La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2023 | FRANCE | N°467705

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 27 novembre 2023, 467705


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 29 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.



Par une décision n° 22014559 du 25 mai 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.



Par un pour

voi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 22 décembre 2022 au secrétaria...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 29 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 22014559 du 25 mai 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 22 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi, Texier, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A..., de nationalité guinéenne, a demandé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) que lui soit reconnue la qualité de réfugiée ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision du 29 décembre 2021, le directeur général de l'office a rejeté sa demande. Par une décision du 25 mai 2022, contre laquelle Mme A... se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours tendant à l'annulation de décision.

2. D'une part, l'article L. 532-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir disposé que : " La Cour nationale du droit d'asile statue en formation collégiale ", prévoit que " (...) lorsque la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été prise selon la procédure accélérée, en application des articles L. 531-24, L. 531-26 ou L. 531-27, (...), le président de la cour ou le président de formation de jugement qu'il désigne à cette fin statue dans un délai de cinq semaines à compter de sa saisine (...) ". L'article L. 532-7 du même code précise que : " De sa propre initiative ou à la demande du requérant, le président de la Cour nationale du droit d'asile ou le président de formation de jugement désigné à cette fin peut, à tout moment de la procédure, renvoyer à la formation collégiale la demande s'il estime que celle-ci ne relève pas de l'un des cas prévus aux articles L. 531-24, L. 531-26, L. 531-27 (...), ou qu'elle soulève une difficulté sérieuse (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande (...) ". Aux termes de l'article L. 521-7 du même code : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) ". Aux termes de l'article L. 531-2 de ce code : " Lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France, l'étranger introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. L'autorité administrative compétente informe immédiatement l'office de l'enregistrement de la demande et de la remise de l'attestation de demande d'asile. / L'office ne peut être saisi d'une demande d'asile que si celle-ci a été préalablement enregistrée par l'autorité administrative compétente et si l'attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressé ".

4. L'article L. 531-27 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition du 8. de l'article 31 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection, prévoit que : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée à la demande de l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile dans les cas suivants : (...) 3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France ; (...) ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points précédents que l'OFPRA peut statuer en procédure accélérée sur une demande d'asile présentée par une personne qui est entrée irrégulièrement en France ou s'y est maintenue irrégulièrement dès lors que cette demande a été présentée au-delà d'un délai de quatre-vingt-dix jours suivant l'entrée en France, la date à prendre en compte étant celle de l'introduction de la demande de protection en vue de son enregistrement par l'autorité administrative compétente et de la remise de l'attestation de demande d'asile et non celle, postérieure, de la saisine de l'OFPRA.

6. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour juger que la demande d'asile de Mme A... relevait de la procédure accélérée et rejeter sa demande de renvoi devant une formation collégiale de la Cour nationale du droit d'asile en application des dispositions de l'article L. 532-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné pour statuer seul sur le recours de l'intéressée s'est fondé sur la circonstance que celle-ci avait présenté sa demande d'asile devant l'OFPRA le 1er juin 2021, soit plus de quatre-vingt-dix jours après son entrée en France le 30 septembre 2019. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en se référant à la date de présentation de la demande d'asile devant l'OFPRA, et en en déduisant que la situation de Mme A... relevait du 3° de l'article L. 531-27 de ce code, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen qu'un enregistrement de sa demande en guichet unique pour demandeurs d'asile avait été opéré dès le 10 octobre 2019, la Cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque.

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'OFPRA une somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 mai 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 3 000 euros à la SCP Zribi, Texier, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2023 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.

Rendu le 27 novembre 2023.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Hadrien Tissandier

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467705
Date de la décision : 27/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-02-07-02 Il résulte des articles L. 521-1, L. 521-7, L. 531-2, L. 531-27, L. 532-6 et L. 532-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) peut statuer en procédure accélérée sur une demande d’asile présentée par une personne qui est entrée irrégulièrement en France ou s’y est maintenue irrégulièrement dès lors que cette demande a été présentée au-delà d’un délai de quatre-vingt-dix jours suivant l’entrée en France, la date à prendre en compte étant celle de l’introduction de la demande de protection en vue de son enregistrement par l’autorité administrative compétente et de la remise de l’attestation de demande d’asile et non celle, postérieure, de la saisine de l’OFPRA.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2023, n° 467705
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hadrien Tissandier
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467705.20231127
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award