La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/08/2023 | FRANCE | N°439718

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 22 août 2023, 439718


Vu la procédure suivante :

La société ajaccienne des grands magasins, la société PMV, la SARL Chocoshop, la SARL Guerrieri Bernard Joseph, l'EURL Cardellina, la SARL Ebana, la SARL Optique Raillard, la société La Brasserie du Fino, la société PR-Optique et la société Impérial Distribution ont demandé, par deux requêtes distinctes, à la cour administrative d'appel de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 30 juin 2016 par lequel le maire de Sarrola-Carcopino a délivré à la société Corsica Commercial Center, d'une part, un permis de construire en t

ant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale pour une surface de p...

Vu la procédure suivante :

La société ajaccienne des grands magasins, la société PMV, la SARL Chocoshop, la SARL Guerrieri Bernard Joseph, l'EURL Cardellina, la SARL Ebana, la SARL Optique Raillard, la société La Brasserie du Fino, la société PR-Optique et la société Impérial Distribution ont demandé, par deux requêtes distinctes, à la cour administrative d'appel de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 30 juin 2016 par lequel le maire de Sarrola-Carcopino a délivré à la société Corsica Commercial Center, d'une part, un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale pour une surface de plancher de 58 m², d'autre part, un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale pour une surface de plancher de 1 172 m². Par un arrêt nos 16MA03458 - 16MA03459 du 20 janvier 2020, la cour administrative d'appel a rejeté leurs requêtes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 23 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ajaccienne des grands magasins et la société Impérial Distribution demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs requêtes ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Sarrola-Carcopino, de l'Etat et de la société Corsica Commercial Center la somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société ajaccienne des grands magasins et de la société Imperial Distribution et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Corsica Commercial Center ;

Vu la note en délibéré présentée par la société ajaccienne des grands magasins et la société Impérial Distribution, enregistrée le 15 juillet 2023 ;

Vu la note en délibéré présentée par la société Corsica Commercial Center, enregistrée le 19 juillet 2023 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Corsica Commercial Center, titulaire d'une autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 17 décembre 2014 portant sur la création d'un ensemble commercial de 13 863 m² de surface de vente, comprenant un hypermarché " Leclerc " pour 8 835 m² de surface de vente, une galerie marchande de 20 boutiques, pour 4 030 m² de surface de vente et une autre galerie marchande de 4 boutiques, pour 749 m² de surface de vente, situé dans la zone industrielle et artisanale de Baleone sur le territoire de la commune de Sarrola-Carcopino, a déposé le 12 novembre 2015 deux demandes tendant, d'une part, à l'extension de 2 077 m² de la surface de vente de la galerie marchande " déportée " en vue de la création d'une nouvelle galerie marchande et du remplacement du magasin " Leclerc auto " par une jardinerie et animalerie et, d'autre part, à l'extension de 5 000 m² de la surface de vente de la galerie marchande de l'hypermarché. La commission départementale d'aménagement commercial) compétente a émis un avis favorable sur ces demandes le 6 janvier 2016, de même que la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) le 12 mai 2016. Le maire de Sarrola-Carcopino a délivré le 30 juin 2016 à la société Corsica Commercial Center deux permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour ces opérations. La société ajaccienne des grands magasins et la société Impérial Distribution se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 20 janvier 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés en tant qu'ils valent autorisation d'exploitation commerciale.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article R. 732-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour se prononcer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres de la CNAC à la séance du 12 mai 2016, au cours de laquelle ont été examinés les projets en litige, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que la CNAC avait produit une attestation d'envoi dématérialisé des convocations le 27 avril 2016, ainsi qu'une copie de ces convocations mentionnant que les documents nécessaires à l'examen des dossiers seraient disponibles sur une plateforme de téléchargement au moins cinq jours avant la séance. La cour a ensuite estimé que les requérantes n'assortissaient pas leurs allégations selon lesquelles, notamment, il n'était pas démontré que les convocations ainsi envoyées avaient été effectivement reçues et que les documents nécessaires à la séance avaient été disponibles cinq jours avant la date de la séance, d'aucun élément de nature à en démontrer le bien-fondé. Elle en a déduit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 732-35 du code de commerce, relatives à la convocation des membres de la CNAC et au délai dans lequel sont mis à leur disposition les documents nécessaires à l'examen des projets, devait être écarté. En statuant ainsi, alors que la CNAC seule était en mesure d'établir la régularité de la procédure de convocation de ses membres à la séance en cause et le respect du délai de mise à disposition des documents prévus par l'article R. 732-35 du code de commerce aux membres de la commission, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer ainsi sur les requêtes n° 16MA03458 et n° 16MA03459. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.

