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13/11/2023 | FRANCE | N°460831

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 13 novembre 2023, 460831


Vu la procédure suivante :

La société Bonne Pioche Télévision a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 décembre 2018 par laquelle le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a rejeté sa demande d'octroi d'une allocation d'investissement pour le projet de documentaire intitulé " Nus et Culottés Saison 7 (Objectif Ile de la Réunion) ", ainsi que la décision du 29 avril 2019 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1913736/5-1 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette de

mande.

Par un arrêt n° 21PA01717 du 26 novembre 2021, la cour administr...

Vu la procédure suivante :

La société Bonne Pioche Télévision a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 décembre 2018 par laquelle le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a rejeté sa demande d'octroi d'une allocation d'investissement pour le projet de documentaire intitulé " Nus et Culottés Saison 7 (Objectif Ile de la Réunion) ", ainsi que la décision du 29 avril 2019 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1913736/5-1 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 21PA01717 du 26 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Bonne Pioche Télévision contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 janvier et 26 avril 2022 et le 31 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bonne Pioche Télévision demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du CNC la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Société Bonne Pioche Télévision SAS et à la SCP Foussard, Froger, avocat du centre national du cinéma et de l'image animée ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Bonne Pioche Télévision a sollicité auprès du Centre national du cinéma et de l'image animée une allocation d'investissement pour le projet de " documentaire " intitulé " Nus et Culottés saison 7 (Objectif Ile de La Réunion) ". Par une décision du 13 décembre 2018, la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée a rejeté sa demande. Par un courrier du 20 décembre 2018, la société a formé un recours gracieux contre ce refus, qui a été rejeté par une décision du 29 avril 2019. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 13 décembre 2018 et du 29 avril 2019. La société Bonne Pioche Télévisions se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 novembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

Sur le cadre juridique :

2. En vertu du 2° de l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée, le Centre national du cinéma et de l'image animée, au titre de sa mission de financement et de développement du cinéma et des autres arts et industries de l'image animée, soutient notamment, par l'attribution d'aides financières, la création et la production des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et des œuvres multimédias, ainsi que la diversité des formes d'expression et de diffusion cinématographique, audiovisuelle et multimédia. Aux termes de l'article L. 112-2 du même code, le conseil d'administration délibère sur les conditions générales d'attribution des soutiens financiers. L'article D. 311-1 dispose que " les conditions générales d'attribution des aides financières sont fixées par délibérations du conseil d'administration du Centre national du cinéma et de l'image animée dans un document consolidé et dénommé " règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée " ".

3. En vertu de l'article L. 311-1 du code du cinéma et de l'image animée, les aides sont attribuées sous forme automatique ou sélective. Aux termes de l'article D. 311-2 du même code : " Les aides financières automatiques du Centre national du cinéma et de l'image animée sont attribuées de droit aux personnes qui remplissent les conditions pour les recevoir./ Elles donnent lieu: 1° Soit au calcul et à l'inscription de sommes sur un compte nominatif ouvert dans les écritures de l'établissement, en vue de leur investissement par la personne titulaire de ce compte ;/ 2° Soit au versement d'allocations directes. " L'article 311-5 du règlement général des aides financières, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que " sont éligibles aux aides financières à la production et à la préparation les œuvres audiovisuelles qui appartiennent à l'un des genres suivants : / 3° Documentaire de création (...) ". Aux termes de l'article 311-6 du même règlement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les œuvres audiovisuelles éligibles aux aides financières à la production et à la préparation sont des œuvres à vocation patrimoniale qui présentent un intérêt particulier d'ordre culturel, social, scientifique, technique ou économique. / Elles doivent faire l'objet, par les entreprises de production, d'une exploitation durable en cohérence avec leur vocation patrimoniale ".

