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05/07/2023 | FRANCE | N°459129

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 05 juillet 2023, 459129


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 décembre 2021 et les 2 mars et 15 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1290 du 1er octobre 2021 portant création de Nantes Université et approbation de ses statuts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-

1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Con...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 décembre 2021 et les 2 mars et 15 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1290 du 1er octobre 2021 portant création de Nantes Université et approbation de ses statuts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- l'ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 ;

- la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale

SGEN-CFDT ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 juin 2023, présentée par le Syndicat général de l'éducation nationale (SGEN) - CFDT Nord-Pas-de-Calais et la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT ;

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 1er octobre 2021 portant création de Nantes Université et approbation de ses statuts. Aux termes de l'article 1er du chapitre Ier de ce décret : " Est créé Nantes Université, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel expérimental au sens de l'article 1er de l'ordonnance du 12 décembre 2018 susvisée. / L'Ecole centrale de Nantes, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Nantes, établissement public à caractère administratif, et l'Ecole des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire, établissement public de coopération culturelle, en sont des établissements-composantes. ". Aux termes de son article 3 : " L'établissement public expérimental Nantes Université assure l'ensemble des activités de l'université de Nantes. Il partage et coordonne certaines compétences avec l'Ecole centrale de Nantes, l'Ecole des beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire et l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Nantes, dans les conditions prévues par ses statuts. ". Son article 4 approuve les statuts de Nantes Université, annexés au décret. Le chapitre II du décret adapte les dispositions règlementaires applicables aux établissements-composantes afin d'assurer leur coordination avec l'établissement public expérimental. Son chapitre III est relatif aux " dispositions transitoires et finales ".

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué a, contrairement à ce qui est soutenu, été contresigné par la ministre de la culture.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de l'ordonnance du 12 décembre 2018 relative à l'expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d'enseignement supérieur et de recherche : " Les statuts fixent la composition du conseil d'administration ou de l'organe en tenant lieu, et des autres organes décisionnels de l'établissement public expérimental, dans le respect des principes rappelés à l'article L. 711-1 du code de l'éducation, les modalités de désignation de leurs membres et de leur président, ainsi que la durée de leurs mandats, qui ne peut excéder cinq ans, et les conditions de leur éventuel renouvellement. / (...) / Les statuts définissent les compétences des organes mentionnés au premier alinéa et celles qui peuvent être déléguées au chef d'établissement, à un autre organe décisionnel ou à l'un des organes décisionnels d'un établissement-composante ou d'une composante non dotée de la personnalité morale. L'approbation du contrat d'établissement, le vote du budget initial et l'approbation des comptes ainsi que l'adoption du règlement intérieur de l'établissement ne peuvent pas être

délégués. / (...) " Il résulte de ces dispositions que les statuts d'un établissement public expérimental peuvent, sous réserve du respect des dispositions de l'article L. 711-1 du code de l'éducation, déléguer, par dérogation aux dispositions de l'article L. 952-6-1 du même code, à l'un des organes décisionnels d'un établissement-composante ou d'une composante non dotée de la personnalité morale l'examen de questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs et enseignants affectés à cet établissement-composante ou à cette composante.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'article 8 des statuts litigieux prévoit que les pôles de Nantes Université, constitués sous la forme de regroupements de composantes et de structures de recherche de l'établissement public expérimental en application de l'article 7 des mêmes statuts, " exercent les missions dévolues à l'établissement dans leur périmètre. (...) ". Eu égard à l'argumentation de la requérante, le moyen tiré de ce que le décret attaqué dérogerait illégalement aux dispositions législatives et règlementaires applicables en matière de recrutement et de gestion des enseignants-chercheurs doit être regardé comme uniquement dirigé contre les dispositions de l'article 71 des statuts litigieux, lesquelles confient au conseil de pôle en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés des compétences en matière de recrutement et de gestion des carrières des personnels enseignants-chercheurs et enseignants affectés au pôle. Ces dispositions, dès lors qu'elles ont été prises sur le fondement des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 12 décembre 2018 citées au point 3, ont pu, contrairement à ce que soutient la requérante, légalement déroger sur ces points aux dispositions législatives et règlementaires en matière de recrutement et de gestion des carrières des enseignants-chercheurs. Il ne saurait davantage être soutenu, pour le même motif, que ces dispositions sont de nature à porter atteinte au principe constitutionnel d'égal accès à l'emploi public, l'article 70 des statuts litigieux disposant, au demeurant, que le conseil de pôle " met en œuvre la politique de l'établissement à l'échelle du pôle " et qu'à ce titre, " les délibérations non conformes au cadrage fixé par les instances de l'établissement font l'objet d'un échange entre le directeur de pôle et le directoire et sont soumises le cas échéant au vote du conseil d'administration ", la délibération du conseil d'administration se substituant, dans cette hypothèse, à celle du conseil de pôle. Les dispositions statutaires contestées ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

5. En troisième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration : " L'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. / Elle peut également y avoir recours, sous les mêmes réserves et dans les mêmes conditions, afin d'accompagner un changement de réglementation. ".

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le transfert, en application de l'article 6 du décret attaqué, des biens, droits et obligations de l'université de Nantes à l'établissement public expérimental et l'affectation à ce dernier des agents exerçant leurs fonctions au sein de l'université, sans adjonction au nouvel établissement d'agents issus d'autres établissements, conduisent à ce que le périmètre des différentes instances représentatives du personnel de l'établissement public expérimental demeure le même que celui des instances correspondantes au sein de l'université de Nantes. En outre, le maintien des conseils de l'université de Nantes est prévu par le premier alinéa de l'article 9 du décret attaqué jusqu'à la désignation des nouveaux conseils de l'établissement public expérimental. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaît le principe de sécurité juridique, faute de comporter des dispositions transitoires relatives aux instances représentatives des personnels au sein de l'établissement public expérimental Nantes Université, ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, que la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT, à la Première ministre, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Nantes Université.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459129
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2023, n° 459129
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459129.20230705
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