Vu la procédure suivante :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis du 18 décembre 2017 lui infligeant la sanction disciplinaire de la révocation, d'enjoindre à cette autorité de prononcer sa réintégration avec reconstitution de carrière et de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis à l'indemniser du préjudice financier correspondant à la perte de ses salaires et primes depuis sa révocation et à lui verser une somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral, qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 1801451 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19VE01760 du 1er avril 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de M. D..., annulé ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation, annulé la décision du 18 décembre 2017 du président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis en enjoignant à ce dernier de réintégrer M. D..., avec effet au 19 décembre 2017, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. D....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin et 2 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France, venant aux droits de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ;
- l'arrêté signé le 11 juillet 2017 par le président de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat portant désignation des membres de la commission paritaire nationale (CPN 56) des chambres de métiers et de l'artisanat ;
- l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 27 septembre 2017 portant nomination à la commission paritaire du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat créée en application de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. B... D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au moment des faits en litige M. B... D... était employé par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis, aux droits de laquelle est venue la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France, en qualité d'assistant éducatif chargé de la discipline générale des apprentis du centre de formation des apprentis " Campus des métiers et de l'entreprise " de Bobigny. Par une décision du 18 décembre 2017, prise à la suite de l'avis du conseil de discipline du 14 novembre 2017, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis lui a infligé la sanction de la révocation. Par un jugement du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de cette sanction, à sa réintégration et à la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis. La chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er avril 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions de M. D... à fin d'annulation, annulé la décision du 18 décembre 2017 en enjoignant au président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis de réintégrer M. D... et rejeté le surplus des conclusions de la requête de celui-ci. Par la voie du pourvoi incident, M. D... demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a fait partiellement droit à sa requête.
Sur le pourvoi de la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France :
2. Aux termes de l'article 56 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat : " Il est constitué une commission paritaire nationale comprenant six présidents de chambres de métiers et de l'artisanat et six représentants du personnel. Les représentants du personnel comprennent trois représentants pour chacun des deux groupes de catégories suivants : 1 - secrétaires généraux adjoints, cadres supérieurs, cadres ; 2 - personnel de maîtrise, techniciens et employés. / (...) / Les douze représentants du personnel sont élus à raison de six titulaires et six suppléants. L'élection a lieu suivant les modalités prévues à l'annexe VI (...) ". Aux termes de l'article 65 de ce statut : " 1. Il est créé, au plan national, un conseil de discipline chargé de donner un avis sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / 2. Le conseil de discipline comprend : / (...) / - deux représentants du personnel, membres titulaires ou suppléants de la commission paritaire nationale mentionnée à l'article 56 / 3. Les représentants du personnel sont choisis pour chaque affaire par le collège des représentants du personnel de la commission paritaire nationale visée au quatrième alinéa de l'article 56. Ils doivent appartenir à une catégorie au moins égale à celle de l'agent objet de la procédure, l'un des deux représentants devant, si possible, relever de la même catégorie que lui. Ils ne peuvent avoir été frappés d'aucune sanction relevant du conseil de discipline (...) ". Aux termes de l'article 67 du même statut : " Dès qu'il en a connaissance, le président de l'établissement communique au bureau l'avis du conseil de discipline et formule une proposition (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil de discipline saisi par le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Seine-Saint-Denis pour lui donner un avis sur la proposition d'infliger à M. D... la sanction du troisième degré de la révocation, s'est réuni le 14 novembre 2017 dans une composition comprenant, notamment, M. A... C... en qualité de représentant du personnel. Celui-ci, élu le 24 avril 2017 en qualité de membre suppléant représentant les personnels de maîtrise, techniciens et employés, a été nommé, par un arrêté signé le 11 juillet 2017 du président de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, en qualité de membre suppléant représentant les personnels au sein de la commission paritaire nationale prévue par l'article 56 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat cité au point 2, dite " commission paritaire nationale 56 ", au sein de laquelle sont exclusivement désignés les représentants du personnel au conseil de discipline.
4. Dès lors, c'est au prix d'une erreur de droit que la cour administrative d'appel de Versailles a, pour considérer que le conseil de discipline pour lequel M. C... a siégé était irrégulièrement composé, retenu le motif inopérant tiré de ce que celui-ci ne figurait pas sur la liste établie par l'arrêté ministériel du 27 septembre 2017 portant nomination à la commission paritaire du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat créée en application de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers, dite " commission paritaire nationale 52 " et dénuée de toute compétence en matière disciplinaire. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
Sur le pourvoi incident de M. D... :
5. L'annulation, sur le pourvoi principal, de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles prononcée ci-dessus prive d'objet le pourvoi incident de M. D.... Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les frais de l'instance :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. D... demande, à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 1er avril 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de M. D....
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France et à M. B... D....
Délibéré à l'issue de la séance du 3 juillet 2023 où siégeaient : M. Christian Fournier, conseiller d'Etat, présidant ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.
Rendu le 18 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Christian Fournier
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne