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11/08/2023 | FRANCE | N°464256

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 11 août 2023, 464256


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 mai et 24 août 2022 et le 29 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mars 2022 par laquelle le jury de l'examen d'aptitude et de classement des auditeurs de justice de la promotion 2020 de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) l'a écarté de l'accès aux fonctions judiciaires, ainsi que l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le garde

des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions d'auditeur de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 mai et 24 août 2022 et le 29 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mars 2022 par laquelle le jury de l'examen d'aptitude et de classement des auditeurs de justice de la promotion 2020 de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) l'a écarté de l'accès aux fonctions judiciaires, ainsi que l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions d'auditeur de justice de l'ENM à compter du 21 mars 2022;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B... et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Ecole nationale de la magistrature ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Un jury procède au classement des auditeurs de justice qu'il juge aptes, à la sortie de l'école, à exercer les fonctions judiciaires. Le jury assortit la déclaration d'aptitude de chaque auditeur d'une recommandation et, le cas échéant, de réserves sur les fonctions pouvant être exercées par cet auditeur, lors de sa nomination à son premier poste. (...) / Il peut écarter un auditeur de l'accès à ces fonctions ou lui imposer le renouvellement d'une année d'études. (...) ".

2. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la décision du 21 mars 2022 du jury de l'examen d'aptitude et de classement des auditeurs de justice de la promotion 2020 décidant de son inaptitude à l'exercice des fonctions judiciaires et, d'autre part, de l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a mis fin à ses fonctions d'auditeur de justice de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM).

Sur la décision du 21 mars 2022 du jury d'examen :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 45 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'École nationale de la magistrature : " La déclaration d'aptitude et la liste de classement prévues à l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée sont établies par un jury qui est ainsi composé : / 1° Un magistrat hors hiérarchie à la Cour de cassation, président ; / 2° Un directeur, chef de service ou sous-directeur au ministère de la justice ou un membre de l'inspection générale des services judiciaires, vice-président ; / 3° Un maître des requêtes au Conseil d'Etat ou un conseiller référendaire à la Cour des comptes ; / 4° Trois magistrats de l'ordre judiciaire ; / 5° Deux professeurs des universités chargés d'un enseignement de droit ; / 6° Un avocat ou un avocat honoraire. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la présidente du jury, s'étant aperçue que l'une des candidates avait été assistante de justice sous son autorité, s'est retirée du jury. L'administration s'étant trouvée dans l'impossibilité matérielle de pourvoir en temps utile à son remplacement, la circonstance que le jury s'est réuni dans une formation ne comprenant que huit des neuf membres mentionnés à l'article 45 du décret du 4 mai 1972 cité au point 3 n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à entacher d'irrégularité la décision attaquée. Cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas davantage de nature à avoir entraîné une rupture d'égalité entre candidats dès lors que ce retrait de la présidente est intervenu avant le début des épreuves. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, aucune disposition de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ou du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit que la décision par laquelle le jury de classement décide de ne pas inscrire un auditeur de justice sur la liste de classement à la sortie de l'ENM, en raison de son inaptitude aux fonctions judiciaires, doit être motivée. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux périodes de stage de M. B... se seraient déroulées dans des conditions qui ne l'auraient pas mis à même d'acquérir une expérience ni de faire la preuve de ses capacités pour l'exercice des fonctions judiciaires. Il n'en ressort pas davantage que les appréciations figurant dans les bilans des stages juridictionnels de M. B..., établis par les directeurs de ses centres de stage, et dans les rapports rédigés par les coordonnateurs régionaux de formation de l'Ecole nationale de la magistrature, qui reprenaient les observations des maîtres de stage sur ses lacunes et son insuffisante progression malgré ses efforts, seraient fondées sur des faits matériellement inexacts. Dès lors, en décidant, au vu notamment des évaluations reçues par le requérant lors de ses stages juridictionnels et des notes obtenues au cours de sa scolarité, de l'écarter de l'accès aux fonctions judiciaires après redoublement, le jury de l'examen d'aptitude et de classement des auditeurs de justice de la promotion 2020 n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du requérant dirigées contre la décision du jury d'examen doivent être rejetées.

Sur l'arrêté du 29 mars 2022 :

8. En mettant fin aux fonctions d'auditeur de justice de M. B..., le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a fait que tirer les conséquences de la décision le déclarant inapte à l'exercice de fonctions judiciaires. Ainsi qu'il vient d'être dit, la demande d'annulation de cette dernière décision doit être rejetée. Dès lors, les conclusions dirigées contre l'arrêté mettant fin aux fonctions d'auditeur de justice du requérant ne peuvent qu'être également rejetées.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Ecole nationale de la magistrature au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font, par ailleurs, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Ecole nationale de la magistrature et par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au garde des sceaux, ministre de la justice, et à l'Ecole nationale de la magistrature.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 11 août 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 464256
Date de la décision : 11/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 aoû. 2023, n° 464256
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464256.20230811
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