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23/10/2023 | FRANCE | N°460596

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 23 octobre 2023, 460596


Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à la protection subsidiaire dont il bénéficiait et de lui maintenir le bénéfice de cette protection.

Par une décision n° 21002809 du 8 octobre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 19 avril 2022 au

secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA a demandé au Conseil d'Etat :
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Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à la protection subsidiaire dont il bénéficiait et de lui maintenir le bénéfice de cette protection.

Par une décision n° 21002809 du 8 octobre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 janvier et 19 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA a demandé au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire à la CNDA.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... B..., ressortissant soudanais, s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 mars 2019. Par une décision du 30 novembre 2020, l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à cette protection. Par une décision du 8 octobre 2021, contre laquelle l'Office se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et maintenu à l'intéressé le bénéfice de la protection subsidiaire.

2. Aux termes du 3° de l'article L. 712-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu le 3° de l'article L. 512-3 du même code, l'OFPRA met fin à tout moment au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque son bénéficiaire doit, à raison de faits commis après l'octroi de celle-ci, en être exclu pour l'un des motifs prévus à l'article L. 712-2 de ce code, devenu l'article L. 512-2. Au nombre de ces motifs d'exclusion figurent, au b) et au d) de l'article L. 712-2, devenus les 2° et 4° de l'article L. 512-2, les cas dans lesquels il existe des raisons sérieuses de penser, respectivement, que l'intéressé a commis un crime grave ou que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, quelques mois après avoir obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, M. A... B... a agressé au couteau des gendarmes et pompiers dont l'intervention avait été requise par les membres de l'association en charge de son hébergement afin de procéder à son expulsion compte tenu de son comportement agressif et des menaces proférées à l'encontre des autres personnes hébergées. Pour ces faits, il a été condamné par jugement définitif du tribunal correctionnel de Lorient du 23 juillet 2019 à une peine de deux ans de prison ferme et à une interdiction définitive du territoire français pour violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité, violence sur une personne chargée de mission de service public sans incapacité, violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité supérieure à huit jours, violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'une incapacité supérieure à huit jours.

4. Pour juger que les faits pour lesquels M. A... B... a été condamné ne pouvaient être qualifiés de crime grave au sens du 4° de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la Cour a retenu que le juge pénal ne l'avait pas condamné à la peine maximale encourue, que l'intéressé avait intégralement effectué sa peine d'emprisonnement, que les faits avaient été commis dans le contexte de l'expulsion de son hébergement, qu'il était " vraisemblablement sous l'effet de médicaments " lors de leur commission et qu'il n'avait pas prémédité son acte. En statuant ainsi malgré la gravité particulière des faits commis sur des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et alors que les faits incriminés ont justifié une condamnation lourde au regard du casier judiciaire alors vierge de l'intéressé, que celui-ci n'avait pas été reconnu pénalement irresponsable par le tribunal correctionnel et que la circonstance qu'il ait entièrement purgé sa peine est sans incidence sur la qualification de " crime grave ", la Cour nationale du droit d'asile a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile qu'outre les faits mentionnés au point 3, M. A... B... avait adopté un comportement agressif et menaçant envers les autres occupants de la structure qui l'hébergeait ayant justifié que l'association gestionnaire requiert le concours de la force publique pour l'expulser de son logement puis envers les agents pénitentiaires de l'établissement où il purgeait sa peine de prison qu'il a menacés puis attaqués avec une arme blanche. Il ressort en outre des éléments soumis à la Cour, notamment du rapport établi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, que l'intéressé souffre d'une instabilité psychologique et fait montre d'un profil violent et inquiétant ayant d'ailleurs justifié son transfert en unité hospitalière spécialement aménagée pendant quelques mois. Ce même rapport fait état d'un risque de passage à l'acte violent en cas de rupture de soins.

6. Pour juger que le comportement de M. A... B... ne constituait pas une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat au sens du 4° de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la Cour a retenu que l'intéressé n'était pas en pleine capacité de mesurer la portée exacte de ses actes, bien qu'aucune cause d'irresponsabilité pénale n'ait été retenue par le juge pénal, que le suivi thérapeutique mis en place en détention avait permis une amélioration de son comportement et qu'aucun incident n'avait été rapporté depuis sa sortie de prison. En se prononçant ainsi malgré la nature, la gravité, le caractère récent des faits rappelés au point précédent et alors que le risque de passage à l'acte violent avait été relevé et que rien ne permettait de considérer que M. A... B..., qui avait déjà interrompu son traitement par le passé, bénéficiait effectivement, en sus de son suivi administratif et social, d'un suivi psychiatrique régulier et d'un traitement efficace à la date à laquelle elle a statué, la Cour nationale du droit d'asile a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Les conclusions de M. A... B... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 8 octobre 2021de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. C... A... B....


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 460596
Date de la décision : 23/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2023, n° 460596
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460596.20231023
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