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07/11/2023 | FRANCE | N°468432

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 07 novembre 2023, 468432


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'annuler la décision du 13 décembre 2017 par laquelle le directeur des territoires, de l'alimentation et de la mer lui a refusé le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre des conséquences de son accident de service du 12 juillet 1991 et d'enjoindre à ce même directeur de lui accorder cette allocation sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle fixée à 35 %. Par un jugement n° 1800013 du 24 novembre 2020, ce tribunal a annulé cette décisi

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Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'annuler la décision du 13 décembre 2017 par laquelle le directeur des territoires, de l'alimentation et de la mer lui a refusé le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité au titre des conséquences de son accident de service du 12 juillet 1991 et d'enjoindre à ce même directeur de lui accorder cette allocation sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle fixée à 35 %. Par un jugement n° 1800013 du 24 novembre 2020, ce tribunal a annulé cette décision et a enjoint au directeur des territoires, de l'alimentation et de la mer de réexaminer la demande de M. A....

Par une ordonnance n° 21BX00619 du 24 octobre 2022, enregistrée le 25 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 16 février 2021 au greffe de cette cour, formé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires contre le jugement du 24 novembre 2020.

Par ce pourvoi, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;

- le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., commandant de port au sein de la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, a été victime, le 12 juillet 1991, d'un accident de plongée reconnu imputable au service en 2008. Un nouvel examen médical, réalisé le 14 septembre 2015 à la demande de l'administration, a conclu à un taux d'incapacité permanente partielle de 35 %. Par un avis du 19 novembre 2015, la commission de réforme a retenu ce taux et a émis un avis favorable à la prise en charge de l'appareillage auditif de M. A.... Par un courrier en date du 14 décembre 2015, M. A... a demandé à l'administration le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité. Par un jugement du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a annulé la décision du 13 décembre 2017 refusant à M. A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité et enjoint à ce qu'il soit procédé au réexamen de sa demande. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre ce jugement.

2. En application des dispositions du 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur une demande dont elle est saisie vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours ". Il résulte de ces dispositions qu'un requérant n'est pas recevable à contester une décision expresse confirmative d'une décision de rejet devenue définitive.

3. L'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, disposait que " l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux (...) ". Il en résultait que lorsqu'une personne s'était vu tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes alors en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification. Le décret du 2 novembre 2016 a supprimé le 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative à compter du

1er janvier 2017 et a prévu que les nouvelles dispositions de cet article s'appliqueraient aux requêtes enregistrées à partir de cette date. Il en résulte que, s'agissant des décisions implicites relevant du plein contentieux, la nouvelle règle selon laquelle, sauf dispositions législatives ou réglementaires qui leur seraient propres, le délai de recours de deux mois court à compter de la date à laquelle elles sont nées, est applicable aux décisions nées à compter du 1er janvier 2017. En ce qui concerne les décisions implicites relevant du plein contentieux nées antérieurement à cette date, un délai franc de recours de deux mois court à compter du 1er janvier 2017, soit jusqu'au 2 mars 2017.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande d'allocation temporaire d'invalidité de M. A..., reçue par l'administration le 15 décembre 2015 a fait naître, du fait du silence gardé par l'administration, une décision implicite de rejet le

15 février 2016, soit antérieurement au 1er janvier 2017. Il résulte des dispositions citées au

point 3 que le délai de recours contre cette décision expirait le 2 mars 2017. Dans ces conditions, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif le 25 mai 2018, à la suite du rejet implicite de son recours gracieux présenté par lettre du 5 février 2018, et tendant à l'annulation de la décision expresse de rejet qui lui a été notifiée par lettre du 13 décembre 2017 du directeur des territoires, de l'alimentation et de la mer, laquelle n'a qu'un caractère confirmatif de la décision implicite de rejet antérieure, était irrecevable. Par conséquent, en jugeant recevables les conclusions de M. A..., sans d'ailleurs répondre à la fin de non-recevoir opposée par le ministre devant lui, le tribunal a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

6. Aucune question ne restant à juger, il n'y a lieu, dès lors, ni de statuer sur le pourvoi incident de M. A..., ni de statuer au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, ni de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 24 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de M. A....

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 7 novembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 468432
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2023, n° 468432
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468432.20231107
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