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10/10/2023 | FRANCE | N°460751

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 10 octobre 2023, 460751


Vu la procédure suivante :

Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions de la caisse d'allocations familiales de l'Isère lui demandant le remboursement d'un indu de 5 374 euros d'aide personnalisée au logement (APL), d'un indu de 1 173,78 euros de prime d'activité, d'un indu de 16 205,01 euros de revenu de solidarité active (RSA) et d'un indu de 701,26 euros de primes exceptionnelles de fin d'année 2015 et 2016 et de la décharger du paiement des sommes ainsi réclamées. Par un jugement n° 1803560, 1803561, 1803562 et 180

3563 du 1er juin 2021, le tribunal administratif a constaté que la...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions de la caisse d'allocations familiales de l'Isère lui demandant le remboursement d'un indu de 5 374 euros d'aide personnalisée au logement (APL), d'un indu de 1 173,78 euros de prime d'activité, d'un indu de 16 205,01 euros de revenu de solidarité active (RSA) et d'un indu de 701,26 euros de primes exceptionnelles de fin d'année 2015 et 2016 et de la décharger du paiement des sommes ainsi réclamées. Par un jugement n° 1803560, 1803561, 1803562 et 1803563 du 1er juin 2021, le tribunal administratif a constaté que la caisse d'allocations familiales avait déchargé Mme B... de l'indu d'aide personnalisée au logement, l'a déchargée du paiement de l'indu de prime d'activité et a rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 janvier et 25 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses demandes relatives à l'indu de revenu de solidarité active et à l'indu de primes exceptionnelles de fin d'année ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, du département de l'Isère et de la caisse d'allocations familiales de l'Isère la somme de 4 000 euros à verser à son avocat, la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le décret n° 2015-1870 du 30 décembre 2015 ;

- le décret n° 2016-1945 du 28 décembre 2016 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Mme B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat du département de l'Isère.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations du jugement attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'un contrôle de sa situation par la caisse d'allocations familiales de l'Isère, Mme B..., épouse C..., s'est vu réclamer le remboursement d'indus d'aide personnalisée au logement, de prime d'activité, de revenu de solidarité active et de primes exceptionnelles de fin d'année 2015 et 2016. Par le jugement contesté du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a constaté que l'administration avait fait droit aux demandes de Mme B... concernant l'indu d'aide personnalisée au logement, l'a déchargée de l'obligation de payer la somme mise à sa charge au titre d'un indu de prime d'activité et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Mme B... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions relatives à l'indu de revenu de solidarité active et de primes exceptionnelles de fin d'année.

2. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration ordonne la récupération d'un indu de revenu de solidarité active ou d'aide exceptionnelle de fin d'année, il appartient au juge administratif d'apprécier, au regard de l'argumentation du requérant, le cas échéant de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d'ordre public, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d'indu. En application des articles R. 772-5 à R. 772-10 du code de justice administrative, qui portent dispositions particulières applicables à la présentation, à l'instruction et au jugement des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, et notamment de l'article R. 772-8 qui fait obligation à l'administration de communiquer au juge, dès notification de la requête, l'ensemble du dossier constitué pour l'instruction de la demande d'allocation ou pour le calcul de l'indu, le juge ne peut régulièrement rejeter les conclusions dont il est saisi, pour un motif sur lequel son contenu peut avoir une incidence, s'il ne dispose pas des éléments pertinents de ce dossier, sauf à avoir invité le requérant à produire les pièces précises, également en sa possession, qui sont nécessaires à l'examen de ses droits. En revanche, ni ces dispositions, ni le droit à un procès équitable, ne font obligation au juge, lorsque le défendeur a communiqué au tribunal l'ensemble des éléments pertinents du dossier constitué pour l'instruction de la demande ou pour le calcul de l'indu et que ces éléments ont été soumis au débat contradictoire, de diligenter une mesure supplémentaire d'instruction ou d'inviter le demandeur à produire les pièces qui seraient nécessaires pour établir le bien-fondé d'allégations insuffisamment étayées.

