La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°466794

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 22 juin 2023, 466794


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 18 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2020-09 S du 9 juin 2022 par laquelle le Haut conseil du commissariat aux comptes l'a radié de la liste des commissaires aux comptes ;

2°) de mettre à la charge du Haut conseil du commissariat aux comptes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres piè

ces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la conventio...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 18 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2020-09 S du 9 juin 2022 par laquelle le Haut conseil du commissariat aux comptes l'a radié de la liste des commissaires aux comptes ;

2°) de mettre à la charge du Haut conseil du commissariat aux comptes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. B... et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat du Haut conseil du commissariat aux comptes ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un signalement effectué par le président de la chambre régionale des commissaires aux comptes de Toulouse, relatif à la condamnation pénale, devenue définitive, de M. B..., commissaire aux comptes, pour des faits de fraude fiscale et de prise illégale d'intérêts, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a, le 9 juin 2022, prononcé à son encontre la sanction de la radiation de la liste des commissaires aux comptes. M. B... demande au Conseil d'Etat l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article

L. 824-11 du code de commerce, la formation restreinte convoque la personne poursuivie à une audience, qui se tient deux mois au moins après la notification des griefs, et au cours de laquelle cette personne peut être assistée ou représentée par le conseil de son choix. Aux termes de l'article R. 824-19 du même code : " Si la personne poursuivie, dûment convoquée, ne comparaît pas, la formation restreinte peut prendre une décision en son absence. Toutefois, si elle estime nécessaire sa comparution personnelle, elle peut renvoyer l'affaire à une audience ultérieure ".

3. Il résulte de l'instruction que le rapporteur général du Haut conseil du commissariat aux comptes a, en application de l'article L. 824-5 du code de commerce, diligenté une procédure d'enquête disciplinaire concernant M. B.... A l'issue de cette enquête, le Haut conseil du commissariat aux comptes a décidé, le 23 juillet 2020, d'engager des poursuites et d'arrêter les griefs, qui ont été notifiés à M. B... le 6 novembre 2020. Par lettre recommandée du 7 avril 2022, dont M. B... a accusé réception, il a ensuite été convoqué devant la formation restreinte devant se réunir le 18 mai 2022. L'intéressé ne s'est toutefois pas présenté à cette séance, sans faire connaître les raisons de son absence, et ne s'y est pas fait représenter.

4. La circonstance, invoquée par le requérant, qu'il était présent lors de l'audition conduite par le rapporteur général n'implique pas que l'audience devant la formation restreinte aurait été irrégulière du fait de son absence. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'il soutient, que M. B... aurait demandé un report de la séance, après réception de la convocation l'avisant de cette dernière, ni qu'il aurait fait valoir un motif faisant obstacle à ce qu'il puisse y assister ou s'y faire représenter. Dans ces conditions, et alors que les dispositions citées au point 2 prévoient que la formation restreinte peut siéger en l'absence de la personne mise en cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie par la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes aurait été irrégulière du fait de son absence lors de la séance, ni qu'elle aurait, pour ce même motif, porté atteinte au respect des droits de la défense, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 824-2 du code de commerce : " I.- Les commissaires aux comptes sont passibles des sanctions suivantes : /1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction d'exercer la fonction de commissaire aux comptes pour une durée n'excédant pas cinq ans ; / 4° La radiation de la liste ; / 5° Le retrait de l'honorariat (...) ". Aux termes de l'article L. 824-12 du même code : " Les sanctions sont déterminées en tenant compte : / 1° De la gravité et de la durée de la faute ou du manquement reprochés ; / 2° De la qualité et du degré d'implication de la personne intéressée ; / 3° De la situation et de la capacité financière de la personne intéressée, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ; / 4° De l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne intéressée, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / 5° Du degré de coopération dont a fait preuve la personne intéressée dans le cadre de l'enquête ; / 6° Des manquements commis précédemment par la personne intéressée ; / 7° Lorsque la sanction est prononcée en raison de manquement aux dispositions des sections 3 à 6 du chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier, elle est en outre déterminée en tenant compte, le cas échéant, de l'importance du préjudice subi par les tiers ". Il résulte de ces dernières dispositions que la sanction doit être déterminée selon les critères que l'article L. 824-12 énumère, appréciés au vu des faits de l'espèce.

6. Par un jugement du 12 décembre 2017, M. B... a été condamné pour fraude fiscale et abus de biens sociaux à une peine d'un an d'emprisonnement, assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, et à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle d'expert-comptable pendant cinq ans, notamment pour avoir soustrait frauduleusement la société dont il était le gérant à l'établissement de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2010 et 2011, l'avoir soustraite frauduleusement à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée et minoré ses déclarations relatives à cette taxe, éludant à ce titre la somme de 103 000 euros au cours de l'année 2012, et pour avoir procédé à des transferts de fonds injustifiés des comptes bancaires de la société à des fins personnelles pour un montant de 200 000 euros, tout en dissimulant ces transferts par des écritures comptables fictives, pendant une période de près de deux ans. Ces faits ont été commis alors que M. B... exerçait la profession de commissaire aux comptes. Or la mission du commissaire aux comptes, qui prête serment devant l'autorité judiciaire, est de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes qu'il contrôle. Si le requérant fait valoir qu'il a coopéré au cours de la procédure disciplinaire, cette circonstance n'était pas par elle-même de nature à faire obstacle au prononcé d'une sanction disciplinaire. Eu égard à la nature et à la particulière gravité des manquements reprochés, commis par un professionnel expérimenté, dont le rôle est de s'assurer de la sincérité des comptes qu'il contrôle, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, s'est bornée, en indiquant que l'intéressé avait choisi de ne pas répondre à la notification des griefs et de ne pas comparaitre devant la formation disciplinaire, à relever que M. B... ne lui avait pas apporté d'éléments permettant d'expliquer son comportement, et qui a noté que ce dernier n'avait, jusqu'alors, aucun antécédent disciplinaire, n'a pas prononcé une sanction disproportionnée, au vu des différents éléments rappelés, en infligeant, au requérant la sanction de la radiation de la liste des commissaires aux comptes.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes qu'il attaque. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à verser au Haut conseil du commissariat aux comptes, au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au Haut Conseil du commissariat aux comptes une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Haut conseil du commissariat aux comptes.

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice et à la compagnie nationale des commissaires aux comptes.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 466794
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2023, n° 466794
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD ; SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466794.20230622
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award