Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Fresnes (Val-de-Marne) à lui verser les sommes de 154 137 euros, 10 000 euros et 15 000 euros en réparation respectivement du préjudice financier, du préjudice de carrière et du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui résultent des illégalités fautives du fait de sa non réintégration dans un emploi vacant d'ingénieur territorial à temps plein.
Par un jugement nos 1304116, 1408362, 1500946 du 18 avril 2017, ce tribunal a donné acte à M. A... de son désistement des conclusions de sa demande tendant à la réparation, à hauteur de 15 000 euros, du préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un arrêt n° 17PA01984 du 28 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que M. A... a formé contre ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la réparation des préjudices financiers et de carrière résultant des fautes commises par la commune de Fresnes lors de sa réintégration.
Par une décision nos 423759, 424861 du 8 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.
Par un arrêt n° 20PA01772 du 8 juillet 2021, cette cour a rejeté l'appel formé M. A....
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 septembre 2021 et 28 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fresnes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... A... et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Fresnes ;
Une note en délibéré, enregistrée le 8 juin 2023, a été présentée par M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ingénieur territorial, recruté par la commune de Fresnes le 1er décembre 2006, a été détaché sur l'emploi fonctionnel de directeur des services techniques de la même commune pour une durée de cinq ans à compter du 1er juillet 2008. Par un arrêté du 30 juin 2010, le maire de Fresnes a cependant mis fin à son détachement à compter du 31 août 2010 et a prononcé sa réintégration dans le grade d'ingénieur territorial à compter du 1er septembre 2010. Par un courrier du 1er septembre 2010, la commune de Fresnes a informé M. A... qu'elle était en mesure de le réintégrer sur un poste au sein de la commune, impliquant une mise à disposition partielle d'un syndicat intercommunal. Par un courrier du 16 novembre 2010, M. A... a décliné cette proposition et indiqué son accord pour un licenciement avec indemnités. Par un arrêté du 26 novembre 2010, la commune de Fresnes a prononcé son licenciement, assorti d'indemnités, avec effet le 27 décembre 2010. M. A... a, le 24 mai 2013, saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant notamment à la condamnation de la commune de Fresnes à lui verser les sommes de 154 137 euros, 10 000 euros et 15 000 euros en réparation des préjudices financier, de carrière et moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant des illégalités fautives commises selon lui par la commune du fait de sa non réintégration dans un emploi d'ingénieur à temps plein. Par un jugement du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Melun, après avoir donné acte à M. A... de son désistement de ses conclusions tendant à la réparation, à hauteur de 15 000 euros, du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande indemnitaire. Celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la réparation d'un préjudice financier et d'un préjudice de carrière.
2. Aux termes de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais codifié aux articles L. 544-1 et suivants du code général de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. / Ces dispositions s'appliquent aux emplois : / (...) de directeur des services techniques des communes de plus de 10 000 habitants (...). / (...) La fin des fonctions de ces agents est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ; elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante ". Aux termes de l'article 67 de la même loi, désormais codifié aux articles L. 513-24 et suivants du code général de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige : " A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est (...) réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. (...) Lorsque le fonctionnaire détaché refuse l'emploi proposé, il ne peut être nommé à l'emploi auquel il peut prétendre ou à un emploi équivalent que lorsqu'une vacance est ouverte ou un poste créé. Il est, en attendant, placé en position de disponibilité d'office. / Lorsqu'aucun emploi n'est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an dans sa collectivité d'origine dans les conditions prévues à l'article 97. Si, au terme de ce délai, il ne peut être réintégré et reclassé dans un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est pris en charge dans les conditions prévues à l'article 97 soit par le Centre national de la fonction publique territoriale pour les fonctionnaires relevant des cadres d'emplois de la catégorie A mentionnés à l'article 45 et les ingénieurs territoriaux en chef, soit par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement qui les employait antérieurement à leur détachement pour les autres fonctionnaires. Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi correspondant à son grade de la collectivité ou de l'établissement d'origine. / Le fonctionnaire détaché qui est remis à la disposition de sa collectivité ou de son établissement d'origine avant l'expiration normale de la période de détachement pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions et qui ne peut être réintégré dans son corps ou cadre d'emplois d'origine faute d'emploi vacant continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement au plus tard jusqu'à la date à laquelle le détachement devait prendre fin ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire territorial sur un emploi fonctionnel, ce fonctionnaire est en principe réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. Dans le cas où le fonctionnaire territorial est détaché sur un emploi fonctionnel relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine, il appartient à celle-là ou à celui-ci, pour mettre en œuvre l'obligation de réintégration qui lui incombe en principe, de prendre en compte, sous réserve des nécessités du service, les emplois vacants à la date à laquelle cette collectivité ou cet établissement informe son organe délibérant de la fin du détachement, ainsi que ceux qui deviennent vacants ultérieurement.
