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04/10/2023 | FRANCE | N°461138

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 04 octobre 2023, 461138


Vu les procédures suivantes :



I. La société civile immobilière (SCI) Immo Toulouse a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle le directeur de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Midi-Pyrénées a implicitement refusé de retirer sa décision d'inscrire au répertoire des entreprises cinq sociétés de droit étranger à l'adresse d'un local dont elle est propriétaire à Aucamville (Haute-Garonne). Par une ordonnance n° 2104148 du 18 octobre 2021, le prési

dent de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demand...

Vu les procédures suivantes :

I. La société civile immobilière (SCI) Immo Toulouse a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle le directeur de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Midi-Pyrénées a implicitement refusé de retirer sa décision d'inscrire au répertoire des entreprises cinq sociétés de droit étranger à l'adresse d'un local dont elle est propriétaire à Aucamville (Haute-Garonne). Par une ordonnance n° 2104148 du 18 octobre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Par une ordonnance n° 21BX04226 du 7 décembre 2021, la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel formé par la SCI Immo Toulouse, a annulé cette ordonnance et, statuant par la voie de l'évocation, a rejeté sa demande.

Sous le n° 461138, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 4 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la

SCI Immo Toulouse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

II. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle le directeur de l'URSSAF Midi-Pyrénées a implicitement refusé de retirer sa décision d'inscrire au répertoire des entreprises sept sociétés de droit étranger à l'adresse d'un local dont il est propriétaire à Mazamet (Tarn). Par une ordonnance n° 2104147 du 18 octobre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Par une ordonnance n° 21BX04227 du 7 décembre 2021, la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de M. B..., a annulé cette ordonnance et, statuant par la voie de l'évocation, a rejeté sa demande.

Sous le n° 461139, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 4 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Immo Toulouse et de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les deux pourvois présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la SCI Immo Toulouse et M. B... ont chacun demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le refus implicite du directeur de l'URSSAF Midi-Pyrénées de retirer ses décisions d'inscrire au répertoire des entreprises plusieurs sociétés de droit étranger à l'adresse des bâtiments dont la SCI et M. B... sont, chacun, propriétaires et qu'ils donnent en location par bail commercial, respectivement, à la société Transports Logistique Internationale Groupage Affrètement et à la société Trans Inter Sud-Ouest de Fret. Par deux ordonnances du 18 octobre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Ils se pourvoient en cassation contre les deux ordonnances du 7 décembre 2021 par lesquelles la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur leur appel, annulé les ordonnances du 18 octobre 2021 mais, statuant par la voie de l'évocation, rejeté leurs demandes.

3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance :

/ (...) / 2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative / (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. / Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. Ils peuvent, de même, annuler une ordonnance prise en application des 1° à 5° et 7° du présent article à condition de régler l'affaire au fond par application des 1° à 7° ".

4. Il résulte des dispositions du dernier alinéa de cet article R. 222-1 que les magistrats des cours administratives d'appel qu'elles mentionnent ne peuvent, par ordonnance, annuler une ordonnance prise en première instance en application des 1° à 5° et 7° du même article et, réglant l'affaire au fond par application du même 7°, rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif qu'après l'expiration du délai d'appel contre l'ordonnance de première instance ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé devant la cour, après la production de ce mémoire.

5. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les deux ordonnances par lesquelles le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté leurs demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ont été notifiées à la SCI Immo Toulouse et à M. B... par le greffe de ce tribunal le 21 octobre 2021. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en annulant ces ordonnances puis, statuant par la voie de l'évocation, en rejetant les demandes de la SCI Immo Toulouse et de M. B... par application du 7° du même article, par des ordonnances rendues dès le 7 décembre 2021, date à laquelle le délai d'appel contre les ordonnances de première instance n'était pas expiré, la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a statué irrégulièrement. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, la SCI Immo Toulouse et de M. B... sont fondés à demander l'annulation des ordonnances qu'ils attaquent.

6. L'Etat n'étant pas partie dans les présents litiges, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les ordonnances n° 21BX04226 et n° 21BX04227 du 7 décembre 2021 de la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulées.

Article 2 : Les deux affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le surplus des conclusions des pourvois est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Immo Toulouse, à M. A... B... et à l'URSSAF Midi-Pyrénées.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 septembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 4 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461138
Date de la décision : 04/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-01 Il résulte du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative (CJA) que les magistrats des cours administratives d’appel (CAA) qu’il mentionne ne peuvent annuler une ordonnance prise en première instance en application des 1° à 5° et 7° du même article et, réglant l’affaire au fond par application du même 7°, rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif (TA) qu’après l’expiration du délai d’appel contre l’ordonnance de première instance ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé devant la cour, après la production de ce mémoire.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-26.709, inédite au Bulletin.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2023, n° 461138
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461138.20231004
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