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26/07/2023 | FRANCE | N°473309

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 26 juillet 2023, 473309


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Vaiti Traiteur a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du maire du Tampon du 27 décembre 2022 rejetant la demande d'ouverture de son établissement recevant du public " La soucoupe volante " et, d'autre part, à titre principal d'enjoindre au maire sous astreinte de lui délivrer une autorisation provisoire d'ouverture et d'enjoindre

sous astreinte au préfet de La Réunion de faire usage des pouvoirs qu'...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Vaiti Traiteur a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du maire du Tampon du 27 décembre 2022 rejetant la demande d'ouverture de son établissement recevant du public " La soucoupe volante " et, d'autre part, à titre principal d'enjoindre au maire sous astreinte de lui délivrer une autorisation provisoire d'ouverture et d'enjoindre sous astreinte au préfet de La Réunion de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales pour assurer sans délai la délivrance effective de la demande d'autorisation provisoire d'ouverture de cet établissement en cas de carence du maire, et, à titre subsidiaire, d'enjoindre sous astreinte au préfet de La Réunion de faire usage de ces mêmes pouvoirs pour assurer le réexamen effectif de sa demande d'autorisation et de mener à bien l'instruction de cette demande par l'édiction d'une décision provisoire. Par une ordonnance n° 2300043 du 29 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du maire du Tampon du 27 décembre 2022 refusant l'ouverture de l'établissement recevant du public " La soucoupe volante " et, d'autre part, enjoint au préfet de La Réunion de procéder à un nouvel examen de la demande de la société Vaiti Traiteur aux fins de statuer sur l'autorisation qu'elle sollicite, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette ordonnance et sous réserve de changements dans les circonstances de droit ou de fait.

Par un pourvoi enregistré le 14 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cette ordonnance qui enjoint au préfet de La Réunion de procéder à un examen de la demande de la société Vaiti Traiteur aux fins de statuer sur l'autorisation sollicitée ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'enjoindre au maire du Tampon de procéder à ce nouvel examen.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la commune du Tampon.

Considérant ce qui suit :

Sur le pourvoi du ministre de l'intérieur et des outre-mer :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion que, par une décision du 27 décembre 2022, le maire du Tampon a rejeté la demande de la société Vaiti Traiteur par laquelle cette société sollicite l'autorisation de rouvrir un établissement recevant du public dénommé " La soucoupe volante " sur le territoire du Tampon, fermé par un arrêté du maire du 22 juin 2016. La société Vaiti Traiteur a demandé au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision et d'enjoindre au maire du Tampon, ou subsidiairement au préfet de La Réunion se substituant à lui, de lui délivrer une autorisation provisoire d'ouverture ou, subsidiairement, d'examiner effectivement sa demande. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer attaque l'ordonnance rendue le 29 mars 2023 par le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion en tant que, après avoir prononcé la suspension de l'exécution de la décision litigieuse, elle enjoint au préfet de La Réunion de procéder à l'examen de la demande de la SARL Vaiti Traiteur dans un délai de trois mois.

2. Aux termes de l'article L. 122-5 du code de la construction et de l'habitation : " L'ouverture d'un établissement recevant du public est subordonnée à une autorisation délivrée par l'autorité administrative (...) ". En vertu de l'article R. 122-5 du même code : " L'autorisation d'ouverture prévue à l'article L. 122-5 est délivrée au nom de l'Etat par l'autorité définie à l'article R. 122-7 (...) ". L'article R. 122-7 dispose : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 122-3 est délivrée au nom de l'Etat par : a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ; b) Le maire, dans les autres cas. "

3. Aux termes de l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales : " Dans le cas où le maire, en tant qu'agent de l'Etat, refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le représentant de l'Etat dans le département peut, après l'en avoir requis, y procéder d'office par lui-même ou par un délégué spécial. " Selon l'article R. 143-24 du code de la construction et de l'habitation : " Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles, ainsi que dans tous les cas où il n'y est pas pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives à la sécurité dans les établissements recevant du public. Ce droit n'est exercé à l'égard des établissements d'une seule commune ou à l'égard d'un seul établissement qu'après qu'une mise en demeure adressée au maire est restée sans résultat. "

4. Aux termes de l'article R. 143-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le présent chapitre fixe les dispositions destinées à assurer la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ". En vertu de l'article R. 143-38 du même code : " (...) Avant toute ouverture des établissements au public ainsi qu'avant la réouverture des établissements fermés pendant plus de dix mois, il est procédé à une visite de réception par la commission. Celle-ci propose les modifications de détail qu'elle tient pour nécessaires. (...) L'exploitant demande au maire l'autorisation d'ouverture (...). ". Selon l'article R. 143-39 du même code : " Le maire autorise l'ouverture par arrêté pris après avis de la commission. (...) ". Enfin, l'article R. 143-26 du même code énonce : " La commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité est l'organe technique d'étude, de contrôle et d'information du représentant de l'Etat dans le département et du maire. Elle assiste ces derniers dans l'application des mesures de police et de surveillance qu'ils sont appelés à prendre en vue d'assurer la protection contre l'incendie et la panique dans les établissements soumis au présent chapitre. Elle est chargée notamment : 1° D'examiner les projets de construction, d'extension, d'aménagement et de transformation des établissements, que l'exécution des projets soit ou ne soit pas subordonnée à la délivrance d'un permis de construire ; 2° De procéder aux visites de réception, prévues à l'article R. 143-38, desdits établissements et de donner son avis sur la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux d'achèvement prévue par l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme et sur la délivrance de l'autorisation d'ouverture des établissements ; (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées au point 3 que le préfet ne peut se substituer au maire agissant comme représentant de l'Etat dans l'exercice de la police des établissements recevant du public qu'après que le maire a refusé ou négligé de prendre un acte prescrit par la loi et qu'une mise en demeure qu'il lui a adressée est restée sans résultat.

6. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que, pour enjoindre au préfet de La Réunion de procéder à l'examen de la demande de réouverture de l'établissement " La soucoupe volante " sans qu'il soit besoin pour celui-ci de mettre en demeure le maire du Tampon, le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que, dans les conditions très particulières de l'espèce, la gestion du dossier de la société Vaiti Traiteur par le maire du Tampon devait être regardée comme équivalente à une défaillance du maire. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 5 que, nonobstant ces éléments, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit en enjoignant au préfet de La Réunion, sans avoir constaté que le maire aurait refusé ou négligé de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi ou d'exécuter une décision de justice nonobstant une mise en demeure préalable reçue du préfet, d'examiner la demande de la société Vaiti Traiteur et de se substituer au maire pour y répondre.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance attaquée.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire dans cette mesure au titre de la procédure de référé.

9. Il ressort de l'article 1er, devenu définitif, de l'ordonnance attaquée que l'exécution de la décision litigieuse du maire du Tampon est suspendue, le moyen tiré d'un détournement de procédure étant regardé comme de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. Il suit de là qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au maire du Tampon de procéder à un nouvel examen de la demande d'autorisation et de se prononcer sur la demande de la SARL Vaiti Traiteur en faisant usage de ses pouvoirs de police spéciale des établissements recevant du public et en tirant les conséquences de l'avis favorable à la réouverture de l'établissement émis par la commission consultative départementale de la sécurité et de l'accessibilité.

Sur les conclusions de la commune du Tampon :

10. Ainsi qu'il ressort de l'article de l'article R. 122-5 du code de la construction et de l'habitation cité au point 2 ci-dessus, l'autorisation d'ouverture d'un établissement recevant du public est instruite et délivrée par le maire au nom de l'Etat. Par suite, la commune du Tampon, qui n'était donc pas partie à l'instance devant le juge des référés du tribunal administratif, n'est pas recevable à se pourvoir en cassation contre l'ordonnance du 29 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion.

11. Il résulte de ce qui précède que, si la commune du Tampon a été invitée à présenter devant le Conseil d'Etat des observations pour l'examen du pourvoi du ministre de l'intérieur et des outre-mer, ses conclusions ne peuvent en revanche qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 29 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la commune du Tampon sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint au maire du Tampon de procéder à un nouvel examen de la demande déposée par la SARL Vaiti Traiteur en faisant usage de ses pouvoirs de police spéciale des établissements recevant du public et en tirant les conséquences de l'avis favorable émis par la commission consultative départementale de la sécurité et de l'accessibilité le 8 novembre 2022.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la commune du Tampon et à la société Vaiti Traiteur.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 26 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 473309
Date de la décision : 26/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2023, n° 473309
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:473309.20230726
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