La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2023 | FRANCE | N°459229

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03 juillet 2023, 459229


Vu la procédure suivante :

La société civile du Domaine du Carrubier a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande de versement de l'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble et, d'autre part, d'enjoindre à FranceAgriMer de procéder à l'examen de sa demande de subvention et de procéder au retrait de l'ensemble des subventions accordées dans le cadre de l'appel à

projets pour l'année 2016. Par un jugement n° 1601021 du 22 novembre 2...

Vu la procédure suivante :

La société civile du Domaine du Carrubier a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande de versement de l'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble et, d'autre part, d'enjoindre à FranceAgriMer de procéder à l'examen de sa demande de subvention et de procéder au retrait de l'ensemble des subventions accordées dans le cadre de l'appel à projets pour l'année 2016. Par un jugement n° 1601021 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 5 février 2016 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 20MA00133 du 7 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par FranceAgriMer contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 décembre 2021 et 8 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, FranceAgriMer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la société civile du Domaine du Carrubier la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 ;

- la décision n° INTV-GPASV-2015-80 du directeur général de FranceAgriMer du 30 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de FranceAgriMer et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société civile du Domaine du Carrubier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile du Domaine du Carrubier, exploitant un domaine viticole situé sur le territoire de la commune de La Londe-les-Maures, a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle le directeur général de FranceAgriMer a rejeté sa demande d'aide à l'investissement vitivinicole déposée le janvier 2016 pour un montant de 16 590 euros, correspondant en partie à la rénovation de cuves en béton et acier et à l'acquisition de cuves en inox avec équipement de ceinture de froid. Par un jugement du 22 novembre 2019, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint à FranceAgriMer de réexaminer la demande de la société. FranceAgriMer se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 39 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : " La présente section établit les règles régissant l'octroi de fonds de l'Union aux États membres et l'utilisation de ces fonds par les États membres, par l'intermédiaire de programmes d'aide nationaux portant sur cinq ans (ci-après dénommés "programmes d'aide"), afin de financer des mesures d'aide spécifiques visant à soutenir le secteur vitivinicole. ". L'article 40 de ce règlement, intitulé " Compatibilité et cohérence " dispose : " (...). 2. Les États membres assument la responsabilité des programmes d'aide et veillent à ce qu'ils soient cohérents sur le plan interne et à ce que leur conception et leur mise en œuvre se fassent avec objectivité, en tenant compte de la situation économique des producteurs concernés et de la nécessité d'éviter des différences de traitement injustifiées entre producteurs (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " (...) le directeur général de FranceAgriMer détermine (...) : / 1°) Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ". Le point 5.1.1.2 de la décision n° INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 prise par le directeur général de FranceAgriMer sur le fondement de ces dispositions prévoit le mode de sélection suivant : " Pour chaque période, les demandes sont enregistrées par ordre d'arrivée dans les services territoriaux de FranceAgriMer, le cachet de la poste faisant foi. Une consolidation est réalisée au niveau national. Dans le cas où le dossier est déposé en mains propres au service territorial de FranceAgriMer, un récépissé de dépôt est délivré à la date du jour / (...) / Pour les dossiers déposés au titre des appels à projets 2016 et suivants, le mode de sélection des dossiers est le suivant : Sélection par ordre chronologique de réception des demandes tant que l'ensemble des dossiers d'une même journée de réception peut rentrer dans l'enveloppe. Dès lors que le montant total des demandes d'aide enregistrées atteint le montant de l'enveloppe de la période, les autres demandes sont rejetées ".

4. Les dispositions du point 5.1.1.2 de la décision du 30 décembre 2015, citées au point 3, prévoyaient que la sélection des demandes déposées au titre du programme d'aide au secteur viti-vinicole à compter de 2016 s'opérait par ordre chronologique de réception, tant que le montant cumulé de l'ensemble des dossiers n'excédait pas le montant de l'enveloppe globale de l'année, les demandes suivantes étant rejetées sans être examinées.

5. La cour administrative d'appel a jugé que ces dispositions du point 5.1.1.2 de la décision du 30 décembre 2015 méconnaissaient les dispositions de l'article 40 du règlement (UE) n° 1308/2013 en ce qu'elles empêchaient l'examen d'une demande d'aide au seul motif tiré du nombre trop important de dossiers déjà déposés, alors que la situation économique du demandeur pouvait justifier l'octroi de l'aide. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 40 de ce règlement, qui se bornent à rappeler les principes gouvernant la mise en œuvre des programmes d'aide, ne prohibent pas l'instauration de règles d'examen des demandes telle que celle prévue au point 5.1.1.2 de la décision du 30 décembre 2015 dès lors que cette règle ne fait pas obstacle, une fois les demandes ainsi sélectionnées, à la prise en compte de la situation économique des producteurs, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen soulevé, que FranceAgriMer est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société du Domaine du Carrubier la somme de 3 000 euros à verser à FranceAgriMer au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 7 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La société du Domaine du Carrubier versera à FranceAgriMer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à la société civile du Domaine du Carrubier.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat ; M. Julien Autret, maître des requêtes, M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 3 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Géraud Sajust de Bergues

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459229
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2023, n° 459229
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459229.20230703
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award