, qui se bornent à affirmer, sans l'étayer, que ce bâtiment présenterait une dangerosité sans comparaison avec les autres installations de stockage, ne sont pas fondée à soutenir que l'étude d'impact serait insuffisante en ce qui le concerne.

Quant à la méconnaissance des exigences résultant de la directive 2011/92/UE :

57. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le maître d'ouvrage du projet Cigéo est l'ANDRA, établissement public industriel et commercial chargé par l'article L. 542-12 du code de l'environnement des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs, personne publique distincte de l'Etat, de sorte que la Première ministre, signataire du décret attaqué, ne peut être confondue avec cet établissement public. Par suite, le moyen tiré de ce que la configuration structurelle du dossier ne permettrait pas de garantir l'objectivité des informations qu'il contient et d'éviter les conflits d'intérêt, en méconnaissance de l'article 9 bis de la directive 2011/92/UE, dans sa rédaction issue de la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014, qui impose aux Etats membres de veiller à ce que les autorités compétentes accomplissent les missions relatives à l'évaluation environnementale des projets ayant des incidences sur l'environnement de façon objective et de ne pas se trouver en situation de conflit d'intérêts, ne peut qu'être écarté.

Au titre de la légalité interne :

S'agissant de la méconnaissance alléguée du principe de précaution :

58. Aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ". Aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". Aux termes du 1° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, la protection et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels s'inspirent notamment du " principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ".

59. Une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être déclarée d'utilité publique. Il appartient dès lors à l'autorité compétente de l'Etat, saisie d'une demande tendant à ce qu'un projet soit déclaré d'utilité publique, de rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution. Si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d'une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d'autre part, à l'intérêt de l'opération, les mesures de précaution dont l'opération est assortie afin d'éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives. Il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l'acte déclaratif d'utilité publique et au vu de l'argumentation dont il est saisi, de vérifier que l'application du principe de précaution est justifiée, puis de s'assurer de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en œuvre et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution.

60. Si les requérants font valoir que certains risques, tels que les risques d'incendie de déchets bitumés, les risques liés à l'émission de toxiques chimiques et ceux liés à l'exploitation du bâtiment EP2 n'ont fait l'objet d'aucune évaluation, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis n° 2021-00003 du 8 janvier 2021 de l'IRSN, que les risques pour la santé humaine et l'environnement des émissions radiologiques des colis de déchets stockés par le centre Cigéo pendant sa phase de fonctionnement et après sa fermeture, ainsi que les risques d'accidents impliquant des substances dangereuses conventionnelles ou des colis de déchets radioactifs sont identifiés. Il en va ainsi des rejets émis par les colis en surface et sous terre lors du fonctionnement normal du centre de stockage ainsi que de ceux émis en cas de situations accidentelles majeures et des conséquences radiologiques après la fermeture du site en cas de défaillance des scellements des colis de stockages ou en cas d'intrusion humaine involontaire. Les risques invoqués par les requérants ne sont, dès lors, pas au nombre de ceux, mentionnés au 1° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, présentant des incertitudes quant à leur réalité et à leur portée en l'état des connaissances scientifiques.

61. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution résultant des dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement et du 1° du II de l'article L.110-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.

S'agissant des dispositions relatives à l'évitement, à la réduction, et à la compensation des effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine :

62. Aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Dans les cas où les atteintes à l'environnement ou au patrimoine culturel que risque de provoquer un projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements le justifient, la déclaration d'utilité publique comporte, le cas échéant, les mesures prévues au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ". Aux termes de l'article R. 122-14 du code de l'environnement : " I. - La décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution du projet mentionne : / 1° Les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage, destinées à éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine, réduire les effets n'ayant pu être évités et, lorsque cela est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits ; / 2° Les modalités du suivi des effets du projet sur l'environnement ou la santé humaine (...) ".

63. En premier lieu, les dispositions combinées des articles L. 122-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, L. 122-1 et R. 122-14 du code de l'environnement précisent, s'agissant des actes portant déclaration d'utilité publique, la portée du principe dit " de prévention " défini au 2° du II de l'article L. 110-1 du même code. Il en résulte que, si les travaux, ouvrages ou aménagements que ces actes prévoient le justifient, ces derniers doivent, à peine d'illégalité, comporter, au moins dans leurs grandes lignes, compte tenu de l'état d'avancement des projets concernés, les mesures appropriées et suffisantes devant être mises à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi que les modalités de leur suivi. Ces mesures sont, si nécessaire, précisées ou complétées ultérieurement, notamment à l'occasion de la délivrance des autorisations requises au titre des polices d'environnement.

