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05/07/2023 | FRANCE | N°465422

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 05 juillet 2023, 465422


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveau mémoire, enregistrés les 30 juin 2022 et les 24 janvier, 15 mars et 8 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation (FHP-SSR) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2022 fixant pour l'année 2022 les éléments tarifaires mentionnés aux 1° à 3° du I de l'article L. 162-23-4 du code de la sécurité sociale et au 2° du E du III de l'article 78 mo

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveau mémoire, enregistrés les 30 juin 2022 et les 24 janvier, 15 mars et 8 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation (FHP-SSR) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2022 fixant pour l'année 2022 les éléments tarifaires mentionnés aux 1° à 3° du I de l'article L. 162-23-4 du code de la sécurité sociale et au 2° du E du III de l'article 78 modifié de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 ;

- la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 ;

- la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2022-597 du 21 avril 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 juin 2023, présentée par la Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique du litige :

1. En vertu du I de l'article L. 162-23 du code de la sécurité sociale, chaque année, est défini un objectif de dépenses d'assurance maladie afférents aux activités de soins de suite et de réadaptation qui sont exercées par les différents établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6 de ce code. Cet objectif est constitué du montant annuel de charges supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie afférentes aux frais d'hospitalisation au titre des soins dispensés au cours de l'année dans le cadre de ces activités. L'article L. 162-23-1 du code de la sécurité sociale prévoit que, pour ces activités, " un décret en Conseil d'Etat, pris après avis des organisations les plus représentatives des établissements de santé, détermine : / 1° Les catégories de prestations d'hospitalisation sur la base desquelles les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la classification des prestations donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale ; / 2° Les catégories de prestations pour exigence particulière des patients, sans fondement médical, qui donnent lieu à une facturation sans prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale ; / 3° Les modalités de facturation des prestations d'hospitalisation faisant l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie ". L'article L. 162-23-3 du même code précise que, pour ces activités de soins, les différents établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6 de ce code " bénéficient d'un financement mixte sous la forme de recettes issues directement de l'activité, dans les conditions prévues au I de l'article L. 162-23-4, et d'une dotation forfaitaire visant à sécuriser de manière pluriannuelle le financement de leurs activités, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ". Le I de l'article L. 162-23-4 de ce code dispose que : " Chaque année, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent, selon les modalités prévues au II de l'article L. 162-23 : / 1° Les tarifs nationaux des prestations mentionnées au 1° de l'article L. 162-23-1, qui peuvent être différenciés par catégories d'établissements, notamment en fonction des conditions d'emploi du personnel médical. Ces tarifs sont calculés en fonction de l'objectif défini à l'article L. 162-23 ; / 2° Le cas échéant, les coefficients géographiques s'appliquant aux tarifs nationaux mentionnés au 1° du présent article et au forfait prévu à l'article L. 162-23-7 des établissements implantés dans certaines zones, afin de tenir compte d'éventuels facteurs spécifiques qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le prix de revient de certaines prestations dans la zone considérée ; / 3° Le coefficient mentionné au I de l'article L. 162-23-5 ; / 4° Les modalités de calcul de la dotation forfaitaire mentionnée à l'article L. 162-23-3 ; / 6° Le montant des forfaits annuels mentionnés à l'article L. 162-23-7. / Sont applicables au 1er mars de l'année en cours les éléments mentionnés aux 1° à 3°. / Sont applicables au 1er janvier de l'année en cours les éléments mentionnés aux 4° à 6° ". Enfin, aux termes du E du III de l'article 78 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Par dérogation aux articles L. 162-23 à L. 162 23-13 du code de la sécurité sociale, les activités de soins de suite et de réadaptation, mentionnées au 4° de l'article L. 162-22 du même code exercées par les établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 dudit code sont financées selon les modalités suivantes : (...) 2° Du 1er mars 2017 au 31 décembre 2022, elles sont financées par deux montants cumulatifs : / a) Un montant correspondant, pour chaque établissement, à une fraction des recettes issues de l'application des modalités de financement antérieures à la présente loi. / En application du premier alinéa du présent a, les tarifs des prestations mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-1 du même code des établissements mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6 du même code sont minorés à hauteur de la fraction mentionnée au premier alinéa du b du présent 2° dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ; / b) Un montant correspondant, pour chaque établissement, à une fraction des recettes issues de l'application des modalités de financement prévues au 1° de l'article L. 162-23-2 du code de la sécurité sociale. Ce montant peut être affecté d'un coefficient de transition défini selon des modalités de calcul fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, qui peuvent être différentes en fonction des catégories d'établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. / Pour chaque établissement mentionné aux d et e de l'article L. 162-22-6 du même code, ce montant est minoré afin de neutraliser une fraction du montant des honoraires facturés dans les conditions définies à l'article L. 162-1-7 dudit code par les professionnels médicaux et auxiliaires médicaux exerçant à titre libéral au sein de ces établissements et précisées par décret en Conseil d'Etat. Cette fraction est identique à celle mentionnée au premier alinéa du présent b ; / Le niveau des fractions prévues aux a et b du présent 2° peut être différencié par catégorie d'établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, l'arrêté du 28 mars 2022 fixe, pour l'année 2022, les éléments tarifaires mentionnés aux 1° à 3° du I de l'article L. 162-23-4 et au 2° du E du III de l'article 78 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016. La Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

Sur les moyens :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, Mme A... B..., nommée cheffe de service, adjointe à la directrice générale de l'offre de soins à l'administration centrale du ministère des solidarités et de la santé, à compter du 15 janvier 2021, pour une durée de trois ans, par arrêté du 22 décembre 2020 publié au Journal officiel de la République française du 24 décembre 2020, disposait, à la date de l'arrêté attaqué, en application du 2° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, de la compétence pour signer, au nom du ministre chargé de la santé, l'arrêté attaqué, qui était relatif aux affaires du service placé sous son autorité en vertu de l'article D. 1421-2 du code de la santé publique.

3. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article R. 162-34-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Chaque année, dans un délai de quinze jours suivant la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale, les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget arrêtent : / 1° Le montant de l'objectif de dépenses mentionné au I l'article L. 162-23 (...) " et le premier alinéa du I de l'article R. 162-34-5 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date, prévoit que : " Chaque année, dans un délai de quinze jours suivant la publication de l'arrêté mentionné au I de l'article R. 162-34-4, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent les éléments tarifaires mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 6° de l'article L. 162-23-4 dans le respect de l'objectif de dépenses mentionné au I de l'article L. 162-23 ".

4. La circonstance que l'arrêté fixant pour 2022 l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de soins de suite et de réadaptation ait été pris au-delà du délai de quinze jours imparti par l'article R. 162-34-4 du code de la sécurité sociale à compter de la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et que l'arrêté attaqué n'ait, lui-même, pas été pris dans le délai prévu à l'article R. 162-34-5 du code de la sécurité sociale, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

5. En troisième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 162-23-4 du code de la sécurité sociale, cité au point 1, que les tarifs nationaux des prestations d'hospitalisation prises en charge par les régimes obligatoires de la sécurité sociale, calculés en fonction de l'objectif de dépenses d'assurance maladies, peuvent être différenciés par catégories d'établissements, notamment en fonction des conditions d'emploi du personnel médical.

6. L'arrêté attaqué fixe notamment, en son annexe I, les tarifs des groupes médico-tarifaires (GMT) et des suppléments des établissements de santé mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale - recouvrant l'essentiel des établissements publics de santé et des établissements de santé privés à but non lucratif - et, en son annexe II, ces tarifs et suppléments pour les établissements de santé mentionnés au d du même article -recouvrant les établissements de santé privés autres que ceux mentionnés aux b et c ayant conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de santé - en précisant, pour chacun de ces groupes médico-tarifaires, une fourchette de nombres de journées d'hospitalisation au sein de laquelle est applicable le tarif de la " zone forfaitaire ".

7. D'une part, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la fixation de ce nombre de journées ne repose pas sur un critère médical lié à la durée d'hospitalisation de patients relevant d'un même groupe médico-économique, mais sur un critère tarifaire déterminant, conformément aux dispositions de l'article L. 162-23-4 du code de la sécurité sociale, le financement des établissements concernés, en fonction de leur nature, à partir d'un prix de journée ou d'un forfait. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les annexes I et II de l'arrêté contesté auraient fixé sans fondement légal des zones tarifaires différentes selon la nature des établissements.

8. D'autre part, si le nombre de journées au-delà et en deçà desquels est appliqué le tarif de la zone forfaitaire diffère, selon que le tarif relève de l'annexe I ou de l'annexe II de l'arrêté, pour des patients appartenant à un même groupe médico-économique, cette différenciation, comme celle prévue pour le montant des prix de journées ou des forfaits, est opérée, conformément au 1° du I de l'article L. 162-23-4 du code de la sécurité sociale, selon la catégorie des établissements prenant en charge ces patients. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité entre ces deux catégories d'établissements et donc entre personnes morales ne peut, par suite, qu'être écarté.

9. De troisième part, il en résulte également que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, l'arrêté attaqué ne saurait être regardé comme instituant, en faveur des établissements de santé mentionnées aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, un régime d'aide d'Etat au sens du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, aux termes duquel : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ". Par suite, le moyen tiré de ce que la Commission aurait dû en être informée en vertu du paragraphe 3 de l'article 108 du même traité, qui prévoit que : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides (...) ", est inopérant.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les tarifs des groupes médico-tarifaires et les suppléments fixés, d'une part, pour les établissements de santé mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, pour les établissements de santé mentionnés au d du même article, n'auraient pas été déterminés, comme le prévoit l'article L. 162-23 du même code cité au point 1, à partir des données afférentes au coût relatif des prestations issues notamment de l'étude nationale de coûts définies à l'article L. 6113-11 du code de la santé publique, alors qu'il n'est pas contesté que ces tarifs sont compatibles avec le respect de l'objectif de dépenses des activités de soins de suite et de réadaptation tel qu'il a été fixé pour l'année 2022 en cohérence avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie résultant de la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 notamment sur la base de l'inflation attendue la même année. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que la fixation de ces tarifs serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation (FHP-SSR) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération de l'Hospitalisation Privée - Soins de suite et de réadaptation (FHP-SSR) et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Pierre Boussaroque, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 5 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 465422
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2023, n° 465422
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Pic
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465422.20230705
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