Vu la procédure suivante :
La société Didou a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014. Par un jugement n° 1803042 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20TL00537 du 17 mars 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par la société Didou contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 16 mai et 16 août 2022 et les 10 mai et 5 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Didou demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la cour administrative d'appel de Toulouse :
- a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'elle n'établissait pas la réalité de son allégation selon laquelle les éléments remis au vérificateur étaient incomplets ;
- a entaché son arrêt d'irrégularité en ne motivant pas suffisamment sa réponse au moyen tiré du caractère excessivement sommaire de la méthode de reconstitution mise en œuvre par l'administration ;
- a entaché son arrêt d'une erreur de droit, et, à tout le moins, d'insuffisance de motivation en jugeant qu'elle n'apportait pas la preuve du caractère exagéré du résultat imposable reconstitué par l'administration ;
- a méconnu le sens et la portée de ses écritures et a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'elle n'apportait aucune explication ni sur les divergences existant avec les résultats obtenus par le vérificateur ni sur les contradictions avec ses propres déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ;
- a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'elle n'apportait pas la preuve du caractère exagéré du bénéfice imposable reconstitué par le vérificateur.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 février et 2 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet du pourvoi. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelievre, avocat de la société Didou ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Didou a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014, en application de la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en cas de défaut de déclaration des résultats dans le délai légal. La société Didou se pourvoit en cassation contre l'arrêt du
17 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté son appel contre le jugement du 16 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R* 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour écarter les conclusions de la société Didou tendant à l'annulation du jugement du 16 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier et à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Toulouse, après avoir relevé que si la société Didou proposait une méthode de reconstitution alternative établie par un cabinet comptable sur la base d'une comptabilité complétée après les opérations de contrôle, elle ne donnait toutefois aucune explication ni sur les divergences existant avec les résultats obtenus par l'exploitation des documents remis au vérificateur, ni sur les contradictions avec ses propres déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, a jugé que la société n'apportait pas la preuve qui lui incombait du caractère exagéré du bénéfice imposable de l'exercice clos le 30 septembre 2014 tel qu'il avait été reconstitué par le vérificateur à partir des propres données comptables de la société. En se bornant à statuer ainsi, sans se prononcer sur la valeur probante des nombreuses pièces justificatives produites par la société Didou dans ses écritures de première instance et d'appel à l'appui de la comptabilité reconstituée après les opérations de contrôle, la cour a insuffisamment motivé son arrêt.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Didou est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à la société Didou, au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 17 mars 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Article 3 : L'Etat versera à la société Didou la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Didou et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2023 où siégeaient :
Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 30 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
La secrétaire :
Signé : Mme Katia Nunes
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :