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06/10/2023 | FRANCE | N°464750

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 06 octobre 2023, 464750


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision du 21 août 2020 par laquelle la Ville de Paris a rejeté son recours gracieux du 16 juillet 2020 contre la décision du 19 mai 2020 par laquelle elle a confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales de Paris des 13 et 14 novembre 2019 mettant à sa charge des indus de revenu de solidarité active pour le mois de juin 2018 et pour la période de mai à septembre 2019, d'autre part, la décision implicite par laquelle cette même ca

isse a rejeté son recours administratif préalable du 24 août 2020 à...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision du 21 août 2020 par laquelle la Ville de Paris a rejeté son recours gracieux du 16 juillet 2020 contre la décision du 19 mai 2020 par laquelle elle a confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales de Paris des 13 et 14 novembre 2019 mettant à sa charge des indus de revenu de solidarité active pour le mois de juin 2018 et pour la période de mai à septembre 2019, d'autre part, la décision implicite par laquelle cette même caisse a rejeté son recours administratif préalable du 24 août 2020 à l'encontre de la décision du 16 juin 2020 de récupération d'un indu d'allocation personnalisée au logement pour la période de juin 2016 à décembre 2017, en deuxième lieu de la décharger des sommes en litige et d'enjoindre à la caisse d'allocations familiales de Paris, d'une part, d'interrompre les retenues sur prestations, dans un délai de trois jours, d'autre part, de verser les sommes retenues dans un délai de quinze jours, sous astreinte, et de lui rembourser la somme de 62 879,66 euros au titre des différents indus, en dernier lieu, de condamner la Ville de Paris et la caisse d'allocations familiales de Paris à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 2017431 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions litigieuses, déchargé Mme A... du paiement des sommes correspondant au remboursement des indus de revenu de solidarité active et de l'indu d'aide personnalisée au logement, enjoint à la caisse d'allocations familiales de Paris de lui rembourser les sommes déjà prélevées au titre du remboursement de ces indus dans un délai de deux mois et condamné la Ville de Paris et la caisse d'allocations familiales de Paris à lui verser, solidairement, une somme de 2 000 euros au titre des préjudices subis.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il lui fait grief ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter dans cette mesure les conclusions de la demande de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris, et à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle, la caisse d'allocations familiales de Paris a constaté que Mme A... n'avait pas déclaré les revenus qu'elle percevait au titre des parts qu'elle et sa fille détenaient au sein d'une société civile immobilière. La caisse d'allocations familiales de Paris, après avoir réintégré ces sommes dans les ressources de Mme A... prises en compte pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active, a mis à sa charge, par deux décisions des 13 et 14 novembre 2019, deux indus de revenu de solidarité active, l'un au titre du mois de juin 2018 et l'autre au titre de la période de mai à septembre 2019. Ces indus ont été confirmés par une décision du 19 mai 2020 de la maire de Paris. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 août 2020 par laquelle la maire de Paris a rejeté son recours gracieux contre la décision du 19 mai 2020, de la décharger des indus de revenu de solidarité active, d'enjoindre à la Ville de Paris de lui rembourser les sommes retenues au titre de ces indus et de condamner la caisse d'allocations familiales et la Ville de Paris à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices subis. Par un jugement du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a fait droit à ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction et a condamné la Ville de Paris et la caisse d'allocations familiales de Paris à lui verser, solidairement, une somme de 2 000 euros au titre des préjudices subis. La Ville de Paris se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il lui fait grief.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur la contestation par Mme A... des indus de revenu de solidarité active mis à sa charge :

2. L'article R. 421-5 du code de justice administrative prévoit que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article L. 412-4 du code des relations entre le public et l'administration, figurant au sein du chapitre de ce code relatif aux recours administratifs préalables obligatoires : " La présentation d'un recours gracieux ou hiérarchique ne conserve pas le délai imparti pour exercer le recours administratif préalable obligatoire non plus que le délai de recours contentieux " et aux termes de l'article L. 412-7 du même code : " La décision prise à la suite d'un recours administratif préalable obligatoire se substitue à la décision initiale ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 19 mai 2020, la Ville de Paris, saisie de trois courriers de Mme A... du 28 novembre 2019, du 3 décembre 2019 et du 18 février 2020 contestant la prise en compte dans le calcul de ses droits au revenu de solidarité active de ses revenus liés à ses parts détenues dans une société civile immobilière et demandant le rétablissement de ses droits au revenu de solidarité active à compter du mois de février 2017, a réexaminé les trois décisions d'indus de revenu de solidarité active dont Mme A... était redevable, en retirant une décision du 20 février 2019 demandant le remboursement d'un indu au titre de la période de novembre 2015 à mars 2017 et en confirmant en revanche les demandes de remboursement des 13 et 14 novembre 2019, respectivement au titre du mois de juin 2018 et des mois de mai à septembre 2019. Cette décision du 19 mai 2020, qui s'est substituée à celles des 13 et 14 novembre 2019 en application des dispositions de l'article L. 412-7 du code des relations entre le public et l'administration et portait mention des voies et délais de recours, en indiquant qu'elle pouvait être contestée devant le tribunal administratif de Paris dans un délai de deux mois à compter de sa réception, a été régulièrement notifiée à Mme A... le 10 juin 2020.

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que le recours gracieux exercé à l'encontre de la décision du 19 mai 2020 n'était pas de nature à conserver le délai de recours contentieux. Par suite, en jugeant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions dirigées par Mme A... contre les indus maintenus à sa charge par cette décision, enregistrées au tribunal administratif de Paris le 21 octobre 2020, que la décision du 21 août 2020 de la Ville de Paris rejetant le recours gracieux de Mme A... n'était pas confirmative de celle du 19 mai 2020, qu'elle s'y était substituée et avait conservé le délai de recours contentieux, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires dirigées par Mme A... contre la Ville de Paris :

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si Mme A... a présenté devant le tribunal administratif des conclusions indemnitaires dirigées contre la Ville de Paris, elle ne peut être regardée comme ayant formé préalablement une demande en ce sens devant elle. Par suite, la Ville de Paris est fondée à soutenir qu'en faisant droit à ces conclusions, qui étaient irrecevables, le tribunal administratif, qui a en outre omis de se prononcer sur la fin de non-recevoir qui était opposée à ce titre par la Ville de Paris, a méconnu son office et commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la Ville de Paris est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A... portant sur les indus de revenu de solidarité active et sur ses conclusions indemnitaires dirigées contre la Ville de Paris et met à la charge de cette dernière des frais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la Ville de Paris est fondée à soutenir que les conclusions de Mme A... portant sur les indus de revenu de solidarité active sont irrecevables comme tardives et que ses conclusions indemnitaires dirigées à son encontre sont irrecevables faute qu'elle ait été préalablement saisie d'une demande en ce sens. Ces conclusions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, de même que celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A... portant sur les indus de revenu de solidarité active et sur ses conclusions indemnitaires dirigées contre la Ville de Paris et met à la charge de cette dernière des frais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... présentées devant le tribunal administratif de Paris portant sur les indus de revenu de solidarité active, ses conclusions indemnitaires dirigées contre la Ville de Paris devant le même tribunal et celles, présentées tant en première instance qu'en cassation, tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Ville de Paris et à Mme B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 7 septembre 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 6 octobre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 464750
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 oct. 2023, n° 464750
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464750.20231006
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