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22/08/2023 | FRANCE | N°453110

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 22 août 2023, 453110


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mai 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'établissement public industriel et commercial Société Nationale des Chemins de fer français Mobilités (SNCF Mobilités), a annulé la décision de l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 13-04 de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône

du 5 novembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé ce...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mai 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'établissement public industriel et commercial Société Nationale des Chemins de fer français Mobilités (SNCF Mobilités), a annulé la décision de l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 13-04 de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône du 5 novembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé ce licenciement. Par un jugement n° 1605799 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 19MA04147 du 31 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de SNCF Mobilités, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 mai et 31 août 2021 et le 28 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de SNCF Mobilités ;

3°) de mettre à la charge de SNCF Mobilités la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 50-637 du 1er juin 1950 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... et à la SCP Spinosi, avocat de SNCF Mobilités ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été recruté en 1997 par la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF) en qualité de cadre permanent. Il occupait en dernier lieu le poste d'agent technique matériel principal au sein de l'unité d'affectation de maintenance de Marseille-Blancarde de l'établissement " Technicentre-Provence-Alpes-Côte-d'Azur ". Il est titulaire d'un mandat de délégué syndical depuis le 25 mars 2014 et a été réélu membre du comité d'hygiène et de sécurité des conditions au travail (CHSTC) le 3 juillet 2014. Par une décision du 5 novembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licencier M. B... pour faute, sollicitée par l'établissement public industriel et commercial SNCF Mobilités. Sur recours de cet établissement, le ministre du travail, par décision du 3 mai 2016, après avoir retiré sa décision implicite née le 10 avril 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. B.... Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement du 2 juillet 2019, annulé cette décision du 3 mai 2016. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mars 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de SNCF Mobilités, annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juillet 2019.

2. De première part, en vertu de l'article L. 2111-1 du code du travail, les dispositions du livre Ier de la deuxième partie de ce code, relatif aux syndicats professionnels, telles celles relatives au délégué syndical, ainsi que, par suite, celles de son livre IV de la même partie, notamment relatives à leur protection, s'appliquaient, à la date de la décision attaquée, au personnel des entreprises publiques soumises à un statut règlementaire, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel.

3. De deuxième part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. De troisième part, le statut régissant les relations collectives entre la SNCF et son personnel RH00001 prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, au paragraphe 1 de l'article 3 du chapitre 9 intitulé "Garanties disciplinaires et sanctions" que " L'échelle des sanctions pouvant être décidée à l'encontre des agents commissionnés et les autorités habilitées à les prononcer sont les suivantes : 1) avertissement / 2) blâme sans inscription / 3) blâme avec inscription / 4) mise à pied de 1 jour ouvré avec sursis (...) / 6) mise à pied de 6 à 12 jours ouvrés (...) 10) radiation des cadres (...) ". Aux termes du paragraphe 4 de l'article 4 du chapitre 9 du même document : " Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement de poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction ".

5. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée, compte tenu de la violation de la règle statutaire suivant laquelle le formulaire de demande de sanction ne permet de faire état, concernant les sanctions antérieures, que des sanctions de mise à pied avec sursis ou des sanctions plus graves, la cour, après avoir constaté, après une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la rubrique n° 4 de l'imprimé 0702 relative aux sanctions antérieures mentionnait, en l'espèce, deux blâmes infligés à M. B... en 2003 et 2013, a relevé que, d'une part, la radiation des cadres de M. B... a été décidée après un vote partagé du conseil de discipline, la moitié des votants s'étant prononcée en faveur d'une mise à pied disciplinaire de quinze jours sans rémunération, accompagnée d'un changement d'affectation et que, d'autre part, M. B... a été mis à même de présenter ses observations à l'occasion du conseil de discipline du 16 juillet 2015. En se fondant sur de telles circonstances pour écarter ce moyen, alors que les circonstances ainsi relevées sont sans incidence sur le respect de ces dispositions, citées au point précédent, du statut régissant les relations collectives entre la SNCF et son personnel, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'erreur de droit. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de SNCF Voyageurs, venant aux droit de SNCF Mobilités, une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 31 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative de Marseille.

Article 3 : SNCF Voyageurs versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par SNCF Voyageurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société SNCF Voyageurs et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 453110
Date de la décision : 22/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 aoû. 2023, n° 453110
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Fraval
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP SPINOSI ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:453110.20230822
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