Sur l'exception de non-lieu opposée par la société Corsica Commercial Center :

6. Si la société Corsica Commercial Center soutient qu'elle est titulaire d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré le 5 octobre 2016 ayant retiré le permis contesté du 30 juin 2016 contesté dans l'instance n° 16MA03458 et que par suite, il n'y aurait pas lieu de statuer sur la légalité de ce dernier, il ne ressort pas des pièces du dossier de l'instance afférente que le permis délivré le 5 octobre 2016 ait procédé au retrait de celui du 30 juin 2016. Elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16MA03458.

Sur la légalité des arrêtés du maire de Sarrola-Carcopino en date du 30 juin 2016 :

7. Il ressort des pièces des dossiers que si la CNAC justifie, ainsi qu'il a été dit au point 3, avoir envoyé aux membres de la CNAC, par courriel du 27 avril 2016, une convocation à la séance de cette commission du 12 mai suivant, au cours de laquelle ont été examinés les deux projets en litige, cette convocation les informant de la mise à la disposition des documents nécessaires pour l'examen de chaque dossier au moins cinq jours avant cette séance, la CNAC n'a, au cours de l'instruction contradictoire, présenté aucune argumentation, ni produit aucun élément matériel, pour répondre aux objections circonstanciées des requérantes qui faisaient valoir que ces pièces ne permettaient pas d'établir que ces convocations avaient été effectivement reçues, ni que les documents en cause avaient été réellement mis à disposition des membres de la commission et que le délai prévu par l'article R. 732-35 du code de commerce, cité au point 3, avait, en l'espèce, été respecté. Dans ces conditions, les requérantes sont fondées à soutenir que la procédure de convocation des membres de la CNAC et de mise à leur disposition préalable des dossiers inscrits à l'ordre du jour de la séance du 12 juin 2016 n'a pas été régulière. Une telle irrégularité étant susceptible d'avoir eu, en l'espèce, une influence sur le sens des avis rendus et, par conséquent, sur celui des arrêtés attaqués, elle entache d'illégalité ces arrêtés, de sorte que les requérantes, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs requêtes, sont fondées à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

8. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la société Corsica Commercial Center tendant à l'application de ces dispositions sont irrecevables.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros, d'une part, à la société ajaccienne des grands magasins, d'autre part, à la société Impérial Distribution, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu en revanche de faire droit aux conclusions présentées au même titre par ces deux sociétés à l'encontre de la commune de Sarrola-Carcopino et de la société Corsica Commercial Center. Enfin, les dispositions du même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Corsica Commercial Center.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du maire de Sarrola-Carcopino en date du 30 juin 2016 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros respectivement à la société ajaccienne des grands magasins et à la société Impérial Distribution, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société ajaccienne des grands magasins et de la société Impérial Distribution et les conclusions présentées par la société Corsica Commercial Center au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société ajaccienne des grands magasins, à la société Impérial Distribution, à la commune de Sarrola-Carcopino, à la société Corsica Commercial Center et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique.

Copie en sera adressée à la société Brasserie du Fino, à la société Guerrieri, à la société optique Raillard, à la société PR optique, à la société Cardellina et à la société PMV.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 439718
Date de la décision : 22/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 aoû. 2023, n° 439718
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:439718.20230822
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award