4. Pour écarter toute faute de la commune de Fresnes, et en déduire que M. A... n'était pas fondé à rechercher la responsabilité de celle-ci, la cour administrative d'appel a notamment jugé qu'elle n'avait commis aucune faute en ne lui proposant pas l'emploi d'ingénieur spécialisé en urbanisme. Elle a jugé, à cet égard, que si cet emploi n'était pas encore pourvu le 24 juin 2010, date à la date à laquelle le maire de Fresnes avait informé les élus de ce qu'il avait décidé de relever M. A... de son emploi fonctionnel de directeur des services techniques, il était néanmoins destiné au recrutement d'un ingénieur territorial possédant le grade d'ingénieur principal, et ne pouvait donc être proposé à M. A..., qui ne détenait pas ce grade. En statuant ainsi, alors qu'il ressort de l'instruction, d'une part, que la fiche de poste du 10 février 2010 diffusée pour le recrutement d'un " ingénieur rattaché au service aménagement urbain - PLU " ne comportait aucune précision de grade, d'autre part, que l'avis de vacance publié par le centre interdépartemental de gestion de la petite couronne mentionnait, pour cet emploi, qu'il était ouvert, au sein du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, aux grades d'ingénieur et d'ingénieur principal et enfin, au surplus, que cet emploi avait été pourvu le 12 juillet 2010 par un ingénieur territorial n'ayant pas le grade d'ingénieur principal, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier. M. A... est fondé pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond.
6. En premier lieu, la commune de Fresnes a proposé à M. A..., pour satisfaire aux obligations résultant des dispositions citées au point 2, un emploi d'ingénieur chargé de la conduite et du suivi des opérations de construction du gymnase intercommunal, d'une part, et des équipements annexes partiellement dédiés au lycée en cours de construction, d'autre part. La circonstance que cet emploi, qui était bien un emploi à temps complet, correspondant au grade de M. A..., impliquait une mise à disposition partielle auprès d'un syndicat intercommunal, en ce qui concerne la construction des équipements dédiés au lycée, ne saurait conduire à le regarder comme ne relevant pas de sa collectivité d'origine. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette proposition, qu'il a refusée, ne répondait pas aux exigences des dispositions citées au point 2, ou que la commune aurait commis une faute en lui proposant cet emploi.
7. En deuxième lieu, pour la mise en œuvre des dispositions citées au point 2, lorsque la collectivité ou l'établissement d'origine dispose de plusieurs emplois vacants à la date à laquelle est formalisée la fin du détachement de l'agent sur un emploi fonctionnel, ou devenant vacants entre cette date et la date de fin de détachement, il lui appartient, sous réserve des nécessités du service, de proposer au fonctionnaire détaché l'un de ces postes vacants. Si le fonctionnaire détaché refuse l'emploi proposé, il appartient à la collectivité ou à l'établissement d'origine de lui proposer successivement, sous réserve des nécessités du service, les autres postes vacants.
