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26/10/2023 | FRANCE | N°457493

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 457493


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le numéro 457493, par une ordonnance n° 2004603 du 14 octobre 2021, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif d'Orléans a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. C... B....



Par cette requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2020 et 7 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif d'Orléans et par d

eux nouveaux mémoires et un mémoire non communiqué, enregistrés les 2 mai et 17 mai 2022 ...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 457493, par une ordonnance n° 2004603 du 14 octobre 2021, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif d'Orléans a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. C... B....

Par cette requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2020 et 7 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif d'Orléans et par deux nouveaux mémoires et un mémoire non communiqué, enregistrés les 2 mai et 17 mai 2022 et le 10 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le président de l'université d'Orléans l'a suspendu, à titre conservatoire et pendant une durée d'un an, de ses fonctions d'enseignement et de recherche ainsi que de l'exercice de son mandat de membre du conseil d'administration de cette université et lui a interdit d'accéder aux locaux de l'université tant que les mesures prises par l'autorité judiciaire ne permettent pas un rétablissement dans ses fonctions ;

2°) de mettre à la charge de l'université d'Orléans la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 463221, par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril et 10 mai 2022 et le 11 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 octobre 2021 par lequel le président de l'université d'Orléans a prolongé la mesure de suspension de ses activités d'enseignement et de recherche et de son mandat au conseil d'administration ainsi que l'interdiction d'accéder aux locaux de cette université jusqu'à ce que les mesures prises par l'autorité judiciaire permettent un rétablissement de ses fonctions ;

2°) d'annuler la décision de rejet de son recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au président de l'université d'Orléans de le réintégrer dans ses fonctions d'enseignement et de recherche, dans l'exercice de son mandat de membre du conseil d'administration, de le rétablir dans ses droits pécuniaires, et de prendre toute mesure de nature à rétablir son libre accès aux locaux de l'université, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement ". Aux termes de l'article R. 712-8 du même code : " En cas de désordre ou de menace de désordre dans les enceintes et locaux définis à l'article R. 712-1, l'autorité responsable désignée à cet article en informe immédiatement le recteur chancelier. / Dans les cas mentionnés au premier alinéa : / 1° La même autorité peut interdire à toute personne et, notamment, à des membres du personnel et à des usagers de l'établissement ou des autres services ou organismes qui y sont installés l'accès de ces enceintes et locaux. / Cette interdiction ne peut être décidée pour une durée supérieure à trente jours. Toutefois, au cas où des poursuites disciplinaires ou judiciaires seraient engagées, elle peut être prolongée jusqu'à la décision définitive de la juridiction saisie ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., professeur des universités affecté à l'université d'Orléans, a été mis en examen des chefs de détournement de fonds publics, de faux et d'usage de faux et d'abus de confiance en lien avec son activité professionnelle à l'université d'Orléans et au sein de l'Institut de prévention et de recherche sur l'ostéoporose et placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du 30 septembre 2020 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans, qui lui a fait interdiction de se livrer à toute activité de gestion, de direction ou d'administration au sein de l'université d'Orléans. M. B... a été élu au conseil d'administration de cette université le 6 octobre 2020. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le président de l'université d'Orléans l'a suspendu à titre conservatoire et pendant une durée d'un an de ses fonctions d'enseignement et de recherche ainsi que de son mandat de membre du conseil d'administration de cette université et lui a interdit d'accéder aux locaux de l'université, sans privation de traitement. Par un arrêté du 13 octobre 2021, le président de l'université d'Orléans a reconduit ces décisions " tant que les mesures prises par l'autorité judiciaire ne permettent pas un rétablissement dans ses fonctions ". Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par une seule décision, M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêtés du 22 octobre 2020 et de l'arrêté 13 octobre 2021 ainsi que de la décision du président de l'université rejetant son recours gracieux contre ce second arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 octobre 2020 :

3. En premier lieu, d'une part, l'article L. 951-3 du code de l'éducation autorise le ministre chargé de l'enseignement supérieur à déléguer aux présidents des universités tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement et de gestion des personnels relevant de son autorité. En application de ces dispositions, l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche prévoit que " Les présidents et les directeurs des établissements publics d'enseignement supérieur dont la liste est fixée à l'article 3 du présent arrêté reçoivent délégation des pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour le recrutement et la gestion des personnels enseignants mentionnés à l'article 1er du présent arrêté en ce qui concerne : (...) 24. La suspension ". D'autre part, l'article L. 712-2 du code de l'éducation dispose que le président de l'université assure la direction de celle-ci, précise les compétences qu'il exerce à ce titre et lui permet, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué, de déléguer sa signature aux vice-présidents du conseil d'administration, l'article L. 712-3 du même code autorisant en outre le conseil d'administration de l'établissement à déléguer certaines de ses attributions au président de l'université.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 30 novembre 2018, le président de l'université d'Orléans a donné délégation à M. Eric Blond, vice-président de l'université, à l'effet de signer l'ensemble des actes relatifs à la direction de l'établissement pris sur le fondement de l'article L. 712-2 du code de l'éducation ou au titre des pouvoirs délégués par le conseil d'administration conformément à l'article L.712-3 du même code. Cet arrêté n'autorisait pas le vice-président de l'université à signer, au nom du président de l'université, les actes par lesquels ce dernier agit au titre de la délégation de pouvoir reçue du ministre chargé de l'enseignement supérieur par l'arrêté du 10 février 2012. Par suite, l'arrêté du 22 octobre 2020 signé par M. A... au nom du président de l'université l'a été par une autorité incompétente en tant qu'il prononce la suspension de M. B... de ses fonctions d'enseignement et de recherche sur le fondement de l'article L. 951-4 du code de l'éducation.

5. En deuxième lieu, le président de l'université ne tenait ni de l'article L. 951-4 du code de l'éducation ni d'aucune autre disposition le pouvoir suspendre le mandat de membre du conseil d'administration de l'université d'un enseignant-chercheur.

6. En troisième lieu, si l'université d'Orléans invoque l'existence de tensions dans le contexte des élections universitaires se déroulant au sein de l'établissement en octobre 2020, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait à la date de l'arrêté litigieux une situation " de désordre ou de menace de désordre dans les enceintes et locaux définis à l'article R. 712-1 ", de nature à justifier l'interdiction faite à M. B... d'accéder aux locaux de l'université sur le fondement des dispositions, citées au point 1, de l'article R. 712-8 du code de l'éducation.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 octobre 2020, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête.

Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 octobre 2021 et de la décision de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté :

8. Il résulte des dispositions citées au point 1 de l'article L. 951-4 du code de l'éducation que la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur ne peut être prononcée, sur le fondement de ces dispositions, pour un temps qui excède un an, quand bien même l'intéressé fait l'objet de poursuites disciplinaires ou de poursuites pénales. Par suite, en prolongeant la mesure de suspension prise à l'égard de M. B... au-delà du délai d'un an, le président de l'université d'Orléans, qui a agi à ce titre par délégation du ministre chargé de l'enseignement supérieur, a méconnu les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation. Pour ce motif, et pour les mêmes que ceux énoncés aux points 5 et 6, M. B... est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 octobre 2021 et, par suite, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés des 22 octobre 2020 et 13 octobre 2021 n'implique pour elle-même aucune mesure d'exécution. Ainsi, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Les arrêtés des 22 octobre 2020 et 13 octobre 2021 du président de l'université d'Orléans et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre l'arrêté du 13 octobre 2021 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. B... et de l'université d'Orléans présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., à l'université d'Orléans et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 457493
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2023, n° 457493
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:457493.20231026
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