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30/06/2023 | FRANCE | N°466290

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 30 juin 2023, 466290


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée CGI France a demandé au tribunal administratif de Nantes, sous le n° 1806052, à titre principal, d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays-de-la-Loire a prononcé à son encontre cinquante-trois amendes d'un montant unitaire de 300 euros, représentant un montant total de 15 900 euros, et, à titre subsidiaire, d'en réduire le montant et, sous le n° 1908695, d'annuler la décision implicite par

laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée CGI France a demandé au tribunal administratif de Nantes, sous le n° 1806052, à titre principal, d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays-de-la-Loire a prononcé à son encontre cinquante-trois amendes d'un montant unitaire de 300 euros, représentant un montant total de 15 900 euros, et, à titre subsidiaire, d'en réduire le montant et, sous le n° 1908695, d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays-de-la-Loire a rejeté son recours contre le titre de perception émis le 17 octobre 2018, d'un montant de 15 900 euros. Par un jugement n°s 1806052, 1908695 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 21NT00309 du 31 mai 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société CGI France, annulé ce jugement et ramené à 7 950 euros le montant de l'amende prononcée à l'encontre de cette société.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 28 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CGI France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société CGI France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle effectué par l'inspection du travail dans les locaux de la société CGI France situés au Mans, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays-de-la-Loire a, le 30 avril 2018, infligé à cette société une amende administrative d'un montant total de 15 900 euros, sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail, sanctionnant l'absence de décompte de la durée de travail conforme aux prescription des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail pour cinquante-trois de ses salariés. Le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 27 novembre 2020, rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation ou, à titre subsidiaire, à la minoration de cette amende, et à l'annulation du titre de perception émis pour en recouvrer le montant. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement, réduit le montant de l'amende prononcée à 7 950 euros et rejeté le surplus de la demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3171-2 du code du travail : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. " En vertu de l'article D. 3171-8 du même code : " Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : / 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; / 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié. " Aux termes de l'article L. 8115-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 3° A l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, il incombe à l'employeur de prévoir les modalités par lesquelles un décompte des heures accomplies par chaque salarié est établi quotidiennement et chaque semaine, selon un système qui doit être objectif, fiable et accessible.

4. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'ainsi que l'a relevé la cour, les salariés de la société CGI France devaient déclarer, à la date du contrôle de l'inspection du travail, les heures travaillées chaque semaine en utilisant le logiciel " PSA Time ". A ce titre, jusqu'en mars 2017, un formulaire devait être rempli chaque semaine, avant le jeudi midi, portant sur les heures travaillées entre le dimanche et le samedi de la semaine en cours, les heures effectuées entre le jeudi et le samedi devant être déclarées de manière anticipée, le salarié ayant ensuite la possibilité de rectifier la durée du travail initialement déclarée. À compter du 6 mars 2017, les heures travaillées entre le dimanche et le samedi de la semaine en cours devaient être déclarées avant le vendredi à 17h. Quand un salarié souhaitait déclarer un nombre d'heures supérieur à la durée quotidienne de travail prévue à son contrat, un message s'affichait indiquant : " Votre déclaration dépasse le nombre d'heures attendu. Toute heure supplémentaire doit avoir été validée au préalable et ensuite être renseignée avec la sous-catégorie adéquate pour être payée. Merci de corriger le cas échéant ". Par ailleurs, l'inspection du travail a constaté, à l'occasion de plusieurs visites dans les locaux de l'établissement, que le taux de déclaration d'heures supplémentaires par les salariés employés dans l'établissement était quasiment nul et que les données relatives à la présence dans l'établissement issues de la comparaison des heures d'entrée et de sortie faisaient ressortir des écarts importants par rapport à la durée du temps de travail comptabilisée.

5. En jugeant, au regard des faits ainsi relevés, que les modalités de décompte de la durée du travail mises en œuvre par la société CGI France dans son établissement du Mans ne permettaient pas en l'espèce de les regarder comme assurant une " récapitulation " du nombre d'heures de travail telle qu'exigée par les dispositions de l'article D. 3171-8 du code du travail, faute de garantir, par un système objectif, fiable et accessible, que les éventuelles discordances entre la déclaration anticipée imposée à chaque salarié et le nombre d'heures effectivement accomplies soient assurées d'être corrigées, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas dénaturé les faits et les pièces du dossier qui lui était soumis, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société CGI France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société CGI France est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée CGI France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 466290
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2023, n° 466290
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466290.20230630
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