3. D'une part, il ressort des pièces soumises au tribunal administratif que Mme B... a contesté, dès l'introduction de sa requête, tant l'existence que le montant de l'indu de revenu de solidarité active, fixé alors à 18 446,33 euros, que lui avait réclamé le 19 octobre 2017 la caisse d'allocations familiales de l'Isère, pour le compte du département, au motif qu'un contrôle de ses comptes bancaires avait permis de constater qu'elle avait omis, depuis 2014, de déclarer certaines ressources de son foyer, composé d'elle-même, son époux et leurs enfants. Si le département a, à la suite de la communication de la requête, fourni diverses pièces et notamment un tableau, établi le 16 juillet 2018, récapitulant mois par mois, pour la période de mars 2014 à mai 2017 le montant des ressources retenues et celui des droits en résultant qu'il a comparés aux sommes perçues, il n'a à aucun moment explicité le mode de calcul de ces droits mensuels, alors que la requérante soutenait de façon étayée, pour plusieurs des mois en cause, qu'alors même que les ressources seraient celles retenues par l'administration, ses droits au revenu de solidarité active seraient supérieurs à ceux calculés par cette dernière. En outre, si l'administration a admis, par décision du 7 mai 2021, qu'une importante indemnité perçue en janvier 2014 avait été incluse à tort dans le calcul des ressources du foyer et qu'elle a diminué en conséquence le montant de l'indu de revenu de solidarité active pour le fixer alors à 16 205,01 euros au total, cette décision ne s'est accompagnée d'aucune production nouvelle explicitant le calcul de cette somme. Dans ces conditions, alors que la requérante avait constamment soutenu qu'elle ne pourrait contester utilement la décision administrative qui lui était opposée qu'à condition de connaitre les modalités du calcul de l'indu par l'administration, le premier juge a méconnu son office en rejetant sa requête sans avoir mis en demeure l'administration de produire les éléments pertinents permettant d'établir précisément le motif et le montant de l'indu.

4. D'autre part, il résulte des dispositions des décrets du 30 décembre 2015 et du 28 décembre 2016 portant attribution, respectivement au titre de l'année 2015 et de l'année 2016, d'une aide exceptionnelle de fin d'année à certains allocataires du revenu de solidarité active et aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de la prime forfaitaire pour reprise d'activité et de l'allocation équivalent retraite, que la prime exceptionnelle de fin d'année qu'ils instituent est attribuée par l'Etat aux allocataires du revenu de solidarité active qui ont droit au versement de cette allocation au titre des mois de novembre, ou à défaut décembre, de chacune de ces deux années. Il ressort des termes-mêmes du jugement contesté que pour rejeter la contestation de Mme B... relative à la prime exceptionnelle de fin d'année, le tribunal administratif s'est fondé sur le tableau du 16 juillet 2018 cité au point 3 qui ne faisait apparaitre aucun droit au revenu de solidarité active pour les mois de novembre et décembre 2015 et 2016. Il est constant que ce tableau ne permettait pas de déterminer comment avaient été calculés les droits du foyer pour les mois en cause et que le calcul exposé par la requérante fait apparaitre un droit à revenu de solidarité active au moins en novembre et décembre 2015. Dans ces circonstances, Mme B... est fondée à soutenir que le premier juge a également commis une erreur de droit en rejetant sa requête relative aux primes exceptionnelles de fin d'année sans avoir mis en demeure l'administration de produire les éléments de calcul pertinents permettant d'établir qu'aucune allocation n'était due au titre du revenu de solidarité active durant ces quatre mois.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, en tant qu'il rejette ses conclusions relatives à l'indu de revenu de solidarité active et à l'indu de primes exceptionnelles de fin d'année 2015 et 2016.

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Si ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la caisse d'allocations familiales de l'Isère, qui n'est pas partie à la procédure, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de l'Isère et de l'Etat une somme de 1500 euros, chacun, à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er juin 2021 est annulé en tant qu'il rejette les demandes de Mme B... relatives à l'indu de revenu de solidarité active et à l'indu de primes exceptionnelles de fin d'année 2015 et 2016.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, devant le tribunal administratif de Grenoble.

Article 3 : Le département de l'Isère et l'Etat verseront, chacun, à la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme B..., une somme de 1500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., épouse C..., au département de l'Isère et à la ministre des solidarités et des familles.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 septembre 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 10 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Sylvie Pellissier

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 460751
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2023, n° 460751
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sylvie Pellissier
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460751.20231010
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