La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°463902

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 463902


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mai et 20 juillet 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Teofarma demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision notifiée le 15 mars 2022 par laquelle le Comité économique des produits de santé a refusé de faire droit à sa demande de modification du prix de la spécialité " Larmes artificielles Martinet 1,4 % (chlorure de sodium), collyre, 10 ml en flacon compte-gouttes " ;

2°) d'enjoindre au Comit

économique des produits de santé d'accepter sa demande de modification du prix de la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mai et 20 juillet 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Teofarma demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision notifiée le 15 mars 2022 par laquelle le Comité économique des produits de santé a refusé de faire droit à sa demande de modification du prix de la spécialité " Larmes artificielles Martinet 1,4 % (chlorure de sodium), collyre, 10 ml en flacon compte-gouttes " ;

2°) d'enjoindre au Comité économique des produits de santé d'accepter sa demande de modification du prix de la spécialité en litige ou, subsidiairement, de se prononcer à nouveau sur sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société Teofarma ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Teofarma a sollicité du Comité économique des produits de santé la hausse du prix de la spécialité qu'elle exploite, dénommée " Larmes artificielles Martinet 1,4 % (chlorure de sodium), collyre, 10 ml en flacon compte-gouttes ". Par une décision du 16 juin 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé la décision du 30 octobre 2019 du Comité économique des produits de santé refusant de faire droit à la demande de la société Teofarma et a enjoint à ce comité de réexaminer cette demande. Par une décision portée à la connaissance de la société requérante par un courrier du 15 mars 2022, dont celle-ci demande l'annulation pour excès de pouvoir, le Comité économique des produits de santé a de nouveau refusé de faire droit à cette demande.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. En premier lieu, le premier alinéa de l'article D. 162-2-5 du code de la sécurité sociale dispose que : " Le comité économique des produits de santé se réunit sur convocation de son président. Le président fixe l'ordre du jour des séances. Les délibérations du comité économique des produits de santé ne sont valables que si au moins six de ses membres ayant voix délibérative sont présents ". Il ressort des pièces du dossier qu'une convocation à la séance lors de laquelle a été examinée la demande de la société Teofarma, tenue le 21 octobre 2021, assortie de l'ordre du jour, a été adressée par courriel aux membres du Comité économique des produits de santé six jours avant cette date et qu'au moins six de ses membres ayant voix délibérative étaient présents lors de cette réunion. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les membres du Comité économique des produits de santé n'auraient pas été régulièrement convoqués à la réunion au cours de laquelle a été prise la décision attaquée et que la condition de quorum posée par l'article précité n'était pas remplie.

3. En deuxième lieu, il résulte des I et II de l'article R. 163-11 du code de la sécurité sociale que l'entreprise exploitant un médicament inscrit sur la liste des médicaments et spécialités remboursables peut adresser au Comité économique des produits de santé une demande de modification du prix de ce médicament. Aux termes de l'article 3 de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie : " (...) les dispositions suivantes s'appliquent lorsqu'une augmentation du prix d'un médicament n'est autorisée qu'après l'obtention d'une autorisation préalable des autorités compétentes : / (...) 2. Lorsque les autorités compétentes décident de ne pas autoriser, en totalité ou en partie, l'augmentation de prix demandée, la décision comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables (...) ". Pour assurer la transposition de ces dispositions, l'article R. 163-14 du code de la sécurité sociale prévoit que les décisions portant refus de modification du prix d'un médicament sont communiquées à l'entreprise avec la mention de leurs motifs.

