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30/06/2023 | FRANCE | N°465802

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 30 juin 2023, 465802


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ice Thé a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 207 925 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision implicite du 12 octobre 2013 ayant rejeté sa demande de délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public. Par un jugement n° 1706396 du 19 septembre 2019, ce tribunal a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la société Ice Thé la somme d

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Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ice Thé a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 207 925 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision implicite du 12 octobre 2013 ayant rejeté sa demande de délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public. Par un jugement n° 1706396 du 19 septembre 2019, ce tribunal a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la société Ice Thé la somme de 85 000 euros assortie du paiement d'intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 19MA04924 du 13 mai 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel incident de la commune d'Aix-en-Provence, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Ice Thé.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 17 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ice Thé demande au Conseil d'Etat:

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Ice The et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la commune d'Aix-en-Provence ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société à responsabilité limitée Ice Thé a sollicité le 12 août 2013 de la maire d'Aix-en-Provence la délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public au droit du local qu'elle exploite au 57, cours Mirabeau. Par un jugement du 12 mai 2016, devenu définitif après le rejet, par un arrêt du 9 février 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille, de l'appel formé par la commune d'Aix-en-Provence, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision implicite de rejet de cette demande et a enjoint à la commune de la réexaminer. Par un jugement du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la société la somme de 85 000 euros, assortie du paiement d'intérêts, en réparation du préjudice subi par elle entre le 1er janvier 2014 et le 16 juin 2016 à raison de l'illégalité fautive de la décision de rejet de sa demande d'occupation du domaine public du 12 août 2013. La société Ice Thé se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 mai 2022 par lequel la cour administrative de Marseille, faisant droit à l'appel incident de la commune d'Aix-en-Provence, a annulé ce jugement et rejeté sa demande indemnitaire.

2. Pour rejeter les conclusions indemnitaires formées par la société, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que si la décision implicite de refus née le 12 octobre 2013 avait été annulée par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mai 2016, elle pouvait trouver sa justification dans un motif non invoqué précédemment par la commune, tiré de la méconnaissance des articles 3-2 (A1) et 3-2 (A3) du plan de sauvegarde et de mise en valeur d'Aix-en-Provence, de sorte que la société ne disposait d'aucun droit à indemnisation.

3. Toutefois, ainsi que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'a jugé par une décision du 5 juillet 2022 annulant l'arrêt du 1er octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, par un motif identique, rejeté la demande de la société tendant à l'annulation du refus opposé par la commune d'Aix-en-Provence à une nouvelle demande d'autorisation d'occupation du domaine public au même emplacement, il résulte des dispositions des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de l'urbanisme que les dispositions du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune d'Aix-en-Provence n'étaient pas opposables à cette demande, qui n'emportait pas de modification de l'état d'immeubles. En statuant comme il est dit au point 2, la cour a ainsi commis une erreur de droit. Si la commune d'Aix-en-Provence demande que soit substitué au motif retenu par la cour celui tiré de ce qu'elle était fondée à refuser à la société une autorisation d'occupation du domaine public dès lors que celle-ci aurait eu pour conséquence une obstruction de la circulation piétonne aux abords du passage Agard, cette demande de substitution de motifs en cassation ne peut être accueillie dès lors qu'elle implique l'appréciation de circonstances de fait. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, que la société Ice Thé est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Ice Thé, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser une somme sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 000 euros à verser à la société Ice Thé au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La commune d'Aix-en-Provence versera à la société Ice Thé la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Ice Thé et à la commune d'Aix-en-Provence.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er juin 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 30 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Marc Vié

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 465802
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2023, n° 465802
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465802.20230630
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