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07/11/2023 | FRANCE | N°471338

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 07 novembre 2023, 471338


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1804159, 1804162 du 18 décembre 2020, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt n

21DA00377 du 15 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1804159, 1804162 du 18 décembre 2020, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt n° 21DA00377 du 15 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre ce jugement en tant qu'il leur faisait grief.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février, 15 mai et 28 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée OCAD ayant conduit à la remise en cause de la déduction des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre 2012 et 2014, d'une part, de charges enregistrées mensuellement dans un compte numéroté 62510100 et libellées " Déplac. C... ", correspondant à des remboursements de frais de déplacement professionnels versés à M. C..., associé unique et gérant de cette société, au motif que ces charges n'étaient pas assorties de justificatifs, ainsi que, d'autre part, de frais d'installation d'un pigeonnier au domicile de M. C..., M. et

Mme C... ont été assujettis, au titre des années 2012 à 2014, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales procédant de l'inclusion, dans leur revenu imposable, de ces mêmes sommes, regardées par l'administration comme un avantage occulte constitutif de revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts et imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par un jugement du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande des contribuables tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts. Par un arrêt du

15 décembre 2022 contre lequel M. et Mme C... se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement. Eu égard aux moyens qu'ils invoquent, M. et Mme C... doivent être regardés comme ne contestant cet arrêt qu'en tant qu'il rejette leurs conclusions relatives aux suppléments d'impositions et aux pénalités correspondant aux remboursements de frais de déplacement.

2. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ; / (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. / (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 ; / (...) ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 que les remboursements de frais de déplacement perçus par un gérant majoritaire de société à responsabilité limitée constituent, en principe, même en l'absence de justificatifs, un élément de sa rémunération imposable, en application de l'article 62 du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations allouées aux gérants majoritaires de société à responsabilité limitée, sauf si l'administration établit que les sommes correspondantes n'ont pas fait l'objet d'une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés au personnel ou que leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif. Dans chacun de ces deux derniers cas, ces sommes sont imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement, respectivement, des c et d de l'article 111 du même code.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Douai a jugé que les remboursements de frais de déplacement perçus par

M. C..., associé unique et gérant de la société à responsabilité limitée OCAD, ne pouvaient pas être regardés comme un élément de sa rémunération imposable aux motifs, d'une part, que leur caractère professionnel n'était pas justifié et, d'autre part, qu'ils avaient été comptabilisés en une seule écriture globale mensuelle dans le compte n° 62510100 en méconnaissance des dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts aux termes desquelles la nature et la valeur des avantages en nature accordés au personnel doivent être inscrits en comptabilité, sous une forme explicite.

5. Or, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'absence de justification du caractère professionnel de remboursements de frais de déplacement n'était pas à elle seule de nature à écarter la qualification d'élément de la rémunération imposable de M. C.... En outre, de tels remboursements ne constituaient pas des avantages en nature au sens des dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts. Par suite, en jugeant, pour ces motifs, que les sommes en litige présentaient le caractère d'un avantage occulte au sens et pour l'application du c de l'article 111 du code général des impôts et étaient ainsi imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, alors qu'elle avait relevé par ailleurs que les frais de déplacement en litige avaient été inscrits dans la comptabilité de la société OCAD et qu'elle n'avait pas fait état de ce que l'administration aurait établi que ces remboursements portaient la rémunération de M. C... à un niveau excessif, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, que M. et Mme C... sont fondés à demander, dans la mesure précisée au point 1, l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 15 décembre 2022 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions relatives au remboursement des frais de déplacement de M. C....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. et Mme C... au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... et B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 7 novembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 471338
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2023, n° 471338
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471338.20231107
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