Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la directrice du groupe public de santé Perray-Vaucluse a rejeté sa demande du 1er août 2019 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Par une ordonnance n° 1908678 du 17 janvier 2020, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 20VE00865 du 7 décembre 2021, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février 2022, 9 mai 2022 et 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du groupe public de santé Perray Vaucluse la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de Mme B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat du groupe public de santé Perray-Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B..., aide-soignante au sein d'un EPHAD dépendant du groupe public de santé (GPS) Perray-Vaucluse, a fait l'objet d'une mesure de suspension à compter du 18 juillet 2016, en raison de son comportement envers des résidents. Le lendemain, Mme B... a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail pour syndrome dépressif réactionnel. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire, régulièrement renouvelé jusqu'au 30 juin 2017. Par une décision du 16 novembre 2016, mise à exécution le 1er juillet 2017, la directrice du GPS Perray-Vaucluse a prononcé à l'encontre de Mme B... la sanction de révocation. Par une demande du 15 janvier 2018, réitérée le 1er août 2019, l'intéressée a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie contractée le 18 juillet 2016. Le 12 février 2019, la commission de réforme de l'Essonne a émis un avis favorable à sa demande. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle l'administration a rejeté sa demande du 1er août 2019. Par une ordonnance du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 7 décembre 2021 par laquelle la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) / 2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ; / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...). Les (...) présidents des formations de jugement des cours (...) peuvent, (...), par ordonnance, rejeter..., après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement... ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 24 de la loi du 23 juillet 1983, applicable au litige et désormais codifié à l'article L. 550-1 du code général de la fonction publique : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : / (...) / 4° De la révocation. (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, désormais repris aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
5. Si la décision révoquant Mme B... a rompu, à compter de la date d'effet de radiation des cadres de l'intéressée, le lien de celle-ci avec le service, elle ne pouvait faire obstacle à ce que Mme B... sollicite et bénéficie le cas échéant, si les conditions en étaient remplies, de droits statutaires pour la période antérieure à la rupture du lien avec le service. En tout état de cause, cette décision n'était pas de nature à rendre manifestement irrecevable la demande de Mme B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie constatée le 19 juillet 2016, alors qu'elle avait encore la qualité de fonctionnaire.
6. Il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la requête d'appel de Mme B... au motif que la demande dont elle avait saisi le tribunal administratif de Versailles était manifestement irrecevable, la cour administrative d'appel de Versailles, qui s'est en outre fondée à tort sur les dispositions du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, l'ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Versailles du 17 janvier 2020 est entachée d'irrégularité et doit, par suite, être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par Mme B... à l'appui de son appel.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Versailles pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme B....
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupe public de santé Perray-Vaucluse la somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 7 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles et l'ordonnance du 17 janvier 2020 du tribunal administratif de Versailles sont annulées.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Versailles.
Article 3 : Le groupe public de santé Perray-Vaucluse versera à Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le groupe public de santé Perray-Vaucluse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au groupe public de santé Perray-Vaucluse.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Amel Hafid, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 9 novembre 2023.
La présidente :
Signé : Mme Fabienne Lambolez
La rapporteure :
Signé : Mme Amel Hafid
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras