La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2021 | FRANCE | N°20MA00133

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 07 octobre 2021, 20MA00133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) du Domaine du Carrubier a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande de versement de l'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble, et, d'autre part, d'enjoindre à FranceAgriMer de procéder à l'examen de sa demande de subvention et de procéder au retrait de l'ensemble des

subventions accordées dans le cadre de l'appel à projets pour l'année 2016.
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) du Domaine du Carrubier a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande de versement de l'aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble, et, d'autre part, d'enjoindre à FranceAgriMer de procéder à l'examen de sa demande de subvention et de procéder au retrait de l'ensemble des subventions accordées dans le cadre de l'appel à projets pour l'année 2016.

Par un jugement n° 1601021 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision du 5 février 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2020 et le 30 septembre 2020, FranceAgriMer, représenté par Me Vandepoorter, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de la société du Domaine du Carrubier devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la société du Domaine du Carrubier le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il s'est fondé sur le moyen, qui n'est pas d'ordre public et qui n'a pas été soulevé par les parties, tiré de l'incompatibilité entre la décision du 30 décembre 2015, sur le fondement de laquelle a été prise la décision du 5 février 2016 contestée, et l'article 40 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- ce moyen n'était, au demeurant, pas fondé dès lors que si la décision contestée repose sur la circonstance que plusieurs dossiers de demande d'aide ont été déposés avant celui de la société du Domaine du Carrubier, le dispositif d'aide à l'investissement vitivinicole, pris dans sa globalité, prend en considération la situation économique des producteurs et n'est donc pas inconventionnel ;

- les moyens soulevés en première instance par la société du Domaine du Carrubier ne sont pas fondés, étant en outre précisé que plusieurs textes communautaires prévoient un critère chronologique pour l'attribution d'une aide ou d'un avantage et qu'un tel critère a déjà été validé par les juridictions administratives.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 juillet et 26 octobre 2020, la société du Domaine du Carrubier, représentée par Me Sagalovitsch, demande à la cour de rejeter la requête de FranceAgriMer et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par FranceAgriMer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Goachet, représentant l'établissement FranceAgriMer, et de Me du Besset, représentant la société du Domaine du Carrubier.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 5 février 2016, le directeur général de FranceAgriMer a rejeté la demande d'aide à l'investissement vitivinicole présentée le 20 janvier 2016 par la société du Domaine du Carrubier, exploitant des parcelles de vignes sur le territoire de la commune de La Londe-les-Maures (Var). FranceAgriMer relève appel du jugement du 22 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En jugeant que la décision du directeur général de FranceAgriMer n° INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015, sur le fondement de laquelle a été prise la décision contestée du 5 février 2016, méconnaissait les dispositions de l'article 40 du règlement (UE) susvisé du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulon s'est borné à répondre à un moyen soulevé par la société demanderesse et n'a pas soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 39 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil : " La présente section établit les règles régissant l'octroi de fonds de l'Union au État membres et l'utilisation de ces fonds par les États membres, par l'intermédiaire de programmes d'aide nationaux portant sur cinq ans (ci-après dénommés "programmes d'aide"), afin de financer des mesures d'aide spécifiques visant à soutenir le secteur vitivinicole. ". Le 2. de l'article 40 de ce règlement dispose : " Les États membres assument la responsabilité des programmes d'aide et veillent à ce qu'ils soient cohérents sur le plan interne et à ce que leur conception et leur mise en œuvre se fassent avec objectivité, en tenant compte de la situation économique des producteurs concernés et de la nécessité d'éviter des différences de traitement injustifiées entre producteur. (...) ".

4. D'autre part, l'article 1er du décret susvisé du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 dispose : " Le programme d'aide national au secteur vitivinicole mentionné à l'article 103 decies du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 (...) est mis en œuvre par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). / A ce titre, sous réserve de l'article 2, le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ; / (...) ". En application de ces dispositions, le directeur général de FranceAgriMer a prévu, par les dispositions du point 5.1.1.2 de la décision n° INTV-GPASV-2015-39 du 20 juillet 2015, que la sélection des demandes déposées au titre du programme d'aide au secteur vitivinicole à compter de 2016 s'opère par ordre chronologique de réception, tant que le montant cumulé de l'ensemble des dossiers d'une même journée de réception n'excède pas le montant de l'enveloppe fixée pour cette journée, et que les demandes suivantes sont rejetées sans être examinées.

5. En ce qu'elles ont pour effet d'empêcher l'examen d'un dossier de financement de projet au seul motif tiré du nombre trop important de dossiers déjà déposés, alors que la situation économique du producteur pourrait justifier, au regard de l'article 40 du règlement (UE) du 17 décembre 2013, l'octroi de l'aide instituée par le décret du 25 février 2013, les dispositions précitées du point 5.1.1.2 de la décision du 20 juillet 2015 fixent un critère de sélection incompatible avec cet article 40. Est à cet égard sans incidence la circonstance qu'un tel critère ne méconnaitrait pas le principe d'égalité ou qu'il serait prévu à l'article 184 de ce règlement (UE), relatif à l'administration des contingents tarifaires pour l'importation ou l'exportation de produits agricoles vers ou depuis des Etats tiers.

6. Il résulte de ce qui précède que FranceAgriMer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 5 février 2016.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société du Domaine du Carrubier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande FranceAgriMer au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 000 euros à verser à la société défenderesse au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de FranceAgriMer est rejetée.

Article 2 : FranceAgriMer versera à La société du Domaine du Carrubier une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à La société civile du Domaine du Carrubier.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.

2

N° 20MA00133

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00133
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-05 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Aides à l'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP SARTORIO LONQUEUE SAGALOVITSCH et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-07;20ma00133 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award