Vu la procédure suivante :
L'association BIPEA a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner à la société SNCF Réseau, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'effectuer les travaux bruyants dépassant les seuils réglementaires en dehors de ses horaires de bureau, soit entre 9 heures et 17 heures du lundi au vendredi, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir.
Par une ordonnance n° 2226222 du 20 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint à la société SNCF Réseau de prendre, de sa propre initiative ou en concertation avec l'association BIPEA, toutes les mesures techniques qu'elle estimerait utiles, d'aménagement horaire ou autres, afin de remédier à cette situation et de s'assurer que la poursuite des travaux d'intérêt général qu'elle entreprend respecte les seuils réglementaires environnementaux.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 et 21 février 2023 et le 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SNCF Réseau demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'association BIPEA la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de SNCF Réseau, et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de l'association BIPEA ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que dans le cadre du chantier de la liaison ferroviaire entre la gare de l'Est et l'aéroport Charles-de-Gaulle, dénommée CDG Express, des travaux sont réalisés à Aubervilliers, à proximité immédiate des locaux occupés par l'association BIPEA. Celle-ci a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à ce qu'il ordonne à la société SNCF Réseau, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'effectuer les travaux bruyants dépassant les seuils réglementaires en dehors de ses horaires de bureau. Par une ordonnance du 20 janvier 2023, contre laquelle la société SNCF Réseau se pourvoit en cassation et contre laquelle l'association BIPEA forme un pourvoi incident, le juge des référés a enjoint à la société SNCF Réseau de prendre, de sa propre initiative ou en concertation avec l'association BIPEA, toutes les mesures techniques qu'elle estimerait utiles, d'aménagement horaire ou autres, afin de remédier à cette situation et de s'assurer que la poursuite des travaux d'intérêt général qu'elle entreprend respecte les seuils réglementaires environnementaux.
Sur le pourvoi principal :
3. D'une part, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que celle-ci prononce une injonction à l'encontre de la société SNCF Réseau lui imposant le respect de seuils et qui continue de produire ses effets à la date de la présente décision. Il en résulte que cette société justifie d'un intérêt à se pourvoir en cassation contre l'ordonnance litigieuse, dont, par ailleurs, l'annulation conserve un effet utile. Par suite, l'association BIPEA n'est pas fondée à soutenir que le pourvoi en cassation de la société SNCF Réseau ne serait pas recevable.
4. D'autre part, dans les motifs et le dispositif de l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris se borne à mentionner des " seuils réglementaires environnementaux " dont le respect s'imposerait à la société SNCF Réseau, sans indiquer quels textes les prévoiraient. En statuant ainsi, il n'a pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a insuffisamment motivé son ordonnance. Dès lors, par ce moyen né de l'ordonnance attaquée et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société SNCF Réseau est fondée à demander l'annulation de celle-ci.
Sur le pourvoi incident de l'association BIPEA :
5. L'annulation, sur le pourvoi principal, de l'ordonnance du 20 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris prive d'objet le pourvoi incident de l'association BIPEA.
Sur la demande en référé :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de l'instruction que si les travaux réalisés à proximité immédiate de l'immeuble occupé par l'association BIPEA provoquent des nuisances en termes de bruit et de vibrations pour ses salariés, les travaux de fondation et de génie civil, à l'occasion desquels les relevés dont l'association se prévaut ont été faits, sont terminés et les travaux restant à réaliser sont nettement moins bruyants. Par ailleurs, la société SNCF Réseau produit une note exposant les mesures mises en place depuis ces relevés afin de limiter la gêne occasionnée. Par suite et alors que l'association BIPEA ne produit aucun élément actualisé permettant d'établir un danger immédiat pour la santé de ses salariés, la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative pour permettre l'intervention du juge des référés n'est pas remplie. La demande présentée par cette association devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris ne peut donc qu'être rejetée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SNCF Réseau qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par cette société sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 20 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident formé par l'association BIPEA.
Article 3 : La demande présentée par l'association BIPEA devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société SNCF Réseau et l'association BIPEA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SNCF Réseau et à l'association BIPEA.