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23/10/2023 | FRANCE | N°468925

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 23 octobre 2023, 468925


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 16 septembre 2022 rapportant le décret du 20 septembre 2019 le naturalisant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêt

es,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les concl...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 16 septembre 2022 rapportant le décret du 20 septembre 2019 le naturalisant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Soltner, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes des dispositions de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant malien, a déposé une demande de naturalisation auprès de la sous-préfecture de Saint-Denis le 25 mai 2018, en indiquant être célibataire et sans enfant, et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale. Au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 20 septembre 2019, publié au Journal officiel de la République française du 22 septembre 2019. Toutefois, par bordereau du ministre de l'Europe et des affaires étrangères du 18 septembre 2020, reçu le 22 septembre 2020, le ministre chargé des naturalisations a été informé de ce que M. B... avait sollicité la transcription sur les registres de l'état-civil français de son enfant, C... B..., né le 18 octobre 2012 à Bamako (Mali), résidant habituellement au Mali. Par décret du 16 septembre 2022, publié au Journal officiel de la République française du 20 septembre 2022, la Première ministre a rapporté le décret du 20 septembre 2019 prononçant la naturalisation de M. B... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifié conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que, contrairement à ce qui est soutenu, celui-ci a été signé par la Première ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur et des outre-mer. En outre le moyen tiré de ce que le décret ne comporterait pas tous les visas nécessaires n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. En deuxième lieu, le délai de deux ans impartis par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation a commencé à courir à compter de la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations. Si le requérant soutient que l'administration avait connaissance de l'existence de son enfant au plus tard au 28 juillet 2020, il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés des éléments relatifs à l'existence de l'enfant de l'intéressé, transmis par bordereau du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, que le 22 septembre 2020. Dans ces conditions, le décret attaqué, qui a été signé le 16 septembre 2022, a été pris avant l'expiration du délai de deux ans prévus par les dispositions de l'article 27-2 du code civil.

5. En dernier lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le père de C... B..., né le 18 octobre 2012 à Bamako (Mali) et résidant habituellement à l'étranger. La naissance de cet enfant, antérieure à sa naturalisation, aurait dû être portée à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme il s'y était engagé lors du dépôt de sa demande. L'intéressé, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort du compte rendu de l'entretien d'assimilation du 18 juillet 2018, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée. Si M. B... soutient avoir, lors de cet entretien, donné une copie de l'acte de naissance de son fils, il ne l'établit pas, le compte rendu de cet entretien n'en faisant nulle mention, pas plus que de l'existence de cet enfant. La circonstance qu'il a lui-même informé le ministre de l'intérieur, postérieurement à l'intervention du décret lui accordant la nationalité française, de son omission de déclarer l'existence de son enfant, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation du caractère frauduleux des déclarations faites en vue d'obtenir la nationalité française. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la Première ministre, qui a suffisamment motivé son décret et s'est livrée à un examen particulier de la situation de l'intéressé, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 16 septembre 2022 par lequel la Première ministre a rapporté le décret du 20 septembre 2019 le naturalisant.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 468925
Date de la décision : 23/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2023, n° 468925
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468925.20231023
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