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28/06/2023 | FRANCE | N°454054

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 28 juin 2023, 454054


Vu la procédure suivante :

Le département des Côtes-d'Armor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor lui a notifié le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement applicable de 2018 à 2020 en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Par un jugement n° 1805701 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 20NT02848 du 4 juin 2021,

la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la ministre de la coh...

Vu la procédure suivante :

Le département des Côtes-d'Armor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor lui a notifié le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement applicable de 2018 à 2020 en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Par un jugement n° 1805701 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 20NT02848 du 4 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, annulé ce jugement et rejeté la demande du département des Côtes-d'Armor.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Côtes-d'Armor demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 ;

- le décret n° 2018-309 du 27 avril 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du département des Côtes-d'Armor ;

Considérant ce qui suit :

1. La loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a organisé les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements à fiscalité propre contribuent à l'effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique. A cette fin, son article 13 a fixé un objectif national d'évolution de leurs dépenses réelles de fonctionnement en définissant un indice correspondant, pour les cinq années en cause, à un taux de croissance annuel de 1,2 % par référence à leurs dépenses constatées en 2017, et son article 29 prévoit que certaines collectivités territoriales, parmi lesquelles les départements, concluent avec l'Etat, à l'issue d'un dialogue avec le préfet territorialement compétent, et au plus tard le 30 juin 2018, un contrat ayant pour objet de consolider leur capacité d'autofinancement et d'organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public. Cet article 29 prévoit, au II, que ce contrat est conclu pour trois ans et couvre les exercices 2018, 2019 et 2020, et dispose, au IV, que ce contrat fixe le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement auquel la collectivité territoriale signataire s'engage chaque année, déterminé sur la base du taux national de 1,2 % défini à l'article 13, modulable à la hausse ou à la baisse dans les conditions prévues aux A et au B du IV. Le VI de cet article prévoit que, pour les collectivités n'ayant pas conclu un contrat dans les délais prévus par la loi, le préfet leur notifie pour la même période triennale un niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement qui évolue comme l'indice défini à l'article 13, après application des conditions prévues au IV.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département des Côtes-d'Armor n'ayant pas conclu, avant le 1er juillet 2018, le contrat prévu à l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018, le préfet des Côtes-d'Armor lui a notifié, par un arrêté du 3 octobre 2018, le niveau maximal annuel de ses dépenses réelles de fonctionnement pour les années 2018 à 2020, en retenant un taux de croissance annuel, par rapport à ses dépenses réelles de fonctionnement en 2017, de 1,2 %. Entendant bénéficier d'une modulation à la hausse de ce taux, sur le fondement du critère de majoration prévu au 3° du B du IV de l'article 29, le département des Côtes-d'Armor a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Rennes, qui a fait droit à sa demande par un jugement du 10 juillet 2020. Sur appel de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande du requérant par un arrêt du 4 juin 2021, contre lequel le département des Côtes-d'Armor se pourvoit en cassation.

3. Aux termes du IV de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 : " (...) B. - Le taux de croissance annuel peut être modulé à la hausse en tenant compte des trois critères suivants, dans la limite maximale de 0,15 point pour chacun des 1° à 3° du présent B, appliqué à la base 2017 : (...) / 3° Les dépenses réelles de fonctionnement de la collectivité territoriale (...) ont connu une évolution inférieure d'au moins 1,5 point à l'évolution moyenne constatée pour les collectivités de la même catégorie (...) entre 2014 et 2016 ".

4. En premier lieu, il résulte des articles 13 et 29 de la loi du 22 janvier 2018 que le dispositif de maîtrise des dépenses d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, qu'il procède d'un contrat ou d'un arrêté préfectoral, repose sur des variables, parmi lesquelles les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités, calculées sur une base annuelle et sur un mécanisme dont le respect est évalué chaque année. De même, le critère fixé au 3° du B du IV de cet article 29 permettant une majoration du taux de croissance annuel des dépenses réelles de fonctionnement défini à l'article 13 doit s'apprécier au regard de la moyenne de l'évolution constatée chaque année entre 2014 et 2016 des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités de la même catégorie et non de l'évolution globale de ces dépenses calculées sur l'ensemble de cette période. Par suite et contrairement à ce que soutient le requérant, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités de la même catégorie à prendre en compte pour l'application de ce critère devait s'entendre comme la moyenne de l'évolution annuelle des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités de la même catégorie pour chaque année entre 2014 et 2016 et non comme l'évolution globale, sur cette période, de ces mêmes dépenses.

5. En second lieu, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé que l'arrêté du 3 octobre 2018 en litige n'avait pas été pris sur le fondement ou pour l'application de l'instruction interministérielle du 16 mars 2018 relative à la mise en œuvre des articles 13 et 29 de la loi du 22 janvier 2018 et de l'instruction interministérielle du 23 juillet 2018 relative à la mise en œuvre du VI de cet article et en a déduit que le département des Côtes-d'Armor ne pouvait utilement exciper, à l'appui de sa demande, de l'illégalité de ces deux instructions interministérielles.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le département des Côtes-d'Armor n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du département des Côtes-d'Armor est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département des Côtes-d'Armor et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Autret

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454054
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2023, n° 454054
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Autret
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:454054.20230628
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