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02/10/2023 | FRANCE | N°467531

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 02 octobre 2023, 467531


Vu la procédure suivante :

L'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 février 2018 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bourgogne Franche-Comté relative à la liste des organisations syndicales pouvant désigner un membre au sein des observatoires départementaux d'analyse et d'appui au dialogue social de la région en tant qu'elle autorise l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) à dési

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Vu la procédure suivante :

L'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 février 2018 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bourgogne Franche-Comté relative à la liste des organisations syndicales pouvant désigner un membre au sein des observatoires départementaux d'analyse et d'appui au dialogue social de la région en tant qu'elle autorise l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) à désigner un représentant au sein de l'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la Haute-Saône. Par un jugement n°s 1800616, 1800617, 1800618 du 25 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18NC02603 du 9 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté cette demande et annulé la décision du 9 février 2018 en tant qu'elle autorise l'UNSA à désigner un représentant au sein de l'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la Haute-Saône.

Par une décision n° 443858 du 19 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la même cour.

Par un nouvel arrêt n° 21NC03100 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 25 juillet 2018 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté la demande de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône et annulé la décision du 9 février 2018 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bourgogne Franche-Comté en tant qu'elle autorise l'UNSA à désigner un représentant au sein de l'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la Haute-Saône.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 septembre et 2 décembre 2022 et le 3 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'UNSA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Union nationale des syndicats autonomes et à Maître Haas, avocat de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2234-4 du code du travail : " Un observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation est institué au niveau départemental par décision de l'autorité administrative compétente. Il favorise et encourage le développement du dialogue social et la négociation collective au sein des entreprises de moins de cinquante salariés du département ". Aux termes de l'article L. 2234-5 de ce code : " L'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation est composé : / 1° De membres, salariés et employeurs ayant leur activité dans la région, désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département et par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel et multiprofessionnel. Chaque organisation répondant à ces critères dispose d'un siège au sein de l'observatoire (...) ". Aux termes de l'article R. 2234-1 du même code : " L'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation est composé au plus de treize membres : / - jusqu'à six membres représentants des salariés ; / - jusqu'à six membres représentants des employeurs. / (...) ". Aux termes de l'article R. 2234-2 du même code : " Le directeur régional des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi, sur proposition du responsable de l'unité départementale, publie tous les quatre ans la liste des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau départemental et interprofessionnel. "

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 février 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bourgogne Franche-Comté a dressé la liste des organisations syndicales pouvant désigner un représentant au sein des observatoires départementaux d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la région. S'agissant, en particulier, de l'observatoire départemental de la Haute-Saône, il a autorisé à désigner un représentant la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) et la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Par un jugement du 25 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle autorise l'UNSA à désigner un représentant au sein de l'observatoire de ce département. Par une décision du 19 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 9 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy avait annulé ce jugement et la décision du directeur régional du 9 février 2018 en tant qu'elle autorise l'UNSA à désigner un représentant au sein de l'observatoire départemental de la Haute-Saône. L'UNSA se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 juillet 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé le jugement du 25 juillet 2018 et la décision du 9 février 2018 dans la même mesure.

3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que seules les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département peuvent, dans la limite de six organisations par département, désigner un membre pour siéger au sein de l'observatoire départemental d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation. Il revient à l'autorité administrative compétente, chargée de dresser la liste des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau départemental et interprofessionnel, de prendre en considération à cette fin l'ensemble des critères de représentativité mentionnés à l'article L. 2121-1 du code du travail, c'est-à-dire le respect des valeurs républicaines, l'indépendance, la transparence financière, l'ancienneté dans le champ professionnel et géographique concerné, l'audience, l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, et, enfin, les effectifs d'adhérents et les cotisations. Il résulte en outre des dispositions citées au point 1 que le législateur a entendu que la représentativité des organisations syndicales de salariés s'apprécie au niveau départemental et interprofessionnel, sans exiger qu'elles justifient d'une influence particulière au sein des entreprises de moins de cinquante salariés. Par suite, en se fondant, pour juger que l'UNSA ne pouvait en l'espèce être regardée comme représentative, sur l'absence de justification par cette organisation syndicale de l'influence qu'elle exerçait dans le département de la Haute-Saône auprès des entreprises de moins de cinquante salariés, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que l'UNSA est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire. " Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

6. Il ressort des pièces du dossier que si l'UNSA n'a obtenu que 2,82 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles de 2017 dans le département de la Haute-Saône, cette audience, pour peu élevée qu'elle soit, n'exclut pas par elle-même qu'elle puisse être regardée comme représentative, les différents seuils d'audience auxquels le 5° de l'article L. 2121-1 du code du travail se réfère selon les niveaux de négociation n'étant pas applicables pour la composition des observatoires d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation et l'ensemble des critères de représentativité mentionnés à l'article L. 2121-1 du code du travail devant être pris en considération. A ce titre, il ressort des pièces du dossier, sans que les autres critères soient débattus, que l'UNSA dispose, pour son union départementale, d'effectifs d'adhérents notables et que, si ses effectifs et son activité se déploient principalement dans la fonction publique, elle dispose également de syndicats affiliés actifs dans d'autres secteurs, notamment le secteur ferroviaire et le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, par l'intermédiaire desquels elle a participé à la négociation et à la signature de plusieurs accords d'entreprise, tant avant que, d'ailleurs, après la décision attaquée. Dans ces conditions, le directeur régional du travail de la région Bourgogne Franche-Comté n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 2234-5 du code du travail en retenant, au vu de l'ensemble des critères devant être pris en considération, lesquels n'incluent pas l'influence au sein des entreprises de moins de cinquante salariés du département ou l'expérience dans le dialogue social au niveau national, que l'UNSA satisfaisait à la condition de représentativité posée pour désigner un représentant au sein de l'observatoire départemental d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation de la Haute-Saône, sans qu'il ressorte des pièces du dossier qu'il se serait fondé sur la seule circonstance que l'audience de l'UNSA la place au nombre des six premières organisations syndicales de salariés du département.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, qui n'est par ailleurs entaché d'aucun défaut de réponse à moyen.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'UNSA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône une somme à verser à l'UNSA au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : La requête présentée par l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des syndicats autonomes et à l'Union départementale CGT-FO de la Haute-Saône.

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 septembre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Jean-Dominique Langlais, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat ; Mme Anne Redondo, maître des requêtes et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 2 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467531
Date de la décision : 02/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 TRAVAIL ET EMPLOI. - SYNDICATS. - REPRÉSENTATIVITÉ. - OBSERVATOIRES DÉPARTEMENTAUX D’ANALYSE ET D’APPUI AU DIALOGUE SOCIAL ET À LA NÉGOCIATION POUR LES ENTREPRISES DE MOINS DE 50 SALARIÉS – ORGANISATIONS SYNDICALES DE SALARIÉS Y SIÉGEANT – APPRÉCIATION DE LEUR REPRÉSENTATIVITÉ AU NIVEAU DÉPARTEMENTAL ET INTERPROFESSIONNEL – 1) CRITÈRES MENTIONNÉS À L’ARTICLE L. 2121-1 DU CODE DU TRAVAIL – 2) INCIDENCE DE L’INFLUENCE AUPRÈS DES ENTREPRISES DE MOINS DE 50 SALARIÉS – ABSENCE.

66-05-01 1) Il résulte des articles L. 2224-4, L. 2234-5, R. 2234-1 et R. 2234-2 du code du travail que seules les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département peuvent, dans la limite de six organisations par département, désigner un membre pour siéger au sein d’un observatoire départemental d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation. Il revient à l’autorité administrative compétente, chargée de dresser la liste des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département et interprofessionnel, de prendre en considération à cette fin l’ensemble des critères de représentativité mentionnés à l’article L. 2121-1 du code du travail, c’est-à-dire le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, l’ancienneté dans le champ professionnel et géographique concerné, l’audience, l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience, et, enfin, les effectifs d’adhérents et les cotisations. ...2) Il résulte en outre des mêmes dispositions que le législateur a entendu que la représentativité des organisations syndicales de salariés s’apprécie au niveau interprofessionnel et du département et n’a pas prévu qu’elles doivent justifier d’une influence auprès des entreprises de moins de cinquante salariés.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 oct. 2023, n° 467531
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467531.20231002
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