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06/07/2023 | FRANCE | N°465873

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 465873


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, en premier lieu, d'une part, d'annuler la décision du 20 août 2020 par laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a confirmé, sur son recours administratif préalable, la décision du 19 mai 2020 de la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne de récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 10 518,06 euros au titre de la période d'avril 2019 à mai 2020, la décision implicite par laquelle il a confirmé la décision du 4 avril 2020 de

la caisse d'allocation familiales de Seine-et-Marne par laquelle il a ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, en premier lieu, d'une part, d'annuler la décision du 20 août 2020 par laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a confirmé, sur son recours administratif préalable, la décision du 19 mai 2020 de la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne de récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 10 518,06 euros au titre de la période d'avril 2019 à mai 2020, la décision implicite par laquelle il a confirmé la décision du 4 avril 2020 de la caisse d'allocation familiales de Seine-et-Marne par laquelle il a été mis fin à ses droits au revenu de solidarité active à compter du 2 mai 2020, ainsi que les décisions des 4 avril et 19 mai 2020, et, d'autre part, d'annuler la décision du 23 mai 2020 par laquelle la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne a décidé la récupération d'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année d'un montant de 442,10 euros, en deuxième lieu, d'enjoindre au département de Seine-et-Marne et à la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne de lui verser à nouveau l'allocation de revenu de solidarité active à compter de mai 2020 dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, enfin, de condamner le département de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 13 000 euros en raison du préjudice qu'il estime avoir subi à raison de l'illégalité de ces décisions. Par un jugement n° 2007645 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé les décisions du président du conseil départemental et la décision du 23 mai 2020 de la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne, d'autre part, renvoyé M. B... devant le département de Seine-et-Marne pour le réexamen de ses droits au revenu de solidarité active à compter d'avril 2019 et devant la caisse d'allocations familiales de Seine-et-Marne pour le réexamen de ses droits à l'aide exceptionnelle de fin d'année pour l'année 2019 et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 18 octobre 2022 et le 9 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de Seine-et-Marne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 3 et 4 de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du département de Seine-et-Marne et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir été informée par la direction générale des finances publiques du montant des ressources annuelles déclarées au titre de l'année 2018 par M. B..., président d'une société par actions simplifiée unipersonnelle exerçant une activité d'exploitation de véhicules de tourisme avec chauffeur et de location de véhicules avec ou sans chauffeur, la caisse d'allocations familiales de Seine-et Marne, par une décision du 4 avril 2020, a mis fin aux droits de M. B... au revenu de solidarité active à compter du 2 mai 2020 et, par une décision du 19 mai 2020, a décidé de la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 12 647,44 euros au titre de la période d'avril 2019 à mai 2020. Saisi par M. B... d'un recours administratif préalable, le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a confirmé ces décisions, en limitant le montant de l'indu à 10 518,06 euros. Par un pourvoi en cassation, le département de Seine-et-Marne demande l'annulation des articles 1er, 3 et 4 du jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions portant sur les droits de M. B... au revenu de solidarité active et sur l'indu qui lui a été réclamé, renvoyé M. B... devant le département pour le réexamen de ses droits au revenu de solidarité active à compter d'avril 2019 et mis à la charge du département une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. L'article L. 262-7 du code de l'action sociale et des familles renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des règles de calcul du revenu de solidarité active applicables, notamment, aux travailleurs mentionnés à l'article L. 611-1 du code de la sécurité sociale. Cet article L. 611-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige postérieure à la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui prévoit, en son article 15, l'affiliation au régime général de sécurité sociale des personnes non salariées affiliées auparavant au régime social des indépendants, mentionne, notamment, les travailleurs non salariés. L'article R. 262-19 du code de l'action sociale et des familles prévoit à son premier alinéa le principe selon lequel : " Les bénéfices industriels et commerciaux et les bénéfices non commerciaux s'entendent des résultats ou bénéfices déterminés en fonction des régimes d'imposition applicables au titre de la pénultième année, ou ceux de la dernière année s'ils sont connus, pourvu qu'ils correspondent à une année complète d'activité. S'y ajoutent les amortissements et les plus-values professionnels ". L'article R. 262-21 du même code précise que pour l'appréciation de ces revenus professionnels, et sous réserve notamment de la situation des travailleurs indépendants ayant opté pour le régime " micro-social ", " il est fait abstraction des déficits catégoriels et des moins-values subis au cours de l'année de référence ainsi que des déficits constatés au cours des années antérieures. / Ces revenus professionnels sont revalorisés en fonction du taux d'évolution en moyenne annuelle de l'indice général des prix à la consommation hors tabac entre l'année à laquelle ces revenus professionnels se rapportent et celle à laquelle est présentée la demande (...) ". L'article R. 262-23 de ce code prévoit que : " Selon les modalités prévues aux articles R. 262-18 à R. 262-22, le président du conseil départemental arrête l'évaluation des revenus professionnels non salariés nécessaires au calcul du revenu de solidarité active. A cet effet, il tient compte, soit à son initiative, soit à la demande de l'intéressé, des éléments de toute nature relatifs aux revenus professionnels de l'intéressé ". Enfin, l'article R. 262-24 de ce code dispose que : " En l'absence de déclaration ou d'imposition d'une ou plusieurs activités non salariées, le président du conseil départemental évalue le revenu au vu de l'ensemble des éléments d'appréciation fournis par le demandeur ".

3. Il résulte des dispositions mentionnées au point précédent que, pour arrêter les revenus professionnels non salariés nécessaires au calcul du revenu de solidarité active des travailleurs non salariés, lorsqu'il s'agit de bénéfices industriels et commerciaux ou de bénéfices non commerciaux, le président du conseil départemental doit, en cas de déclaration ou d'imposition, se référer aux bénéfices déterminés en fonction des régimes d'imposition applicables au titre de la pénultième année, ou ceux de la dernière année s'ils sont connus, pourvu qu'ils correspondent à une année complète d'activité, auxquels s'ajoutent les amortissements et les plus-values professionnels, et sans tenir compte des déficits catégoriels et des moins-values subis au cours de l'année de référence ainsi que des déficits constatés au cours des années antérieures. Il peut également tenir compte de tout autre élément relatif aux revenus professionnels de l'intéressé, dans le but notamment de mieux appréhender la grande variété des situations des travailleurs indépendants et de procéder à une meilleure approximation des revenus perçus par ceux-ci à la date à laquelle ils bénéficient du revenu de solidarité active.

4. Pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur la circonstance que M. B... exerçait son activité dans le cadre d'une société par actions simplifiée unipersonnelle sans qu'aucun revenu ne lui ait été distribué, ce dont il a déduit qu'il y avait lieu de lui appliquer l'évaluation forfaitaire de 3 % prévue par les articles L. 132-1 et R. 131-1 du code de l'action sociale et des familles applicable pour les capitaux non productifs de revenus. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a déclaré, au titre de l'année 2018, des bénéfices industriels et commerciaux pour un montant total de 21 161 euros correspondant aux résultats nets de la société par actions simplifiée unipersonnelle dont il est le président. Il s'en suit que, cette société ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, les revenus professionnels non salariés de M. B... nécessaires au calcul du revenu de solidarité active devaient être arrêtés selon les modalités précisées au point 3, qui ne permettent pas de faire application de l'évaluation forfaitaire de 3 % prévue par les articles L. 132-1 et R. 131-1 du code de l'action sociale et des familles applicable pour les capitaux non productifs de revenus pour déterminer les revenus professionnels non salariés des travailleurs déclarant des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux. En outre, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier des bilans de la société dont M. B... est le président, que s'il n'a pas bénéficié d'une rémunération au titre de l'année 2018, il a en revanche perçu la somme de 21 161 euros, correspondant au résultat net de sa société au titre de son exercice clos le 31 décembre 2018. Par suite, en estimant que le président du conseil départemental de Seine-et-Marne avait commis une erreur de droit dans l'appréciation des droits au revenu de solidarité active de M. B... en tenant compte du bénéfice annuel de cette société au lieu de lui appliquer l'évaluation forfaitaire applicable aux capitaux non productifs de revenus, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et a commis une erreur de droit.

5. Par suite, le département de Seine-et-Marne est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun qu'il attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de Seine-et-Marne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : L'affaire est, dans la mesure de la cassation prononcée, renvoyée au tribunal administratif de Melun.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de Seine-et-Marne et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 15 juin 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 6 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Redondo

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 465873
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2023, n° 465873
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Redondo
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465873.20230706
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