64. L'annexe 3 au décret attaqué qui présente l'ensemble des mesures destinées à éviter, réduire et compenser les effets négatifs notables du projet du centre de stockage Cigéo sur l'environnement et la santé humaine et les modalités de suivi associées indique que les modalités précises de réalisation de ces mesures seront présentées dans les dossiers spécifiques d'autorisations de travaux et précise que les mesures proposées au stade de la déclaration d'utilité publique pourront être modifiées ou remplacées par des mesures d'efficacité au moins équivalente. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une insuffisance des mesures prévues résultant du renvoi à des actualisations et compléments à l'occasion des demandes d'autorisations ultérieures ne peut qu'être écarté.

65. En deuxième lieu, cette annexe indique également que les mesures concernant les opérations des autres maîtres d'ouvrage du projet global Cigéo seront définies par leurs propres autorisations et déclarations. Dès lors que la déclaration d'utilité publique porte sur le seul centre de stockage Cigéo, le décret attaqué n'avait pas à préciser les mesures d'évitement, de réduction et de compensation concernant les autres ouvrages et installations. Il n'avait pas plus à prévoir de telles mesures pour les activités d'emballage, de conditionnement, d'entreposage et de transport des colis de déchets radioactifs qui relèvent de la compétence des producteurs de ces déchets et ne font pas partie de l'activité de stockage du centre Cigéo.

66. En troisième lieu, les mesures figurant dans l'annexe 3 concernent les différentes phases du projet du centre de stockage. Un tableau classe les différents types de mesures selon les incidences attendues du centre de stockage sur l'environnement et la santé. Y sont distinguées les mesures de portée générale, comme celles qui prennent en compte le changement climatique afin de réduire la vulnérabilité du projet aux hausses de températures et aux vagues de chaleur ou celles destinées à éviter d'affecter la qualité de l'air pendant la phase des travaux de construction ou celles relatives à la moindre utilisation des sols, des mesures plus spécifiques à l'activité du centre de stockage, comme celle qui porte sur le conditionnement définitif des déchets radioactifs ou celles qui portent sur les déchets eux-mêmes. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces mesures seraient exposées de manière si générale et laconique qu'il ne serait pas possible de s'assurer de leur efficacité.

S'agissant de la réversibilité du stockage des déchets radioactifs :

67. En premier lieu, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023, déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement en ce qu'elles prévoient que le stockage de déchets radioactifs dans un centre de stockage en couche géologique profonde est soumis à une exigence de réversibilité, mise en œuvre selon des modalités précises et pendant une durée minimale, en retenant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 542-10-1 que la gestion des déchets radioactifs doit être assurée dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l'environnement et que la mise en œuvre des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs doit prévenir ou limiter les charges qui seront supportées par les générations futures et en jugeant que cet article entoure la création et l'exploitation d'un tel centre de garanties propres à assurer le respect de ces exigences. Il en résulte que le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au droit des générations futures de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, doit être écarté.

68. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour tester la réversibilité du stockage des déchets radioactifs, il est prévu que des essais de récupération des colis de déchets seront réalisés pendant la phase industrielle pilote, d'abord sur des maquettes de colis avant le début des opérations de stockage, puis dans des conditions réelles, afin de confirmer les résultats des études de sûreté qui seront présentés au stade du dossier de demande d'autorisation de création de l'installation, répondant ainsi à la préconisation de l'autorité environnementale d'effectuer des essais en vraie grandeur afin de vérifier la possibilité de récupérer des colis accidentés avant la mise en exploitation du stockage. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que les objectifs de sûreté et de sécurité du centre de stockage tels qu'ils sont définis à l'article L. 542-1 du code de l'environnement ne seraient pas garantis au stade de la déclaration d'utilité publique du projet.

69. En troisième lieu, au soutien de leur argumentation selon laquelle les dispositions de l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement, qui prévoient la réversibilité du stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde pour la seule durée d'un siècle d'exploitation du centre de stockage, méconnaîtraient les objectifs de garantir la protection de la vie humaine et la préservation de l'environnement à l'égard des générations futures dès lors que le principe de réversibilité du stockage tel qu'il est prévu par ces dispositions ne préserve pas la capacité, pour les générations successives à venir, soit de poursuivre la construction puis l'exploitation de tranches successives d'un stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde, soit de réévaluer les choix faits antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion au-delà de la phase d'exploitation du site compte tenu des risques de dissémination des radionucléides pendant plusieurs centaines de milliers d'années, les requérants ne peuvent utilement invoquer ni la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement de juin 1992, qui ne produit pas d'effet en droit interne, ni le II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui prévoit que l'objectif de développement durable vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. En tout état de cause, ils n'apportent pas d'éléments de nature à établir que l'objectif de réversibilité du projet fixé par l'article L. 542-10-1 ne pourra pas être mis en œuvre.

S'agissant du financement du centre de stockage :

70. Aux termes de l'articles L. 542-12-2 du code de l'environnement, il est institué au sein de l'ANDRA " un fonds destiné au financement de la construction, de l'exploitation, de la fermeture, de l'entretien et de la surveillance des installations d'entreposage ou de stockage des déchets de haute ou de moyenne activité à vie longue construites ou exploitées par l'agence. Les opérations de ce fonds font l'objet d'une comptabilisation distincte permettant d'individualiser les ressources et les emplois du fonds au sein du budget de l'agence. Le fonds a pour ressources les contributions des exploitants d'installations nucléaires de base définies par des conventions ". Aux termes de l'article L. 542-12-3 du même code : " Il est institué, au sein de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, un fonds destiné à financer les études nécessaires à la conception des installations de stockage des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue construites par l'agence, ainsi que les opérations et travaux préalables au démarrage de la phase de construction de ces installations. Les opérations de ce fonds font l'objet d'une comptabilisation distincte permettant d'individualiser les ressources et les emplois du fonds au sein de l'agence. Le fonds a pour ressources le produit de la contribution spéciale prévue au I de l'article 58 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 ". En complément de ces fonds, l'article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006, dont les dispositions sont désormais codifiées aux article L. 594-1 et suivants du code de l'environnement, a mis en place un dispositif de sécurisation de la disponibilité des financements auprès des producteurs de déchets radioactifs qui prévoient que, d'une part, les exploitants d'installations nucléaires de base évaluent de manière prudente les charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs, d'autre part, constituent des provisions et affectent les actifs nécessaires à la couverture de ces provisions, enfin, comptabilisent de façon distincte ces actifs qui doivent représenter un degré de sécurité et de liquidité suffisant pour répondre à leur objet. Des dispositifs de contrôle des provisions et de la capacité à financer ces provisions ont également été prévus.

71. Au regard de l'ensemble de ces dispositions qui imposent aux producteurs de déchets radioactifs la mise en place de dispositifs de sécurisation et de contrôle du financement de la gestion de ces déchets, le moyen tiré de ce que, en raison de leur fort endettement, les producteurs de déchets nucléaires seraient dans l'incapacité d'assurer le financement du centre de stockage Cigéo doit être écarté.

72. Il ressort en outre des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les portefeuilles d'actifs constitués par les producteurs de déchets radioactifs bénéficient de taux de rendement prévisionnels supérieurs aux taux d'actualisation utilisés pour le calcul du montant des provisions qu'ils ont fixé.

73. Enfin, la circonstance que la commission nationale d'évaluation financière, créée par l'article 20 de la loi du 28 juin 2006 ne s'est pas réunie pendant une longue période est sans incidence sur le contrôle de l'adéquation des charges provisionnées avec les dépenses projetées qui incombe aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie en vertu de l'article D. 594-2 du code de l'énergie.

74. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les montants actuellement provisionnés par les exploitants pour la gestion à long terme des déchets de haute et moyenne activité à vie longue seraient insuffisants et ne permettraient pas de garantir un financement pérenne du centre de stockage Cigéo.

S'agissant de l'utilité publique du projet :

75. En adoptant les lois mentionnées au point 3 et, en particulier, les dispositions citées au point 2, le législateur a fait le choix de permettre le stockage des déchets radioactifs à vie longue dans une installation souterraine, afin que ces déchets puissent être stockés dans des conditions permettant de protéger l'environnement et la santé contre les risques à long terme de dissémination de substances radioactives et que la charge de la gestion de ces déchets ne soit pas reportée sur les seules générations futures, ainsi que l'a retenu le Conseil constitutionnel par sa décision n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023, jugeant que les modalités ainsi retenues par la loi ne sont pas, en l'état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées aux objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de protection de la santé.

76. Si les requérants critiquent la pertinence du choix ainsi opéré par le législateur, en mettant en avant le caractère irréversible du stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde à compter de la fermeture du centre de stockage, ils ne contestent ni la localisation de ce centre, ni les installations qui le constituent, telles qu'elles sont identifiées par le décret portant déclaration d'utilité publique.

77. Eu égard à l'intérêt public que présente le projet, dont la création est prévue par les dispositions de l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement, les inconvénients qu'il présente, notamment en termes de coût, ne présentent pas un caractère excessif de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.

S'agissant de l'absence de demande de dérogation " espèces protégées " :

78. Les arrêtés interministériels pris en application des articles R. 411-1 et suivants du code de l'environnement pour fixer les listes des espèces animales et végétales à protéger n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'interdire de déclarer d'utilité publique des travaux ou opérations susceptibles de porter atteinte à des espèces protégées, mais simplement de soumettre leur réalisation à une procédure d'autorisation. Par suite, est inopérante à l'encontre du décret attaqué la méconnaissance alléguée des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

79. Les directives Habitats 92/43/CEE du 21 mai 1992 et Oiseaux 2009/147/CE du 30 novembre 2009 ayant été transposées notamment par les articles L. 411-1 et L. 411-2 et le recours ne soutenant pas que les dispositions de ces articles méconnaîtraient ces directives ou les auraient incomplètement transposées, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur le point de savoir si une déclaration d'utilité publique renvoyant à d'éventuelles autorisations ultérieures ou ne comportant pas de demande de dérogation ne contrevient pas aux objectifs de ces directives. Il n'y pas davantage lieu de saisir la Cour d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation que donnent les juridictions de ces dispositions du code de l'environnement, qui est dépourvue de lien avec la demande d'annulation du décret attaqué.

S'agissant de la compatibilité du décret attaqué avec les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux Rhin-Meuse et Seine-Normandie :

80. Aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. "

81. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de centre de stockage Cigéo implique la construction, l'aménagement et l'exploitation d'ouvrages spécifiquement destinés à la rétention, à l'écoulement et au traitement des eaux, dont les caractéristiques particulières conféreraient au décret attaqué le caractère d'une " décision administrative dans le domaine de l'eau " au sens des dispositions précitées. La circonstance, invoquée par les requérants, que le projet Cigéo aurait des effets notables sur les milieux aquatiques et en particulier sur les eaux souterraines et les eaux de surface et que des mesures d'évitement et de réduction soient prévues pour supprimer ou atténuer ces effets ne lui confère pas le caractère d'une telle décision. Par suite, le moyen tiré de ce que les travaux déclarés d'utilité publique par le décret attaqué ne seraient pas compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhin Meuse et du bassin Seine-Normandie doit être écarté.

S'agissant de l'exception d'illégalité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois :

82. Une déclaration d'utilité publique ne constitue pas une mesure d'application d'un schéma de cohérence territoriale et un tel schéma n'en constitue pas non plus la base légale. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la déclaration d'utilité publique attaquée.

En ce qui concerne la déclaration de projet :

83. Il résulte de l'article L. 122-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que si l'expropriation est poursuivie au profit de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics, la déclaration d'utilité publique tient lieu de la déclaration de projet prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement, qui prévoit que : " (...) La déclaration de projet mentionne l'objet de l'opération tel qu'il figure dans le dossier soumis à l'enquête (...) ".

84. L'article 1er du décret attaqué prévoit que sont déclarés d'utilité publique les travaux de création du centre de stockage Cigéo. Son article 2, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, énonce que " la présente déclaration d'utilité publique tient lieu de déclaration de projet, les expropriations étant poursuivies au profit de l'Andra ". La circonstance que le dossier soumis à l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique ait comporté de nombreux éléments relatifs au projet global Cigéo, portant sur d'autres opérations que le seul centre de stockage et relevant d'autres maîtres d'ouvrage que l'ANDRA, n'a pas pour effet de modifier le périmètre des travaux faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique et, par voie de conséquence, de la déclaration de projet. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article 2 du décret méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 126-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois :

85. D'une part, l'article L. 141-2 du code de l'urbanisme prévoit que le schéma de cohérence territoriale comprend un projet d'aménagement stratégique, un document d'orientation et d'objectifs et des annexes. En vertu de l'article L. 141-3 du même code, le projet d'aménagement stratégique définit les objectifs de développement et d'aménagement du territoire à un horizon de vingt ans. Ces objectifs " concourent à la coordination des politiques publiques sur les territoires, en favorisant un équilibre et une complémentarité des polarités urbaines et rurales, une gestion économe de l'espace limitant l'artificialisation des sols, les transitions écologique, énergétique et climatique, une offre d'habitat, de services et de mobilités adaptés aux nouveaux modes de vie, une agriculture contribuant notamment à la satisfaction des besoins alimentaires locaux, ainsi qu'en respectant et mettant en valeur la qualité des espaces urbains comme naturels et des paysages. / Le projet d'aménagement stratégique fixe en outre, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation ". Aux termes de l'article L. 141-4 de ce code : " Le document d'orientation et d'objectifs détermine les conditions d'application du projet d'aménagement stratégique. Il définit les orientations générales d'organisation de l'espace, de coordination des politiques publiques et de valorisation des territoires (...) ". Aux termes de de l'article L. 141-8 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour la réalisation des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols mentionné à l'article L. 141-3, le document d'orientation et d'objectifs peut décliner ces objectifs par secteur géographique en tenant compte (...) 6° Des projets d'envergure nationale ou régionale dont l'impact en matière d'artificialisation peut ne pas être pris en compte pour l'évaluation de l'atteinte des objectifs mentionnés au second alinéa du même article L. 141-3, mais est pris en compte pour l'évaluation de l'atteinte des objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales ". Aux termes de l'article L. 141-10 du même code : " Au regard des enjeux en matière de préservation de l'environnement et des ressources naturelles, de prévention des risques naturels, de transition écologique, énergétique et climatique, le document d'orientation et d'objectifs définit : / 1° Les objectifs chiffrés de consommation économe de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain par secteur géographique ; / 2° Les orientations en matière de préservation des paysages ainsi qu'en matière d'insertion et de qualité paysagères des activités économiques, agricoles, forestières et de production et de transport d'énergie, les espaces naturels, agricoles, forestiers ou urbains à protéger, notamment en raison de leur participation à l'amélioration du cadre de vie. Il précise la manière dont les paysages vécus et leurs composantes naturelles, historiques et socio-culturelles sont pris en compte dans les choix d'aménagements et veille à limiter les effets de saturation visuelle. Il transpose les dispositions pertinentes des chartes de parcs naturels régionaux à une échelle appropriée ; / 3° Les modalités de protection des espaces nécessaires au maintien de la biodiversité et à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques et de la ressource en eau. Il peut identifier à cette fin des zones préférentielles pour la renaturation, par la transformation de sols artificialisés en sols non artificialisés ; /4° Les orientations qui contribuent à favoriser la transition énergétique et climatique, notamment la lutte contre les émissions territoriales de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, l'accroissement du stockage de carbone dans les sols et les milieux naturels et le développement des énergies renouvelables, au sens de l'article L. 211-2 du code de l'énergie (...) ".

86. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) " (...) fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière d'équilibre et d'égalité des territoires, d'implantation des différentes infrastructures d'intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, d'habitat, de gestion économe de l'espace, de lutte contre l'artificialisation des sols, d'intermodalité et de développement des transports de personnes et de marchandises, de maîtrise et de valorisation de l'énergie, de lutte contre le changement climatique, de développement de l'exploitation des énergies renouvelables et de récupération, de pollution de l'air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets. Sont inclus des objectifs relatifs aux installations de production de biogaz. En matière de lutte contre l'artificialisation des sols, les objectifs fixés sont traduits par une trajectoire permettant d'aboutir à l'absence de toute artificialisation nette des sols ainsi que, par tranches de dix années, par un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation. Cet objectif est décliné entre les différentes parties du territoire régional ". Le IV de l'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dispose que : " Afin d'assurer l'intégration des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers : / Si le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires en vigueur ne prévoit pas les objectifs mentionnés à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, son évolution doit être engagée dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi. Cette évolution peut être réalisée selon la procédure de modification définie au I de l'article L. 4251-9 du même code. L'entrée en vigueur du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires prévoyant ces objectifs doit intervenir dans un délai de trente mois à compter de la promulgation de la présente loi (...) ".

