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11/08/2023 | FRANCE | N°465751

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 11 août 2023, 465751


Vu la procédure suivante :

La société Ferme éolienne de Moux a demandé à la cour administrative d'appel de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande d'autorisation unique en vue d'exploiter, sur le territoire de la commune de Moux, un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs. Par un arrêt n° 20TL03798 du 12 mai 2022, la cour administrative d'appel a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 11 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du

Conseil d'Etat, la société Ferme éolienne de Moux demande au Conseil d'Etat :

1°...

Vu la procédure suivante :

La société Ferme éolienne de Moux a demandé à la cour administrative d'appel de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande d'autorisation unique en vue d'exploiter, sur le territoire de la commune de Moux, un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs. Par un arrêt n° 20TL03798 du 12 mai 2022, la cour administrative d'appel a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 11 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ferme éolienne de Moux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Ferme éolienne de Moux ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté en date du 13 décembre 2017, le préfet de l'Aude a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne de Moux une autorisation unique en vue d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs d'une hauteur maximale de 125 mètres en bout de pâles et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Moux au motif, notamment, que le projet nécessitait une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par un arrêt du 12 mai 2022, contre lequel la société Ferme éolienne de Moux se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté sa requête formée contre cette décision.

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, qui transposent en droit interne l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive " Habitats ", que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

3. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que, pour apprécier le risque que le projet présente pour l'avifaune et pour les chiroptères, et, par voie de conséquence, la nécessité d'une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, les mesures de réduction ne devaient pas être prises en compte, la cour administrative d'appel de Toulouse a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

5. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Ferme éolienne de Moux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 12 mai 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Toulouse.

Article 3 : L'Etat versera à la société Ferme éolienne de Moux une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Ferme éolienne de Moux et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 11 août 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 465751
Date de la décision : 11/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 aoû. 2023, n° 465751
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465751.20230811
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