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13/10/2023 | FRANCE | N°474868

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 13 octobre 2023, 474868


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel le préfet de Mayotte a retiré sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par une ordonnance n° 2301737 du 20 avril 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a fait droit

cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregis...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel le préfet de Mayotte a retiré sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par une ordonnance n° 2301737 du 20 avril 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 22 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 octobre 2023, présentée par Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis à la juge des référés du tribunal administratif de Mayotte que, par un arrêté du 19 janvier 2023, le préfet de Mayotte a, d'une part, retiré la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " de Mme A..., de nationalité comorienne et, d'autre part, prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par une ordonnance du 20 avril 2023, contre laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation, la juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a prononcé la suspension de l'exécution de cet arrêté. Le pourvoi du ministre doit être regardé comme dirigé contre les articles 1er à 4 de cette ordonnance, qui seuls lui font grief.

Sur le pourvoi :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ". D'autre part, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles (...) et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".

4. Il ressort des énonciations non contestées de l'ordonnance attaquée que l'attestation d'hébergement, produite par Mme A... à l'appui de sa demande de titre de séjour, émane d'une personne ayant fait l'objet d'une condamnation pénale du tribunal judiciaire de Mamoudzou pour avoir établi au moins cent trente fausses attestations au profit de ses compatriotes. La juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a suspendu l'exécution de la décision de retrait du titre de séjour qui avait été délivré à Mme A... prise par le préfet de Mayotte au motif qu'il n'était pas établi que cette attestation, dont elle a pourtant relevé le caractère apocryphe, aurait déterminé le préfet à délivrer ce titre. En se fondant sur cette circonstance, alors qu'une pièce justificative de domicile, qui est au nombre des pièces à fournir par le demandeur pour la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour aux termes des dispositions de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'a d'ailleurs relevé la juge des référés, constitue, sauf impossibilité dûment justifiée pour l'étranger de la produire, l'un des éléments permettant au préfet d'apprécier la stabilité de ses liens avec la France et ses conditions d'existence pour l'application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus, la juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation des articles 1er à 4 de l'ordonnance attaquée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

7. D'une part, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation à avoir estimé que la présence en France de Mme A... ne constituait pas une menace pour l'ordre public, de l'absence de fraude, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne sont pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision de retrait de titre de séjour.

8. D'autre part, Mme A... n'établit pas que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans préjudicierait de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation, dès lors qu'il ressort des termes mêmes de l'article 3 de l'arrêté préfectoral contesté qu'elle a été invitée, et non obligée, à quitter le territoire français, une telle invitation n'étant que la conséquence nécessaire de la décision de retrait de titre de séjour qui lui a été opposée, et que Mme A... n'allègue pas avoir déféré à cette invitation. Par suite, la condition d'urgence n'étant pas remplie, l'intéressée n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

9. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme A... devant la juge des référés du tribunal administratif de Mayotte doit être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 4 de l'ordonnance du 20 avril 2023 de la juge des référés du tribunal administratif de Mayotte sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... A....

Copie en sera adressée à la Défenseure des droits.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 474868
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2023, n° 474868
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:474868.20231013
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