Sur le pourvoi :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, saisie d'un recours gracieux contre sa décision du 13 décembre 2018 par laquelle elle avait refusé l'attribution d'une aide dite " automatique " à la société Bonne Pioche Télévision, au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions légales pour l'obtenir, la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée, après avoir consulté la commission spécialisée compétente pour l'attribution des aides sélectives, en application des dispositions de l'article 311-80 du règlement général des aides financières, qui ouvrent une telle possibilité en cas de contestation ou de difficulté d'interprétation sur l'appartenance d'une œuvre audiovisuelle à un genre déterminé, a confirmé le 29 avril 2019, au vu de cet avis, sa décision initiale, pour les mêmes motifs. En jugeant que la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée ne pouvait être regardée comme ayant entendu, par sa décision du 29 avril 2019, retirer ou modifier sa décision initiale, ni comme s'étant prononcée au vu de circonstances de droit ou de fait nouvelles, pour en déduire que la société ne pouvait utilement se prévaloir des vices propres entachant la décision du 29 avril 2019, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique.

5. En deuxième lieu, pour écarter le moyen tiré de ce que l'absence de définition de la notion de " documentaire de création ", mentionnée à l'article 311-5 du règlement général des aides financières, méconnaissait l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme, la cour administrative d'appel a jugé que cette notion était éclairée par les dispositions de l'article 311-6, mentionnées au point 3, selon lesquelles les œuvres éligibles doivent présenter un intérêt particulier d'ordre culturel, social, scientifique, technique ou économique. Elle n'a ainsi, en tout état de cause, entaché son arrêt ni d'insuffisance de motivation, ni d'erreur de droit. Elle n'a pas davantage entaché son arrêt d'erreur de droit en ne soulevant pas d'office le moyen tiré de ce que le règlement général des aides financières serait entaché d'" incompétence négative " pour ne pas avoir défini plus précisément la notion de documentaire de création et en écartant comme non assorti des éléments permettant de l'étayer le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les documentaires de création et les autres œuvres.

6. En troisième lieu, en jugeant que la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée avait pu se fonder, pour dénier au programme en cause le caractère de documentaire de création au sens des dispositions des articles 311-5 et 311-6 du règlement général des aides financières, sur son faible apport de connaissances pour le spectateur, sur son absence d'originalité et d'innovation par rapport aux épisodes antérieurs et sur une construction narrative s'apparentant à celle d'une aventure filmée, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En dernier lieu, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que le programme en cause avait essentiellement pour objet " de mettre en scène deux aventuriers qui se lancent le défi de partir complètement nus dans la nature sans argent pour atteindre un objectif jugé impossible au cœur d'une région de rêve ", n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier en écartant le moyen tiré de ce que la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui déniant le caractère de documentaire de création éligible à une aide financière, alors même que certains épisodes antérieurs avaient pu obtenir une telle qualification.

8. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à ce titre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Bonne Pioche Télévision à verser au Centre national du cinéma et de l'image animée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Bonne Pioche Télévision est rejeté.

Article 2 : La société Bonne Pioche Télévision versera la somme de 3 000 euros au Centre national du cinéma et de l'image animée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Bonne Pioche Télévision et au Centre national du cinéma et de l'image animée.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460831
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ARTS ET LETTRES - CINÉMA - NOTION DE DOCUMENTAIRE DE CRÉATION ÉLIGIBLE À UNE AIDE FINANCIÈRE DU CNC – CONTRÔLE DU JUGE DE L’EXCÈS DE POUVOIR – APPRÉCIATION SOUMISE À UN CONTRÔLE RESTREINT.

09-05 Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation sur le caractère de documentaire de création éligible à une aide financière au sens des articles 311-5 et 311-6 du règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) mentionné à l’article D. 311-1 du code du cinéma et de l’image animée.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE RESTREINT - NOTION DE DOCUMENTAIRE DE CRÉATION ÉLIGIBLE À UNE AIDE FINANCIÈRE DU CNC.

54-07-02-04 Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation sur le caractère de documentaire de création éligible à une aide financière au sens des articles 311-5 et 311-6 du règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) mentionné à l’article D. 311-1 du code du cinéma et de l’image animée.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2023, n° 460831
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel Weicheldinger
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460831.20231113
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