4. Il ressort des pièces du dossier que le courrier portant à la connaissance de la société requérante la décision litigieuse indique qu'elle se fonde sur les critères fixés à l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, notamment l'absence d'amélioration du service médical rendu de la spécialité, en relevant en outre que l'ancienneté de son inscription sur la liste des spécialités et médicaments remboursables serait de nature à justifier une baisse de son prix. Il expose avec une précision suffisante les éléments de fait et de droit motivant le refus de faire droit à la demande de modification de prix de la société, en particulier s'agissant d'un alignement sur le prix du médicament Larmabak ou d'une mise en œuvre de l'article 28, relatif aux hausses de prix sollicitées en vue de permettre le maintien sur le marché d'une spécialité nécessaire à la couverture d'un besoin thérapeutique, de l'accord-cadre conclu le 5 mars 2021 entre le Comité économique des produits de santé et le syndicat Les entreprises du médicament. Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, le Comité économique des produits de santé a satisfait aux exigences de motivation qui s'imposaient à lui.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale : " I. - Le prix de vente au public de chacun des médicaments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 162-17 [c'est-à-dire ceux inscrits sur la liste des médicaments remboursables] est fixé par convention entre l'entreprise exploitant le médicament et le Comité économique des produits de santé conformément à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du comité, sauf opposition conjointe des ministres concernés qui arrêtent dans ce cas le prix dans un délai de quinze jours après la décision du comité. La fixation de ce prix tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu apportée par le médicament, le cas échéant des résultats de l'évaluation médico-économique, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d'utilisation du médicament. (...) II. - Le prix de vente mentionné au I peut être fixé à un niveau inférieur ou baissé, par convention ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé, au regard d'au moins l'un des critères suivants : / 1° L'ancienneté de l'inscription de la spécialité concernée (...) ".

6. Sous réserve des cas dans lesquels l'évolution du prix de vente au public de la spécialité remboursable a été prévue par convention avec l'entreprise exploitant le médicament, il appartient au Comité économique des produits de santé, saisi d'une demande en ce sens de l'entreprise, d'apprécier s'il y a lieu de procéder à la modification de prix sollicitée au regard notamment des critères indiqués à l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale. Le comité, après avoir examiné l'ensemble de ces critères, qui ne sont d'ailleurs pas exhaustifs, peut légalement refuser la demande qui lui est soumise en faisant usage d'un seul critère, dès lors qu'il est de nature à justifier sa décision.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance du Comité économique des produits de santé, que ce dernier a examiné la demande de la société Teofarma, contrairement à ce que soutient cette dernière, au vu de l'ensemble des critères indiqués à l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 21 octobre 2021 serait entachée d'illégalité pour ce motif, faute en particulier pour le Comité économique des produits de santé d'avoir examiné les critères tirés des volumes de vente prévus ou constatés ou des conditions prévisibles et réelles d'utilisation du médicament en cause.

8. En deuxième lieu, si la société requérante fait valoir le prix plus élevé dont bénéficierait la spécialité Larmabak, qui, comme celle qu'elle exploite, est une spécialité à base de chlorure de sodium indiquée dans le traitement symptomatique du syndrome de l'œil sec et présentant un service médical rendu important, il ressort cependant des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'elle soutient, il existe de nombreuses alternatives thérapeutiques à la spécialité Larmes artificielles Martinet, par rapport auxquelles cette dernière, qui contient un conservateur pouvant, du fait d'une administration chronique, induire des effets indésirables inflammatoires conjonctivaux et une toxicité de la surface oculaire, apporte, à la différence de la spécialité Larmabak, un niveau d'amélioration du service médical rendu inexistant. En outre, le conditionnement de la spécialité Larmes artificielles Martinet est associé à une durée de conservation de quinze jours après ouverture, tandis que celui de la spécialité Larmabak permet sa conservation pendant huit semaines après ouverture. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant la hausse sollicitée du prix de vente de la spécialité qu'elle exploite, le Comité économique des produits de santé aurait porté atteinte aux principes d'égalité et de libre concurrence ou serait constitutif d'un avantage pour le laboratoire exploitant la spécialité Larmabak pouvant à ce titre être regardé comme une aide d'Etat. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation, alors même que la société Teofarma rencontrerait des difficultés économiques dans l'exploitation de cette spécialité et ne pourrait en poursuivre la commercialisation sans augmentation de son prix, peu important à cet égard sa différence de concentration en chlorure de sodium par rapport à la spécialité Larmabak.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Teoforma tendant à l'annulation de la décision litigieuse doivent être rejetées, de même, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Teoforma est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Teofarma et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au Comité économique des produits de santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 juin 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 6 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 463902
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2023, n° 463902
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463902.20230706
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award