Vu la procédure suivante :
Par une décision du 21 novembre 2022, enregistrée le 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir rejeté le compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de la liste " Unis pour Saint-Barthélemy " à l'élection des membres du conseil territorial de Saint-Barthélemy qui s'est déroulée les 20 et 27 mars 2022, a saisi le Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral. Elle a produit un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 14 février, 18 avril et 24 avril 2023.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 12 janvier et 22 mars 2023, M. A... conclut au rejet de la saisine de la CNCCFP.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, l'article L. 52-15 du code électoral dispose que : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1 (...) ". En vertu de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au II de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le scrutin concerné, s'ils sont astreints à cette obligation. / Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités ".
2. Il résulte des termes mêmes du dernier alinéa de l'article L. 52-11-1 du code électoral qu'il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques d'apprécier, en premier lieu, si les irrégularités éventuellement commises par un candidat justifient le rejet de son compte de campagne, et, lorsqu'elle décide d'approuver ce compte, de déterminer, en second lieu, si, eu égard au nombre et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu de réduire le montant du remboursement forfaitaire auquel a droit le candidat, le cas échéant, dans les conditions prévues par les deux premiers alinéas du même article. La circonstance que le candidat ne remplit pas les conditions pour bénéficier du remboursement forfaitaire est dépourvue d'incidence sur la décision d'approuver ou de rejeter le compte de campagne.
3. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ". Il appartient au juge de l'élection, s'il constate que le compte d'un candidat fait apparaître qu'il a bénéficié de la part de personnes morales d'un avantage prohibé par cet article, d'apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti, de sa nature et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte.
4. Il résulte de l'instruction que, au cours de la campagne pour l'élection des membres du conseil territorial de Saint-Barthélemy qui s'est tenue les 20 et 27 mars 2022, a été publié, dans les éditions en langue française et anglaise du périodique " Le News Saint-Barth ", un texte de 2500 caractères rédigé par M. A..., tête de l'une des listes en lice, présentant son programme électoral et accompagné de sa photographie. Estimant que la parution, à titre gratuit, de cet élément de propagande, dans un périodique dont les ressources ordinaires sont la publication d'annonces payantes, avait le caractère d'un don en nature prohibé par les dispositions citées au point 3, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a décidé de rejeter le compte de campagne de l'intéressé et de saisir le juge de l'élection en se fondant notamment sur la circonstance qu'en l'absence d'apport personnel, il n'avait pas droit au remboursement forfaitaire prévu par les dispositions précitées de l'article L. 52-11-1 du code électoral et qu'elle ne pouvait donc sanctionner l'irrégularité ainsi commise par la modulation de ce remboursement, contrairement à une autre candidate à la même élection, dont elle a approuvé le compte de campagne en dépit de la commission de la même irrégularité, tout en réduisant le montant du remboursement forfaitaire auquel elle pouvait prétendre.
5. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 2, la circonstance que M. A... ne puisse pas prétendre au versement du remboursement forfaitaire de l'Etat est sans incidence sur l'approbation ou le rejet de son compte de campagne. D'autre part, eu égard à la nature et à la valeur modeste de l'avantage qui lui a été consenti par la société exploitant " Le News Saint-Barth " au regard du plafond des dépenses électorales autorisées pour cette élection, à la part limitée que cet avantage représente dans le total des dépenses exposées par le candidat, et, enfin, à la circonstance que les deux autres listes en présence ont bénéficié d'un avantage équivalent du même journal, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral commise par M. A... ne justifie pas, en l'espèce, le rejet de son compte de campagne.
D E C I D E :
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Article 1er : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juillet 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat-rapporteur
Rendu le 13 juillet 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Jean de L'Hermite
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana