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26/10/2023 | FRANCE | N°467616

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 467616


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Val-de-Marne a autorisé la société Axa Banque à le licencier pour motif disciplinaire. Par un jugement n° 1808534 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA04944 du 18 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement ainsi que la décision de l'inspecteur du travail

du 14 août 2018.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enr...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Val-de-Marne a autorisé la société Axa Banque à le licencier pour motif disciplinaire. Par un jugement n° 1808534 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA04944 du 18 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement ainsi que la décision de l'inspecteur du travail du 14 août 2018.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 septembre et 16 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Axa Banque demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Axa Banque et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2023 présentée par M. A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 septembre 2023 présentée par la société Axa Banque ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 14 août 2018, l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Val-de-Marne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France a autorisé la société Axa Banque à licencier M. B... A... pour motif disciplinaire. Par un jugement du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision. La société Axa Banque se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 juillet 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement ainsi que la décision de l'inspecteur du travail du 14 août 2018.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute d'un salarié protégé, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance, d'une part, de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, et, d'autre part, de l'ensemble des éléments déterminants que l'inspecteur du travail a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation, sans que la circonstance que le salarié soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse, dans l'un ou l'autre cas, exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courriel du 23 juillet 2018, produit en première instance, le 18 mai 2021, par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, l'inspecteur du travail a informé M. A... de ce qu'il avait recueilli les témoignages des personnes nommément citées dans le rapport d'enquête interne annexé à la demande de l'employeur et que ces pièces étaient tenues à sa disposition. Il ressort en outre d'un autre courriel de l'inspecteur du travail du 2 août 2021, produit en appel par M. A..., qu'un entretien a eu lieu entre l'inspecteur du travail et M. A... le 1er août 2018, postérieurement aux derniers courriels que la société Axa Banque a adressés à l'inspecteur du travail, à la suite duquel M. A... a demandé communication des pièces qu'il souhaitait plus précisément consulter. Par suite, en jugeant que les pièces du dossier, notamment celles produites par l'administration, ne permettaient pas d'établir que M. A... avait été mis à même de prendre connaissance des témoignages susceptibles de constituer des éléments déterminants recueillis par l'inspecteur du travail et que, par suite, M. A... avait été privé de la garantie que constitue pour le salarié protégé le caractère contradictoire de l'enquête préalable de l'inspecteur du travail, la cour a dénaturé les pièces du dossier.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de son prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Axa Banque est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Axa Banque au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Axa Banque qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions de la société Axa Banque et de M. A... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Axa Banque et à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 467616
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2023, n° 467616
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467616.20231026
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