Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 475657, M. B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet du Var lui a retiré sa carte professionnelle d'exploitation de taxi pour une durée de huit ans.
Par une ordonnance n° 2301659 du 19 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 20 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 475660, Mme D... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet du Var lui a retiré sa carte professionnelle d'exploitation de taxi pour une durée de huit ans.
Par une ordonnance n° 2301760 du 19 juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 20 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. C... et de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions et donnent lieu à une même question prioritaire de constitutionnalité. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes de l'article L. 3124-11 du code des transports : " En cas de violation de la réglementation applicable à la profession par le conducteur d'un véhicule de transport public particulier de personnes, l'autorité administrative peut lui donner un avertissement ou procéder au retrait temporaire ou définitif de sa carte professionnelle ".
4. Les requérants soutiennent que, faute de prévoir une durée maximale pour la peine de retrait temporaire de la carte professionnelle de conducteur de taxi, ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et sont entachées d'incompétence négative.
5. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ".
6. Si le retrait de la carte professionnelle prévu par l'article L. 3124-11 du code des transports, qui a pour objet de sanctionner la violation de la réglementation applicable à la profession par le conducteur d'un véhicule de transport public particulier de personnes, constitue une sanction ayant le caractère d'une punition, il ressort des termes mêmes de cet article que la peine de retrait temporaire de la carte professionnelle s'inscrit dans une échelle de sanctions, dont la peine la plus élevée est le retrait définitif de cette carte impliquant, pour la personne sanctionnée, l'interdiction définitive d'exercer. Dans ces conditions, le législateur pouvait, sans méconnaître sa compétence ni le principe de légalité des délits et des peines, ne pas fixer de limite à la durée de la peine de retrait temporaire de la carte professionnelle.
7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel.
Sur les pourvois :
8. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
9. Pour demander l'annulation des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Toulon qu'ils attaquent, les requérants soutiennent qu'elles sont entachées :
- d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elles relèvent que les moyens tirés de l'irrégularité de la convocation et de la composition de la commission locale des transports publics particuliers de personnes ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des sanctions qui leur ont été infligées ;
- d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elles retiennent que le caractère disproportionné de ces sanctions n'est pas non plus de nature à créer un doute sérieux.
10. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission des pourvois.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C... et Mme A....
Article 2 : Les pourvois de M. C... et de Mme A... ne sont pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à Mme D... A....
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2023 où siégeaient : Mme Suzanne von Coester, assesseure, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 octobre 2023.
La présidente :
Signé : Mme Suzanne von Coester
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo