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09/06/2023 | FRANCE | N°470006

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 09 juin 2023, 470006


Vu la procédure suivante :

La commune de Biot a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 19 octobre 2022 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a suspendu, en application de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme, l'effet exécutoire de la délibération du 22 septembre 2022 approuvant la modification de droit commun n° 9 de son plan local d'urbanisme, dans l'attente de la modification demandée. Par une ordonnance n° 2205490 du

8 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

La commune de Biot a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 19 octobre 2022 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a suspendu, en application de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme, l'effet exécutoire de la délibération du 22 septembre 2022 approuvant la modification de droit commun n° 9 de son plan local d'urbanisme, dans l'attente de la modification demandée. Par une ordonnance n° 2205490 du 8 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de cette décision.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 décembre 2022 et 10 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la requête de la commune de Biot.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la commune de Biot ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que par une délibération du 22 septembre 2022, le conseil municipal de Biot a approuvé la modification de droit commun n° 9 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Par une décision du 19 octobre 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a, sur le fondement de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme, suspendu l'exécution de cette délibération et demandé à la commune d'apporter les modifications qu'il estimait nécessaires au regard des objectifs de réalisation de logements sociaux applicables à la commune. Par une ordonnance du 8 décembre 2022, contre laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de la décision préfectorale.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme : " Lorsque le plan local d'urbanisme porte sur un territoire qui n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, l'autorité administrative compétente de l'Etat notifie, dans le délai d'un mois prévu à l'article L. 153-24, par lettre motivée à l'établissement public de coopération intercommunale ou à la commune, les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au plan lorsque les dispositions de celui-ci : (...) / 2° Compromettent gravement les principes énoncés à l'article L. 101-2, sont contraires à un projet d'intérêt général, autorisent une consommation excessive de l'espace, notamment en ne prévoyant pas la densification des secteurs desservis par les transports ou les équipements collectifs, ou ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques ; (...) / Le plan local d'urbanisme ne devient exécutoire qu'après l'intervention, la publication et la transmission à l'autorité administrative compétente de l'Etat des modifications demandées ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / (...) 3° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat (...) ".

4. Enfin, en vertu du I de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, pour que les communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales, atteignent le taux de ces logements exigé par l'article L. 302-5 du même code, le représentant de l'Etat dans le département notifie à la commune un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale, qui précise la typologie des logements à financer. Le III de cet article dispose que " Pour atteindre l'objectif défini au I, la part des logements financés en prêts locatifs sociaux ne peut être supérieure à 30 % des logements locatifs sociaux à produire et celle des logements financés en prêts locatifs aidés d'intégration est au moins égale à 30 %. (...) " et son IV prévoit que le programme local de l'habitat prend en compte les objectifs quantitatifs et de typologie définie aux I et III sur le territoire des communes concernées. Enfin, le VII du même article fixe l'objectif de réalisation par période triennale mentionné au I à 33 % du nombre de logements sociaux à réaliser pour atteindre le taux mentionné à l'article L. 302-5.

5. Si la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme étant, en principe, remplie lorsque la mise en œuvre des modifications demandées par le préfet sur le fondement de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme est de nature à retarder l'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme d'une commune ou d'un groupement de communes qui en était jusque-là dépourvu, tel n'est pas le cas lorsque la décision du préfet a pour seul effet de retarder l'entrée en vigueur d'une modification d'un plan local d'urbanisme auparavant approuvé par la commune ou le groupement de communes.

6. Ainsi, en jugeant que la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative devait être regardée comme remplie dès lors que la décision du préfet des Alpes-Maritimes, tendant à ce que la commune de Biot modifie sur un certain nombre de points la modification de droit commun n° 9 du plan local d'urbanisme que son conseil municipal avait adoptée par une délibération du 22 septembre 2022, avait pour effet de subordonner l'entrée en vigueur de cette modification du plan local d'urbanisme à la mise en œuvre des modifications demandées, sans apprécier concrètement, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, si cette condition était remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a entaché l'ordonnance attaquée d'une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension présentée par la commune de Biot, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

10. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

11. Pour justifier l'urgence de suspendre la décision préfectorale contestée, la commune de Biot soutient que la suspension de la mise en œuvre de la modification du plan local d'urbanisme adoptée le 22 septembre 2022 risque de compromettre la réalisation d'une résidence étudiante de 102 logements, répondant à l'un des objectifs poursuivis par le plan local de l'habitat de la communauté d'agglomération et tendant à accroître l'accueil des étudiants. Le préfet fait, pour sa part, valoir que sa décision de différer l'entrée en vigueur de la modification n° 9 du plan local d'urbanisme poursuit l'objectif d'intérêt public d'éviter que cette modification n'aggrave la situation de la commune, au regard de son obligation d'atteindre le taux de logements locatifs sociaux fixé en application de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, et ne compromette ainsi gravement ses chances d'atteindre l'objectif de mixité sociale dans l'habitat fixé par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme et, en particulier, la réalisation du programme local de l'habitat de la communauté d'agglomération Sophia Antipolis à laquelle elle appartient. Eu égard aux considérations ainsi mises en avant par le préfet, les éléments mis en avant par la commune ne permettent pas de caractériser une situation d'urgence nécessitant que l'exécution de la décision attaquée soit suspendue, dans l'attente du jugement de la demande au fond.

12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, la commune de Biot n'est pas fondée à demander la suspension de la décision du 19 octobre 2022 du préfet des Alpes-Maritimes. Par suite, sa demande de première instance doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13 Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 8 décembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Biot devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice, ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Biot.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 470006
Date de la décision : 09/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2023, n° 470006
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:470006.20230609
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