87. En premier lieu, les requérants soutiennent que les espaces qui devraient être occupés par les installations de surface du centre de stockage Cigéo, en particulier la liaison intersites, l'installation terminale embranchée et la plateforme multimodale, ne pouvaient être exclus de la limite de consommation foncière fixée par le schéma de cohérence territoriale à l'occasion de sa mise en compatibilité, sans méconnaître les objectifs fixés par l'article L. 141-10 du code de l'urbanisme mentionnés au point 85. Toutefois, dès lors que le centre de stockage Cigéo constitue un projet d'envergure nationale, son impact en matière d'artificialisation des sols pouvait, conformément aux dispositions du 6° de l'article L. 141-8 du code de l'urbanisme citées au point 86, ne pas être pris en compte pour l'évaluation de l'objectif de réduction du rythme de l'artificialisation des sols devant être fixé par le projet d'aménagement stratégique du schéma de cohérence territoriale.

88. En deuxième lieu, il résulte des dernières dispositions citées au point 86 que c'est au terme d'un délai de trente mois courant à compter de la promulgation de la loi du 22 août 2021 que doit entrer en vigueur le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires prévoyant les objectifs définis par les dispositions de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Or à la date d'adoption du décret attaqué, ce délai de trente mois n'était pas écoulé. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de l'illégalité du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires de la région Grand Est au motif qu'il n'aurait pas pris en compte les objectifs en cause ne peut qu'être écarté.

89. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que des mesures ont été prévues afin d'éviter, réduire et, le cas échéant, compenser l'impact des installations du centre de stockage sur les espaces naturels remarquables situés à proximité du site d'implantation de ces installations. L'article 5 du décret attaqué prévoit que ces mesures devront être adaptées par des prescriptions fixées par des arrêtés ultérieurs. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois méconnaîtrait la réglementation applicable à ces espaces remarquables, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'objectif de préservation et de maintien de la fonctionnalité des réservoirs de biodiversité prévu par la loi.

90. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à une recommandation de l'autorité environnementale sur la préservation du corridor écologique identifié dans le bois Lejuc, l'ANDRA a complété les mesures d'évitement, de réduction et de compensation qu'elle avait initialement prévues par la création, dès les premiers travaux de défrichement, d'un réseau de haies destinées à améliorer de manière significative les continuités écologiques est-ouest entre les boisements, de sorte que les incidences résiduelles du projet sur ces corridors écologiques seront faibles après mise en œuvre de l'ensemble des mesures d'évitement et de réduction. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale conduirait à l'ouverture à l'urbanisation des corridors écologique identifiés, en méconnaissance de l'objectif de protection des espaces naturels et forestiers fixé par les articles L. 101-1-1 du code de l'environnement et L. 141-10 du code de l'urbanisme.

91. En cinquième lieu, si les requérants soutiennent que le projet Cigéo modifie significativement l'occupation des sols en occupant une surface conséquente de surfaces agricoles, il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures qui ont été prévues afin d'éviter, réduire et, le cas échéant, compenser les incidences du centre de stockage sur les activités agricoles et sylvicoles, afin que son impact résiduel soit faible, seraient insuffisantes.

92. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale du Pays Barrois méconnaîtrait les objectifs de consommation économe de l'espace, de lutte contre l'étalement urbain et de préservation des paysages énoncés à l'article L. 141-10 du code de l'urbanisme.

93. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décrets du 7 juillet 2022 qu'ils attaquent.

Sur les frais de l'instance :

94. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de l'ANDRA, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

95. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme à l'ANDRA au titre des frais exposés par cet établissement public et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'association Meuse Nature Environnement et autres sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Meuse Nature Environnement, première dénommée pour l'ensemble des requérants, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la ministre de la transition énergétique et à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 1er décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467331
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-001 Si les règles fixées par les documents d’urbanisme locaux doivent être compatibles avec les objectifs énumérés par l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, cet article ne peut, en revanche, eu égard à son objet, être invoqué à l’encontre d’un décret inscrivant un projet sur la liste des opérations d’intérêt national sur le fondement de l’article L. 102-12 du même code.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 déc. 2023, n° 467331
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467331.20231201
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