Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 456736, la société Compagnie Minière Montagne d'Or a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 219 (C03/48), dite " Elysée ", pour une durée de vingt-cinq ans. Par un jugement n° 1900403 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif a annulé cette décision et a enjoint à l'Etat de prolonger cette concession minière, dans un délai de six mois à compter de la notification de son jugement.
Par un arrêt n° 21BX00294, 21BX00716 du 16 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement.
Par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 septembre 2021, 21 mars 2022 et 19 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
II. Sous le n° 456738, la société Compagnie Minière Montagne d'Or a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 215 (C02/46), dite " Montagne d'Or ", pour une durée de vingt-cinq ans. Par un jugement n° 1900297 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif a annulé cette décision et a enjoint à l'Etat de prolonger cette concession minière, dans un délai de six mois à compter de la notification de son jugement.
Par un arrêt n° 21BX00295, 21BX00715 du 16 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre ce jugement.
Par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 septembre 2021, 21 mars 2022 et 19 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code minier ;
- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 ;
- la décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022 du Conseil constitutionnel ;
- la décision du 9 juin 2023 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Compagnie Minière Montagne d'Or ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Compagnie Minière Montagne d'Or et à la SAS Hannotin avocats, avocat de France Nature Environnement ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois présentés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
L'association France Nature Environnement justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation des arrêts attaqués. Par suite, son intervention est recevable.
3. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par arrêtés du 21 mai 1946 et du 14 juin 1948 du préfet de la Guyane française, les concessions de mine d'or n° 215 et n° 219 ont été instituées pour une durée illimitée et attribuées à la société d'Etudes et d'Exploitation Minières de l'Inini. Par décrets du 27 décembre 1995 a été autorisée la cession de ces concessions de mine d'or à la SARL société de travaux publics et de mines aurifères en Guyane, devenue depuis la SAS Compagnie Minière Montagne d'Or. Par courriers des 12 et 20 décembre 2016, la société Compagnie Minière Montagne d'Or a sollicité la prolongation de chacune de ces deux concessions minières pour une période de vingt-cinq ans. La société Compagnie Minière Montagne d'Or a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'économie et des finances a implicitement rejeté ses demandes. Par deux jugements du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a annulé ces décisions et enjoint à l'Etat de prolonger les concessions minières n° 215 et n° 219. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre les arrêts du 16 juillet 2021 par lesquels la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les appels qu'il a formés contre ces jugements.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction applicable aux décisions litigieuses : " Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expirent le 31 décembre 2018. La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre ". D'autre part, en vertu de l'article L. 161-1 de ce code, les travaux de recherches ou d'exploitation minière " doivent respecter (...) les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, (...) à la conservation (...) de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (...), à la conservation des intérêts de l'archéologie (...) ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation " et doivent, en outre, " assurer la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine ".
5. Par sa décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, relatives à la prolongation de plein droit des concessions en cause. Il a relevé, pour ce faire, en premier lieu, que celles-ci ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l'exploitation du gisement au 31 décembre 2018, en deuxième lieu, que la décision de prolongation d'une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers et, au regard de son objet et de ses effets, est ainsi susceptible de porter atteinte à l'environnement, en troisième lieu, qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l'administration prenne en compte les conséquences environnementales de la prolongation d'une concession minière avant de se prononcer sur la demande qui lui était adressée, enfin, qu'est indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l'occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession.
6. En faisant application d'un régime que cette décision a jugé contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment en relevant qu'il n'y avait lieu de prendre en considération l'impact sur l'environnement des travaux d'exploitation projetés sur le périmètre de la concession que dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de travaux, distincte de l'autorisation de prolongation de la concession, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation des arrêts de la cour administrative d'appel de Bordeaux qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'association France Nature Environnement est admise.
Article 2 : Les arrêts du 16 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulés.
Article 3 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 4 : Les conclusions de la société Compagnie Minière Montagne d'Or présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance, à la société Compagnie Minière Montagne d'Or et à l'association France Nature Environnement.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 septembre 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 19 octobre2023.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Moreau
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas