La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2023 | FRANCE | N°458579

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 18 juillet 2023, 458579


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 juin 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et tendant à l'annulation de l'arrêt n° 19VE04061 du 19 octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à la demande de la société anonyme (SA) Bricolage investissement France tendant à la restitution d'une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos

en 2012, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Uni...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 juin 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et tendant à l'annulation de l'arrêt n° 19VE04061 du 19 octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à la demande de la société anonyme (SA) Bricolage investissement France tendant à la restitution d'une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2012, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante :

" L'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'oppose-t-il à une législation d'un Etat membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la quote-part de frais et charges réintégrée à raison des dividendes perçus par elle de sociétés résidentes parties à l'intégration ainsi que, pour tenir compte de l'arrêt du 2 septembre 2015 Groupe Steria SCA (C-386/14), à raison de dividendes perçus de filiales établies dans un autre Etat membre qui, si elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles, sur option, au régime d'intégration mais qui refuse le bénéfice de cette neutralisation à une société mère résidente qui, en dépit de l'existence de liens capitalistiques avec d'autres entités résidentes permettant la constitution d'un groupe fiscal intégré, n'a pas opté pour son appartenance à un tel groupe, à raison tant des dividendes qui lui sont distribués par ses filiales résidentes que de ceux provenant de filiales établies d'autres Etats membres satisfaisant aux critères d'éligibilité autres que la résidence ' "

Par un arrêt n° C-407/22 et C-408/22 du 11 mai 2023, la Cour de justice s'est prononcée sur cette question.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt C-407/22 et 408/22 du 11 mai 2023 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Bricolage investissement France ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision avant dire droit du 14 juin 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a sursis à statuer sur le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à l'annulation de l'arrêt du 19 octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à la demande de la société anonyme (SA) Bricolage investissement France tendant à la restitution d'une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2012, jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne ait statué à titre préjudiciel sur la question qu'il lui a renvoyée.

2. Par un arrêt du 11 mai 2023, Manitou BF SA et Bricolage Investissement France SA (C-407/22 et C-408/22), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un Etat membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la quote-part de frais et charges réintégrée à raison des dividendes perçus par elle de sociétés résidentes parties à l'intégration ainsi qu'à raison de dividendes perçus de filiales établies dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles, sur option, au régime d'intégration mais qui refuse le bénéfice de cette neutralisation à une société mère résidente qui, en dépit de l'existence de liens capitalistiques avec d'autres entités résidentes permettant la constitution d'un groupe fiscal intégré, n'a pas opté pour son appartenance à un tel groupe, à raison tant des dividendes qui lui sont distribués par ses filiales résidentes que de ceux provenant de filiales établies dans d'autres Etats membres satisfaisant aux critères d'éligibilité autres que la résidence.

3. Il en résulte que les dispositions du I de l'article 223 B du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au litige, sont incompatibles avec l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en tant qu'elles ne prévoient pas la possibilité, pour une société mère, de neutraliser la quote-part de frais et charges réintégrée à raison des produits de participations en provenance de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France satisfaisant aux critères d'éligibilité au régime d'intégration fiscale lorsque cette société mère, en dépit de l'existence de liens capitalistiques avec d'autres sociétés françaises permettant la constitution d'un groupe fiscal intégré, n'appartient pas à un tel groupe.

4. Le ministre n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la société Bricolage Investissement France était fondée à soutenir, à l'appui de sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, que l'article 223 B du code général des impôts méconnaissait la liberté d'établissement en tant qu'il ne prévoyait pas la possibilité de neutraliser la quote-part de frais et charges réintégrée à raison des produits de participations en provenance de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France satisfaisant aux critères d'éligibilité au régime d'intégration fiscale, y compris dans l'hypothèse où cette société mère, en dépit de l'existence de liens capitalistiques avec d'autres sociétés françaises permettant la constitution d'un groupe fiscal intégré, n'appartenait pas à un tel groupe.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Bricolage Investissement France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Bricolage Investissement France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société anonyme Bricolage Investissement France.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 18 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Sébastien Ferrari

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 458579
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2023, n° 458579
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Ferrari
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:458579.20230718
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award