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16/06/2023 | FRANCE | N°451985

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 16 juin 2023, 451985


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat à lui verser les sommes qu'il estime lui être dues au titre de la fraction d'indemnité d'éloignement dégressive pour l'année 2018. Par une ordonnance n° 1900191 du 14 janvier 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 21BX01075 du 23 avril 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis, sur le fondement de l'article R. 351-2 du code de justice administra

tive, le pourvoi formé par M. B... contre cette ordonnance.

Par ce pour...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat à lui verser les sommes qu'il estime lui être dues au titre de la fraction d'indemnité d'éloignement dégressive pour l'année 2018. Par une ordonnance n° 1900191 du 14 janvier 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 21BX01075 du 23 avril 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis, sur le fondement de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par M. B... contre cette ordonnance.

Par ce pourvoi, enregistré le 11 mars 2021 au greffe de la cour, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 14 janvier 2021 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ;

- le décret n° 96-1027 du 26 novembre 1996 ;

- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;

- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 ;

- le décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 ;

- le décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 ;

- le décret n° 2014-729 du 27 juin 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte, statuant par application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes qu'il estime lui être dues au titre de la fraction d'indemnité d'éloignement dégressive pour l'année 2018.

2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, les conditions de recrutement, de mise en congé ou à la retraite de ces mêmes fonctionnaires : " Pour faire face aux sujétions particulières inhérentes à l'exercice de la fonction publique dans les territoires d'outre-mer, les fonctionnaires civils visés à l'article 1er recevront : (...) 2° Une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour, accordée au personnel appelé à servir en dehors soit de la métropole, soit de son territoire, soit du pays ou territoire où il réside habituellement, qui sera déterminée pour chaque catégorie de cadres à un taux uniforme s'appliquant au traitement et majorée d'un supplément familial. Elle sera fonction de la durée du séjour et de l'éloignement et versée pour chaque séjour administratif, moitié avant le départ et moitié à l'issue du séjour ".

3. Le décret du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats à Mayotte limitait à deux ans la durée de leur affectation à Mayotte, cette affectation ne pouvant être renouvelée qu'une seule fois à l'issue de la première affectation. Le décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, pris pour l'application des dispositions de la loi du 30 juin 1950, prévoyait, dans sa rédaction initiale, que l'agent recevant une affectation pour aller servir deux ans à Mayotte avait droit, à chacune des échéances prévues au 2° de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950, à une fraction d'indemnité égale à onze mois et quinze jours de traitement indiciaire net. L'indemnité était servie une seconde fois en cas de renouvellement du séjour pour une durée de deux ans.

4. A la suite de la transformation de la collectivité de Mayotte en département, le décret du 28 octobre 2013 portant application de l'indemnité de sujétion géographique aux fonctionnaires de l'Etat titulaires et stagiaires et aux magistrats affectés à Mayotte a supprimé, pour les agents affectés à Mayotte, le bénéfice de l'indemnité d'éloignement et leur a rendu applicables les dispositions du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique, qui ne concernait jusque-là que les fonctionnaires et magistrats affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Saint-Barthélemy. Le décret du 28 octobre 2013 a toutefois prévu, à son article 8, les dispositions transitoires suivantes : " I. - Les dispositions des articles 1er à 6 sont applicables à compter du 1er janvier 2017 aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat et aux magistrats dont le centre des intérêts matériels et moraux ne se situe pas à Mayotte. / II. - A titre transitoire et par dérogation au 3° de l'article 3 du décret du 27 novembre 1996 susvisé, les agents mentionnés au I qui sont affectés à Mayotte entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2016 bénéficient de quatre versements annuels au titre de l'indemnité d'éloignement pendant l'année d'installation et pour chacune des trois années suivantes calculés selon les modalités suivantes : 1° Fraction versée au titre de l'année 2014 : 8,5 mois de traitement indiciaire brut ; 2° Fraction versée au titre de l'année 2015 : 7,5 mois de traitement indiciaire brut ; 3° Fraction versée au titre de l'année 2016 : 6 mois de traitement indiciaire brut ; 4° Fraction versée au titre des années 2017, 2018 et 2019 : 5 mois de traitement indiciaire brut./ III. - Les agents mentionnés au I qui sont affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014 conservent le bénéfice de l'indemnité d'éloignement dans les conditions prévues au 3° de l'article 3 du décret du 27 novembre 1996 susvisé, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur du présent décret, pour les fractions restant dues et non encore échues. Ils ne bénéficient pas de la majoration de traitement prévue par le décret du 28 octobre 2013 susvisé au titre des années civiles au cours desquelles ces fractions sont versées ". Le décret du 28 octobre 2013 portant création d'une majoration du traitement alloué aux fonctionnaires de l'Etat et de la fonction publique hospitalière et aux magistrats en service dans le département de Mayotte prévoit, par ailleurs, à compter du 1er janvier 2013, une majoration du traitement indiciaire de base de 5 % en 2013, 10 % en 2014, 20 % en 2015, 30 % en 2016 et 40 % à compter du 1er janvier 2017. Enfin, le décret du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats à Mayotte, qui limitait à deux ans renouvelables une fois la durée de leur affectation dans cette collectivité, a été abrogé, à compter du 30 juin 2014, par le décret du 27 juin 2014 portant application à Mayotte des dispositions relatives aux congés bonifiés pour les magistrats et fonctionnaires.

5. Il résulte des dispositions mentionnées au point 4 que les agents affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014 dans le cadre du séjour dit " réglementé " de deux ans alors prévu par le décret du 26 novembre 1996 et qui, à l'issue de ce séjour, ont été de nouveau affectés à Mayotte postérieurement à l'abrogation de ce décret, et donc sans condition de durée de séjour, entrent dans le champ des dispositions transitoires du II de l'article 8 du décret du 28 octobre 2013 et avaient ainsi droit à l'indemnité dégressive que ces dispositions prévoient, pour une durée de quatre ans à compter de leur nouvelle affectation.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ingénieur de l'agriculture et de l'environnement à la DEAL, a été affecté à Mayotte à compter du 1er septembre 2013 pour un séjour dit " réglementé " de deux ans et que son affectation à Mayotte a été réitérée à compter du 1er septembre 2015. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en jugeant que M. B... avait épuisé ses droits au versement de l'indemnité à l'issue de ses quatre premières années de séjour, le tribunal administratif de Mayotte a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 14 janvier 2021 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Mayotte.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de la transition énergétique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 16 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Emmanuel Weicheldinger

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 451985
Date de la décision : 16/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2023, n° 451985
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel Weicheldinger
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:451985.20230616
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