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07/11/2023 | FRANCE | N°488232

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 07 novembre 2023, 488232


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958, la fondation Saint Charles demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation du jugement n° 2102871 du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 à

2020 à raison d'un immeuble situé à Vandœuvre-lès-Nancy, de renvoyer au Conseil...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958, la fondation Saint Charles demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation du jugement n° 2102871 du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 à 2020 à raison d'un immeuble situé à Vandœuvre-lès-Nancy, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 34 de la loi du

29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 et de l'article 1498 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la fondation Saint Charles ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du deuxième aliéna du II de l'article 34 de la loi du

29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 dans sa rédaction applicable au litige pour la détermination de la valeur locative des locaux professionnels en fonction de l'état du marché locatif : " les propriétés (...) sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, les propriétés sont, le cas échéant, classées par catégories, en fonction de leur utilisation et de leurs caractéristiques physiques. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat ". Ces dispositions ont été codifiées, à compter du 1er janvier 2018, au deuxième alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts par la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, qui a modifié la deuxième phrase pour prévoir que les propriétés " sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance ".

3. La fondation Saint Charles soutient que ces dispositions méconnaissent la compétence du législateur définie à l'article 34 de la Constitution dans des conditions affectant le droit de propriété et les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, en ce que le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir les sous-groupes et catégories de locaux sans prévoir qu'il lui appartiendrait de tenir compte des conditions d'exploitation des locaux, en particulier du caractère lucratif ou non-lucratif de l'exploitation.

4. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ". La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

5. La méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. En revanche, le pouvoir donné par la loi à l'administration de fixer, contribuable par contribuable, les modalités de détermination de l'assiette d'une imposition méconnaît la compétence du législateur dans des conditions qui affectent, par elles-mêmes, le principe d'égalité devant les charges publiques.

6. Les dispositions contestées prévoient, pour le calcul de la valeur locative des locaux professionnels soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, leur classement en

sous-groupes et en catégories qui doivent être définis par le pouvoir réglementaire en fonction des critères déterminés par ces mêmes dispositions législatives. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à l'administration de fixer, contribuable par contribuable, l'assiette de l'impôt. Ainsi, l'incompétence négative alléguée n'affecte par elle-même, ni le principe d'égalité devant la loi, ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni le droit de propriété. Dès lors, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la fondation, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la fondation Saint Charles.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fondation Saint Charles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 7 novembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 488232
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2023, n° 488232
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488232.20231107
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