8. D'une part, il résulte de l'instruction que le poste d'ingénieur en risques professionnels dont M. A... soutient qu'il aurait dû lui être proposé était en réalité pourvu par un agent titulaire, temporairement absent, et avait été déclaré vacant par erreur. La commune de Fresnes n'a donc commis aucune faute en ne lui proposant pas cet emploi. D'autre part, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, le poste d'ingénieur spécialisé en urbanisme, était vacant et correspondait au grade de M. A..., et que la commune de Fresnes n'invoque aucune nécessité du service qui se serait opposée à ce qu'il lui soit proposé, ce dernier est fondé à soutenir que la commune de Fresnes a commis une faute en omettant de le faire. Enfin, si la commune de Fresnes soutient qu'elle a proposé à M. A..., par un courrier du 8 novembre 2010, un emploi correspondant à son grade, il résulte de l'instruction que ce courrier ne contenait qu'une fiche, datée du mois de novembre 2007, décrivant le profil de l'emploi qui, n'étant pas précise quant à la nature de l'emploi proposé et à sa rémunération, ne peut être regardée comme constituant une offre d'emploi vacant.
9. En troisième lieu, il résulte, d'une part, des dispositions de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, citées au point 2, que le fonctionnaire dont il est mis fin au détachement sur un emploi fonctionnel ne saurait se voir proposer un reclassement, un congé spécial ou une indemnité de licenciement que si la collectivité ou l'établissement concerné ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade. Il résulte, d'autre part, des dispositions de l'article 67 de la même loi, citées également au point 2, que, lorsque, à l'expiration du détachement d'un fonctionnaire, ce dernier refuse l'emploi proposé, il ne peut être nommé à l'emploi auquel il peut prétendre ou à un emploi équivalent que lorsqu'une vacance est ouverte ou un poste créé et qu'il est, en attendant, placé en position de disponibilité d'office. Par suite, en proposant à M. A..., au vu du refus de ce dernier d'accepter l'emploi qui lui était proposé, de le licencier avec indemnité, alors qu'elle aurait dû, en attendant sa réintégration, le placer en position de disponibilité d'office, la commune de Fresnes a commis une faute.
10. En dernier lieu, toutefois, il résulte de l'instruction tout d'abord, que M. A... a refusé d'être réintégré sur l'emploi correspondant à son grade qui lui a été régulièrement proposé par la commune de Fresnes. Il en résulte, ensuite, que M. A... n'a ni contesté, devant le juge administratif, le refus de la commune de Fresnes de lui proposer un autre emploi, ni demandé à être placé en disponibilité d'office, seule position dans laquelle il aurait pu légalement être placé après avoir refusé le seul emploi qui lui était proposé, dans l'attente d'un autre emploi vacant. Il en résulte, encore, que M. A... n'a pas davantage accepté la proposition de la commune de le mettre à disposition du centre interdépartemental de gestion de la petite couronne, laquelle, quand bien même elle lui était faite à tort, lui ouvrait la possibilité de conserver un lien avec le service. Il en résulte, enfin, qu'à l'inverse, M. A... a, par un courrier du 16 novembre 2010, indiqué sans équivoque à la commune de Fresnes son souhait d'être licencié avec indemnités, manifestant ainsi sa volonté de rompre ses liens avec le service sans attendre de se voir proposer un autre emploi que celui qu'il avait refusé. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas que les fautes de la commune relevées aux points 8 et 9 ci-dessus présenteraient, dans les circonstances de l'espèce, un lien de causalité suffisamment direct avec les préjudices financiers et de carrière résultant de sa non réintégration dans un emploi d'ingénieur à temps plein par la commune de Fresnes, au titre desquels il demande réparation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre du rejet par le tribunal administratif de Melun de sa demande indemnitaire.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que la commune de Fresnes demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette commune qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 juillet 2021 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant la cour administrative d'appel de Paris, ainsi que celle qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Fresnes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la commune de Fresnes.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 30 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne